Maurice, Adrien, Raux naît le 13 mars 1897 à Lisieux (Calvados – 14), fils de Charles Désiré Raux, 36 ans, journalier, « absent », et de Berthe Lecointre, 34 ans, son épouse, journalière, domiciliés au 5, rue Couture-du-Milieu.
Maurice Raux commence à travailler comme journalier.
Le 10 janvier 1916, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 24e régiment d’infanterie. Le 2 février suivant, la commission de réforme de Bernay le classe dans le service auxiliaire « pour léger raccourcissement de la jambe gauche avec atrophie ». Néanmoins, le 11 mai suivant, une commission spéciale le classe au « service armé ». Du 16 juin au 15 juillet, Maurice Raux est admis à l’hôpital militaire de Louviers pour maladie, puis de nouveau du 28 juillet au 27 août pour bronchite, suivi d’un mois de congé de convalescence. Le 11 novembre, il passe au 9e bataillon du 24e R.I. (« aux armées », en zone de combat). Le 15 décembre, la commission spéciale d’Amiens le propose pour un changement d’arme (artillerie montée). Le 2 janvier 1917, Maurice Raux passe au dépôt du 43e régiment d’artillerie de campagne. Il part « aux armées » le 10 février. Le 8 novembre suivant, il passe au dépôt du 219e régiment d’artillerie. Une semaine plus, tard, son unité part en Italie. Il rentre en France le 1er mars 1918. Le 25 juillet suivant, il passe au 48e régiment d’artillerie de campagne (« aux armées »). Le 30 août, il passe au 224e R.A.C. Le 9 mai 1919, il passe au dépôt du 4e R.A.C. Le 9 août 1919, la commission de réforme de Besançon le classe au service auxiliaire « pour atrophie de la jambe gauche consécutive à une paralysie infantile ». Le 24 septembre, Maurice Raux est envoyé en congé illimité de démobilisation, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire au 25, rue Saint-Dominique à Louviers.
Le 11 octobre 1919, à Percy-en-Auge, « par Mézidon » (14), Maurice Raux se marie avec Félicité, Augustine, Berthe, Lemière, née le 23 mai 1896 à Vassy. Ils n’ont pas d’enfant.
En octobre 1927, l’armée classe Maurice Raux “affecté spécial” aux Chemins de fer de l’État comme cantonnier à Mézidon.
En 1926, puis en 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, Maurice Raux est domicilié dans la Grande Rue de Percy-en-Auge. Cette année-là (1936), son épouse et lui semblent avoir deux pensionnaires : un ouvrier agricole de 47 ans et une fillette de 10 ans…
Maurice Raux est alors garde(-barrière ?) à Mesnil-Auger, dans l’arrondissement de la voie de Caen.
C’est un militant communiste.
Le 4 mai 1942, il est arrêté par la police allemande comme otage communiste à la suite du déraillement de Moult-Argences (Airan) [1] ; lors d’une deuxième vague d’arrestations. Incarcéré à la prison de Caen, il est transféré quelques jours plus tard (probablement le 9 mai) au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Maurice Raux est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Maurice Raux est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46035, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Maurice Raux se déclare comme cheminot (Eisenbahner). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Maurice Raux est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Il meurt à Birkenau le 18 septembre 1942, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à l’intérieur du camp au cours de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [2]). L’acte de décès du camp indique pour cause mensongère de sa mort « Hydropisie cardiaque » (Herzwassersucht).En 1953, Maurice Raux reçoit le titre de “Déporté politique” à titre posthume.
Dans la gare de Lisieux, son nom est inscrit sur la plaque apposée « À la mémoire des agents de la SNCF tués par faits de guerre » ; seul comme « fusillés ou morts en déportation ».
Le 26 août 1987, à Caen, à la demande de David Badache, rescapé caennais du convoi (matr. 46267), est inaugurée une stèle apposée par la municipalité sur la façade de l’ex-Petit Lycée, côté esplanade Jean-Marie Louvel, en hommage aux otages déportés le 6 juillet 1942.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Maurice Raux (J.O. du 8-03-1997).
Le nom de Maurice Raux est inscrit sur la plaque commémorative dévoilée le 19 décembre 2008 sur le pignon de l’ex-Petit Lycée de Caen, côté avenue Albert Sorel, afin de rendre hommage à tous les otages calvadosiens déportés suite à la répression de mai 1942.
