https://www.des-gens.net/Maurice-REIMOND

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Maurice RAIMOND naît le 21 septembre 1899 ou 1897 à Château-Thierry (Aisne), fils d’Eugène Raimond, 35 ans, ouvrier de fabrique, et de Victorine Roguet, 36 ans, son épouse ; son nom est parfois orthographié « RAYMOND » ou « REIMOND ».

Maurice Raimond commence à travailler comme cordonnier.

De la classe 1919 et classé dans la 5e partie de la liste en 1918 pour le service militaire, son incorporation est ajournée pour faiblesse et hydrocèle, et reportée au contingent de 1920. Le 15 mars 1920, Maurice Raimond rejoint comme soldat de 2e classe le 3e régiment de bombardement. Le 1er août suivant, il passe au 12e régiment d’aviation. S’il s’agit bien du 12e régiment d’aviation de bombardement, dépendant de l’Armée française du Rhin, celui tient alors garnison à Neustadt, dans le Palatinat, en attendant la signature du traité de Paix. Le 19 février 1922, Maurice Raimond est envoyé dans la disponibilité, titulaire d’un certificat de bonne conduite.

Le 2 septembre 1922 à Château-Thierry, Maurice Raimond se marie avec Germaine Lemret, née le 9 janvier 1905 dans cette ville. Ils auront une fille, née peu après leur mariage.

En 1925, Maurice Raimond travaille comme ouvrier en chaussures et habite rue de la Madeleine, à Château-Thierry.

En septembre 1927, il demeure au 3, rue des Mignottes à Paris 19e.

Maurice Raimond adhère au Parti communiste en 1932.

À partir de 1934 et jusqu’à son arrestation, Maurice Raimond est domicilié au 9, rue Arthur-Rozier à Paris 19e, à proximité de la place des Fêtes. Il a également un lien – qui reste à préciser – avec Vitry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne).

Toujours ouvrier cordonnier, Maurice Raimond travaille pour des selliers ou des fabricants de chaussures.

Puis, entre 1936 et 1939, il devient permanent appointé du Secours populaire de France et des colonies (ex-section française du Secours rouge international), parmi les cinq secrétaires nationaux dont Émile Bureau, qui sera déporté avec lui. Maurice Raimond est administrateur ou directeur du périodique de l’association, La Défense, créé en 1926. Il est membre de la cellule n° 1050 à la 19e section de Paris-Ville du Parti communiste. Le 17 janvier 1936, il dépose auprès du parquet du tribunal de première instance de la Seine une déclaration de gérance de la revue Unité pour l’aide et la défense, ainsi que de sa version allemande : Einheit für Hilfe und Verteidigung. Le 21 mars, le directeur des renseignements généraux transmet au préfet de police un rapport selon lequel « de nombreuses personnes étrangères » rendraient visite à Maurice Raimond, lequel « assisterait à toutes les réunions organisées par le Parti communiste tant à Paris qu’en banlieue. Il sort tous les soirs et ne rentre qu’à des heures tardives. » Le 19 septembre, la direction générale de la Sûreté nationale demande au cabinet du préfet de police des renseignements sur huit individus liés « à l’activité du Komintern en France » ; Maurice Raimond y figure en troisième place.  Une note du 13 novembre suivant constate : « Il reçoit à son domicile de nombreux journaux étrangers et des lettres qui, ces temps derniers, provenaient principalement de Belgique ».

En mars 1937, Maurice Raimond dépose une demande de passeport afin d’accompagner du matériel sanitaire et des vivres à destination de l’Espagne républicaine en lutte contre la rébellion franquiste.

Le 16 novembre 1939, son domicile est perquisitionné dans le cadre de la dissolution des organisations proches du Parti communiste. Les policiers y saisissent des lettres, des documents et des carnets de chèques relatifs à La Défense.

Mobilisé le 24 février 1940, Maurice Raimond est libéré en août, mais ne rentrerait à Paris que le 7 octobre. Il trouve – ou retrouve – alors un emploi de couseur dans les ateliers de Léopold Sée, fabricant de chaussures, au 5, rue du Plateau (Paris 19e). Il reprend son activité politique dans la clandestinité (il participe à la reconstitution du Secours populaire). Selon la police, il appartient à un centre clandestin de propagande plus particulièrement tourné vers les localités de banlieue sud et à l’origine de la création de l’Union des Comités populaires des démobilisés de 1939-1940, susceptible de noyauter le milieu des anciens combattants et de « provoquer l’agitation parmi les démobilisés sans travail ».

Le 4 décembre 1940, chemin de la Lande, à Champigny-sur-Marne, les services de police du commissariat de police de la circonscription interpellent Samuel Carasso, dit Samy, 51 ans, ancien rédacteur en chef de La Défense, qui sort de chez un autre militant. Sur lui ou à son domicile, les inspecteurs trouvent des papiers porteurs de plusieurs noms et adresses, dont ceux de Maurice Raimond.

