Golola, Jules, Polosecki naît le 15 juin 1909 à Lomazy (Pologne). Orphelin à cinq ans, placé chez une tante, il apprend très jeune à se débrouiller. Côtoyant les Jeunesses communistes pendant un temps, il est pourchassé par la milice (?). Il décide de fuir la Pologne et vient en France.
Il s’établit à Caen comme ouvrier tapissier-litier.
Au moment de son arrestation, il est domicilié à l’Hôtel Parisien, 13 place du Marché-au-Bois à Caen (Calvados). Il est célibataire.
Engagé volontaire après avoir été naturalisé, Jules Polosecki est mobilisé le 27 mars 1940.
À l’automne 1940, il se fait recenser comme Juif, respectant les lois du gouvernement de Vichy.
Le 1er mai 1942, à 23 h 45, Jules Polosecki est arrêté par la police française : il figure comme Juif sur une liste d’arrestations demandées par la Feldkommandantur 723 de Caen à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan) [1]. Le soir, il est conduit à la Maison centrale de la Maladrerie à Caen.
Le 3 mai, remis aux autorités d’occupation, il est emmené au “petit lycée” où sont rassemblés les otages du Calvados et où ils passent la nuit.
Le 4 mai, Jules Polosecki fait partie du groupe de détenus conduits à la gare de marchandises de Caen pour être transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Ils y arrivent le lendemain, 5 mai en soirée.
Entre fin avril et fin juin 1942, Jules Polosecki est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Jules Polosecki est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46305 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Jules Polosecki est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier). Affecté au Block 4, il travaille aux Kommandos Truppenwirschaftslager (TWL – équipement des troupes), avec Aimé Obœuf et David Badache, puis Bekleidungskammer (magasin d’habillement) au Kanada de Birkenau. “Organisant” des objets de valeur, il échange une montre sertie de diamants contre de la quinine qui lui permet de sauver David Badache de la maladie et de la mort.
Début juillet 1943, dernier détenu juif vivant, avec ce statut (D. Badache a reçu le triangle rouge des “politiques” en mars), parmi les “45000”, Jules Polosecki ne bénéficie pas de la mesure permettant aux autres rescapés du convoi d’écrire en France. Et il ne peut les rejoindre à Auschwitz-I, quand ceux-ci sont placés en “quarantaine” à partir du 14 août.
Le 21 janvier 1945, il fait partie de la dernière colonne de détenus évacués d’Auschwitz, en wagons découverts dirigés vers le KL Mauthausen (matricule n° 118193), où arrivent dix-neuf autres “45000”.
Le 28 ou 28 janvier, avec douze d’entre eux, il est affecté au Kommando de Melk (usines souterraines).
Le 15 ou le 17 avril, ils sont évacués à pied sur Ebensee, province de Zalsbourg, pour l’aménagement d’usines souterraines : « Là eut lieu la libération, le 6 mai 1945 ». Jules Polosecki mentionne l’extermination, la veille, de « 10 à 15 % des déportés du camp, massacrés par les nazis ».
Il revient en France le 24 mai 1945, via Longuyon ; seul otage juif rescapé avec David Badache, de Caen (qui a bénéficié du statut de “Mischlinge”).
Homologué comme “Déporté politique”, il est naturalisé français le 29 octobre 1948.
Il part vivre un temps en Espagne.
Le 26 août 1987, à Caen, suite aux démarches de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.
Jules Polosecki décède le 19 octobre 2001.
- Son nom a été inscrit sur le Mur des noms
une deuxième fois…
- …car il figurait déjà parmi les déportés de l’année 1942.
Son nom est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.
Notes :
[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.
L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.
Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.
Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.
Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).
Au total plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.
Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.
Caen.
Sources :
De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001, notice par Claudine Cardon-Hamet page 125.
Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 224, 352 et 353, 359, 361 et 417.
Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, pages 137.
Yves Lecouturier, Shoah en Normandie, 1940-1944, éditions Cheminements, Le-Coudray-Macouard (Maine-et-Loire), mai 2004, pages 115-118, p. 148, p. 176-177, liste p. 246.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 13-11-2011)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.