Notes :
[1] Le double déraillement d’Airan et les otages du Calvados : Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, le train quotidien Maastricht-Cherbourg transportant des permissionnaires de la Wehrmacht déraille à 17 kilomètres de Caen, à l’est de la gare de Moult-Argence, à la hauteur du village d’Airan, suite au déboulonnement d’un rail par un groupe de résistance. On compte 28 morts et 19 blessés allemands.
L’armée d’occupation met en œuvre des mesures de représailles importantes, prévoyant des exécutions massives d’otages et des déportations. Le préfet du Calvados obtient un sursis en attendant les conclusions de l’enquête de police. Mais, faute de résultats, 24 otages choisis comme Juifs et/ou communistes sont fusillés le 30 avril, dont deux à Caen.
Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, un deuxième déraillement a lieu, au même endroit et par le même procédé. Un rapport allemand signale 10 morts et 22 blessés parmi les soldats. Ces deux déraillements sont au nombre des actions les plus meurtrières commises en France contre l’armée d’occupation.
Au soir du deuxième attentat – à partir de listes de communistes et de juifs (130 noms sur le département) transmises au préfet par le Feldkommandant – commence une vague d’arrestations, opérées par la police et la gendarmerie françaises avec quelques Feldgendarmes. Dans la nuit du 1er au 2 mai et le jour suivant, 84 hommes au moins sont arrêtés dans le Calvados et conduits en différents lieux de détention. Pour le commandement militaire allemand, ceux qui sont maintenu en détention ont le statut d’otage.
Tous les hommes désignés n’ayant pu être arrêtés, une autre vague d’arrestations, moins importante, a lieu les 7 et 8 mai. Le préfet du Calvados ayant cette fois-ci refusé son concours, ces arrestations d’otages sont essentiellement opérées par la Wehrmacht (Feldgendarmes).
Au total, plus de la moitié des détenus de ce début mai sont, ou ont été, adhérents du Parti communiste. Un quart est désigné comme Juif (la qualité de résistant de certains n’est pas connue ou privilégiée par les autorités). Des auteurs d’actes patriotiques, proches du gaullisme, sont également touchés par la deuxième série d’arrestations.
Tous passent par le “petit lycée”, contigu à l’ancien lycée Malherbe de Caen, alors siège de la Feldkommandantur 723 (devenu depuis Hôtel de Ville), où ils sont rapidement interrogés.
Le 4 mai, 48 détenus arrêtés dans la première rafle sont transférés en train au camp de police allemande de Compiègne-Royallieu ; puis d’autres, moins nombreux, jusqu’au 9 mai (19 ce jour-là).
- Extérieur de la gare de Caen. Carte postale oblitérée en 1937.
Collection Mémoire Vive.
Les 8 et 9 mai, 28 otages communistes sont fusillés au Mont-Valérien, sur la commune de Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine), pour la plupart (trois à Caen). Le 14 mai, onze otages communistes sont encore fusillés à Caen.
La plus grande partie des otages du Calvados transférés à Compiègne sera déportée à Auschwitz le 6 juillet 1942 : 57 politiques et 23 Juifs (près de la moitié des otages juifs du convoi).
[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à liquider des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.
Sources :
De Caen à Auschwitz, par le collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, éditions Cahiers du Temps, Cabourg (14390), juin 2001 ; notice de Claudine Cardon-Hamet page 127.
Cl. Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 74 et 75, 362 et 418.
Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie, Le Maastricht-Chebourg déraille à Airan, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, réédition 2004, page 13.
Site de l’association Rail et Mémoire.
Claude Doktor, Le Calvados et Dives-sur-Mer sous l’Occupation, 1940-1944, La répression, éditions Charles Corlet, novembre 2000, Condé-sur-Noireau, page 206.
Archives départementales du Calvados, archives en ligne : état civil de Lisieux registre d’état civil N.M.D., année 1897, acte n° 82 (vue 43/490) ; registre matricule du recrutement militaire pour l’année 1917, bureau de Lisieux, n° 501-985, matricule 937 (vues 638/711).
Mémorial de la Shoah, Paris, Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLIII-91.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 988.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; copie de l’acte de décès du camp (22424/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 12-08-2020)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.