Le 6 décembre, vers 11 heures, deux inspecteurs de la première section des brigade spéciales des Renseignements généraux se présentent à son domicile. Ils y trouvent (récupéré dans sa boîte aux lettres ?) un pneumatique [1] avec le texte suivant : « Paris, le 5 décembre, cher vieux – Samedi à 15h15, rue Montmartre dans le couloir de l’imprimerie Dangon (ancienne imprimerie de L’Humanité, aujourd’hui siège de La France au travail). À 16h30, dans le hall d’Aujourd’hui, les délégués régionaux tiendront dans la main deux journaux : La France au travail et Aujourd’hui. Au revoir mon vieux et tout à toi. René ». Interrogé par les inspecteurs, d’abord chez lui puis dans les locaux de la B.S. à la préfecture, Maurice Raimond déclare ne pas connaître « René » et que les rendez-vous doivent être pour remercier ces deux journaux d’avoir « accepté d’insérer un article sur la charte des anciens combattants. » Effectivement, le 25 novembre précédent, le journal a fait paraître un article intitulé « Les démobilisés présentent une charte revendicative ».

L’affaire est suivie par le commissaire André Cougoule. Le lendemain, vers 16 heures, les mêmes policiers interpellent Raymond Deudon et Roger Ossart sur le lieu du premier rendez-vous, devant l’imprimerie Dangon, au 123, rue Montmartre (un autre parvient à s’échapper). Ossart est trouvé porteur d’une feuille de souscription pour le Parti communiste région Sud portant le n° 176.

De nouveau interrogé à la préfecture le 7 décembre, Maurice Raymond déclare qu’il n’avait pas « l’intention de participer à cette délégation, devant aller ce jour-là à une noce » et qu’il ne connaît pas les deux autres inculpés.

Un de ceux-ci, plusieurs fois interrogé, lâche le nom et l’adresse de Léon Piédor, menuisier de Gentilly, qui est arrêté à son domicile et reconnait les faits, étant confondu par la déclaration de celui qui l’a mis en cause.Le 8 décembre, le commissaire Cougoule, « attendu que l’activité des nommés Raimond Maurice, Ossart Roger, Deudon Raymond, avait pour but la diffusion des mots d’ordre de la IIIe Internationale communiste ou d’organisations s’y rattachant au moyen de la propagande par tracts clandestins et papillons gommés, les [inculpe] d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 » et les fait conduire au dépôt à disposition du procureur de la République. Le lendemain, ils sont écroués à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).

Le 3 février 1941, la 11e chambre du tribunal correctionnel de la Seine acquitte Maurice Raimond faute de preuve ; excepté le pneumatique, la perquisition n’a permit la découverte d’aucun élément compromettant. Mais il n’est pas libéré pour autant : le lendemain, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939. Maurice Raimond est envoyé au dépôt de la préfecture de police, puis de nouveau écroué à la Santé, 3e division, cellule 67 bis.

Le 19 février, il écrit au Ministre de la Justice, pour protester contre l’injustice de cette incarcération, « trouvant ce fait anormal après [son] acquittement ». Quatre jours plus tard, il adresse  la même protestation au maréchal Pétain, chef de l’État français. Enfin, le 26 février, il envoie un courrier identique au préfet de police.

Le lendemain, 27 février, Maurice Raimond fait partie d’un des groupes d’internés administratifs transférés à la Maison centrale de Clairvaux (Aube) où ils en rejoignent d’autres : ils sont bientôt 300 détenus politiques (dont Guy Moquet et plusieurs futurs “45000”).

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Clairvaux. La Maison centrale. Carte postale. Collection M. Vive.

Le 26 septembre 1941, Maurice Raimond est parmi la centaine d’internés de Clairvaux transférés, en train via Paris, au camp français (Centre de séjour surveillé – CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Dans ce camp, Maurice Raimond fait partie de la direction politique clandestine des détenus, selon le témoignage de Fernand Devaux (qui pensait qu’il avait eu cette responsabilité au camp d’Aincourt, où il n’a jamais été interné).

Le 22 mai 1942, Maurice Raimond fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Maurice Raimond est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46030. Retrouvée, la photo du détenu portant ce matricule a  pu être identifiée par comparaison avec le portrait présenté sur le site de l’ANACR du 19e (voir ci-dessus), confirmant son placement sur la liste hypothétiquement reconstituée du convoi.

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Maurice Raimond.Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” (11,7 % des effectifs du convoi) sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés gazés [1]).

Il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 19-02-1997).

À Vitry-sur-Seine, son nom est inscrit sur la stèle dédiée au convoi du 6 juillet 1942 et apposée au dos du monument de la place des Martyrs de la Déportation.

Une plaque dédiée aux “45000” vitriots a été apposée au dos du monument. Elle est parfois masquée par la végétation.

Une plaque dédiée aux “45000” vitriots a été apposée
au dos du monument. Elle est parfois masquée par la végétation.

La plaque apposée pour le 50e anniversaire de la libération des camps (avril 1995).

La plaque apposée pour le 50e anniversaire de la libération des camps (avril 1995).

Notes :

[1] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

 

Sources :

- Jean Maitron, Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier, tome 39, page 350.
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 374 et 418.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central – Témoignage de Fernand Devaux, rescapé du convoi.
- Archives départementales de l’Aisne (AD 02), site internet, archives en ligne : registres du recrutement militaire, bureau de Soissons, classe 1919, matricules de 1 à 500 (22R136 – 1919), n° 99 (vue 132/633).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ;  liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; carton de la BS 1 (GB 55), affaire Ossart-Piedor-Deudon-Raimond (58) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1w0131 – 36634).
- 
Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris ; liste XLI-42, n° 152.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- 1940-1945, La Résistance dans le 19e arrondissement de Paris, ANACR, éditions Le temps des cerises, Pantin septembre 2005, page 252.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 983 (31907/1942).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 6-02-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.