- IDENTIFICATION INCERTAINE…
- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Émile, Pierre, Reinhard naît le 7 janvier 1890 à Reims (Marne), au domicile de ses parents, Jean Reinhard, 31 ans, cordonnier, et Delphine Mayer, son épouse, 24 ans, gantière, demeurant au 69, rue des Trois-Piliers.
Puis la famille s’installe à Paris, au 58 rue Pixéricourt, dans le 20e arrondissement. Émile commence à travailler comme employé de commerce.
Le 9 octobre 1911, il est appelé à accomplir son service militaire et rejoint le 37e régiment d’infanterie comme soldat de 2e classe. Le 15 avril 1913, il passe au 167e R.I. Le 8 novembre suivant, il passe dans la réserve, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire chez ses parents au 145, rue de Ménilmontant, à Paris 20e.
Le 3 août 1914, il est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale et “rejoint son corps” le jour même. Le 20 juillet (ou septembre) 1914, à Maurey ou Mamey (Meuthe-et-Moselle), il est blessé au cuir chevelu. En 1915, il est intoxiqué par les gaz (dans des circonstances restant à préciser…). Le 1er juin 1918, à la ferme Grenouillère Merthiers ou Mortiers ou Monthiers (Aisne), il est blessé par balle à l’avant-bras gauche (plaie perforante). Le 18 décembre 1919, la 2e commission de réforme de la Seine le proposera pour une pension temporaire de deux ans (invalidité de 25 %) : « insuffisance respiratoire avec prédominance au sommet droit sans expectoration bacillifère » (pas de tuberculose).
On ne sait pas vraiment à quelle date il est dégagé de ses obligations militaires… Début 1919, il habite de nouveau chez ses parents, rue de Ménilmontant.
Le 5 février 1919 à la mairie du 20e, Émile Reinhard déclare reconnaître pour sa fille Yvonne Gilloppé, née le 20 juillet 1912 à Paris 13e. Le 22 février suivant, il se marie avec la mère de l’enfant, Georgette Gilloppé, née le 2 avril 1893 à Fontaine-Fourches (Seine-et-Marne), domestique, domiciliée au 42, rue de Charonne ; son frère Léon Reinhard est témoin au mariage.
Au printemps 1926, la petite famille habite au 177 rue Pelleport ; Yvonne, 14 ans, est apprentie modiste. Au printemps 1931, la jeune fille, 19 ans, a quitté leur domicile.
En octobre 1932 et jusqu’au moment de son arrestation, le couple est domicilié au 3, square de la Gascogne, vers la Porte de Montreuil (20e), dans un groupe d’immeubles récents. Au printemps 1936, Émile Reinhard est employé aux Magasins Modernes (Paris 8e).
Militant communiste, il a des responsabilités au 2e “rayon” de la Région parisienne en 1932. Il est aussi « Président fondateur de l’Amicale des Locataires » (de l’ensemble d’immeubles où il habite ? HBM ?).
Le 26 octobre 1940, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif ; 38 personnes étant visées ce jour-là dans le département de la Seine (dont 12 futurs “45000”). Le jour même, Émile Reinhard est interpellé et conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.
En février 1941, alors que les autorités françaises envisagent le transfert de 400 détenus d’Aincourt vers « un camp stationné en Afrique du Nord », le docteur du centre dresse trois listes d’internés inaptes. Émile Reinhard figure sur celle des internés « non susceptibles absolus » en raison de son asthme et de son état général.
Le 6 mars 1941, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Émile Reinhard, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, ne formule pas son avis, mais constate que cet interné est un « communiste certain » incapable d’activité, « en raison de son état physique précaire (sclérose pulmonaire, bronchite chronique), ne peut se livrer à aucune propagande », ajoutant « en traitement à l’infirmerie depuis son arrivée ».
Le 5 mai 1942, après dix-huit mois d’internement à Aincourt, Émile Reinhard fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 466, il ne reste que cinq jours dans ce camp.
Le 10 mai, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin, malgré son inaptitude au travail pour cause de maladie, Émile Reinhard est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Émile Reinhard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46043, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Émile Reinhard.
Il meurt à Auschwitz le 22 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Une plaque commémorative a été apposée à sa dernière adresse, square de la Gascogne.
Sources :
Nathalie Viet-Depaule, notice in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, t.40, p. 28, citant : Arch. Préfecture de police 393 – Arch. Secrétariat d’État des Anciens combattants.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 381 et 419.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, fichier central, Caen.
Archives départementales de la Marne (AD 51), site internet, archives en ligne : registre des naissances de Reims, année 1890 du 1er janvier au 13 juillet (2 E 534/308), acte n° 43 (vue 13/409).
Archives de la préfecture de police de Paris, cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w74 (relevé trimestriel), 1w77, 1w80, 1w149 (notice individuelle).
Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 995 (32325/1942).
Site Les plaques commémoratives, sources de mémoire (aujourd’hui désactivé – nov. 2013).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 23-09-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.