- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
Camille, Fernand, Renaudie naît le 23 décembre 1897 à Tonnay-Charente (Charente-Inférieure / Charente-Maritime [1] – 17), chez ses parents, Joseph Renaudie, 42 ans, camionneur, et Augustine Cornet, son épouse, 36 ans, domiciliés rue des Tuyaux.
Sa mère décède à leur domicile le 20 janvier 1900. Le 13 novembre suivant, son père se remarie avec Louise Réaud, 31 ans. L’année suivante, le 23 septembre 1901, celle-ci donne naissance à Georges, demi-frère de Camille.
À l’issue de sa scolarité, Camille Renaudie suit une formation de serrurier.
De la classe 1917, il est appelé au service armé à compter du 8 janvier 1916, au 24e régiment d’artillerie de campagne. Le 24 janvier 1917, il est « aux armées » (sur le front). Après l’armistice du 11 novembre 1918, il se porte volontaire pour l’Armée d’Orient. Le 29 décembre, il est dirigé sur le 38e R.A.C. (régiment d’artillerie de campagne ?), qu’il intègre le 6 janvier 1919. Il est affecté au 5e groupe de l’Armée d’Afrique. En février, il est en Palestine. Il reste mobilisé jusqu’au 6 octobre 1919.
En 1920, il devient cheminot.
Le 16 juillet 1921 à Tonnay-Charente, il épouse Anne Marie Couturon, née le 19 juin 1901 dans la commune. Ils n’auront pas d’enfant.
Le 5 août 1921, l’armée le classe “affecté spécial” aux Chemins de fer de l’État en qualité de nettoyeur aux Batignolles (Paris 17e).
Le 11 août 1927, l’armée enregistre qu’il est nommé serrurier aux ateliers de la Garenne (les Ateliers de la Folie ?), rue des Carrières, à Nanterre [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92). Le couple demeure alors à cette adresse (?).
En 1928 Camille Renaudie est élu trésorier général du syndicat CGTU des cheminots de La Garenne-Colombes.
En 1934, il adhère au Parti communiste et en reste membre jusqu’à sa dissolution. En 1939, il appartient à la cellule des Ateliers de la Folie.
En février 1938 et jusqu’à son arrestation, Camille Renaudie est domicilié au 8, rue du Tintoret à Asnières [2].
À l’automne 1939 (?), il refuse de « passer à des camarades qui n’avaient pas été régulièrement élus les fonds et la comptabilité » de son syndicat, jusqu’à ce qu’il reçoive notification de la dissolution de celui-ci « par les autorités compétentes ».
Le 9 avril 1940, il est arrêté, ainsi que son épouse, pour propagande communiste « par » distribution de tracts. À son domicile sont saisis deux machines à écrire, des caractères d’imprimerie et un lot de tracts récemment imprimés. Il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé le même jour. À compter de cette date, il est « suspendu de son emploi » par la direction de la SNCF « pour son activité révolutionnaire ». Son épouse est relaxée un mois plus tard par ordonnance de non lieu.
Le 10 juin, au moment de l’exode, Camille Renaudie fait partie des détenus évacués sur Orléans, puis sur Briare. Entre cette ville et Cosne, leur colonne se disperse à la vue d’avions allemands, les gardes s’étant réfugiés à l’abri. Regagnant Paris par ses propres moyens, Camille Renaudie rentre chez lui. Après quoi, il se présente spontanément au commissariat de Courbevoie, puis à la Santé, où il touche son pécule de prisonnier et en donne décharge.
À partir d’octobre 1940, selon sa déclaration ultérieure, il décide, « de [sa] propre initiative » (ou sollicité pour ce faire, précisément parce qu’il est hors des ateliers……), de demander à d’anciens camarades de travail de la SNCF de bien vouloir verser leur obole en faveur de leurs collègues emprisonnés politiques, le but de ces collectes étant d’apporter un secours en argent à leurs familles, suivant leur situation matérielle et leur charge familiale. Il reçoit ainsi en tout environ 7000 à 7500 francs qu’il remet lui-même par dons de 100 à 300 francs ; versements effectués plusieurs fois à une dizaine de familles, sans en exiger de reçu. Certains de ses anciens collègues se chargent de recueillir les fonds dans les ateliers, puis lui remettent dans la rue. Il affirmera n’en distraire la moindre part soit pour la propagande, soit pour le Parti communiste avec lequel il a cessé toute relation depuis son arrestation. Son épouse est au courant de son activité, mais sans en connaître le détail.
Le 13 janvier 1941, Camille Renaudie est embauché comme ajusteur à l’usine des Établissements Willems (camions), à Nanterre. Plus tard, il préparera un courrier adressé à un chef de bureau de la SNCF pour demander sa réintégration et envisagera simultanément, par le biais d’une amie de sa famille, de trouver un emploi chez Nattford, à Poissy.
Le même jour (13 janvier), le Tribunal de Périgueux (Dordogne) – ayant poursuivi la procédure de sa première inculpation – le condamne, par défaut (considéré comme « évadé » ?), à deux ans de prison et 1000 francs d’amende.
En février suivant, deux inspecteurs de brigade spéciale des renseignements généraux de la préfecture de police commencent à mener une série d’enquêtes et de surveillances dans le but d’identifier les auteurs de la propagande communiste s’exerçant à Asnières. Connaissant Camille Renaudie comme un ancien militant très actif, ils surveillent plus particulièrement les abords de son domicile. Les nombreuses allées et venues qu’ils remarquent, les visites qu’il reçoit, leurs donnent la certitude que Camille Renaudie participe à l’activité communiste clandestine. Le 22 février, venus l’interpeller à son domicile, ils le trouvent porteur de deux feuillets portant des comptes relatifs à ses collectes, ainsi que d’une somme de 347 francs destinée à la famille d’un ouvrier de la SNCF détenu à Fort Barraux (Isère), qu’il leur remet « spontanément ». La perquisition de son appartement n’amène « la découverte d’aucun document intéressant l’enquête en cours ».
Le 23 février, au vu du rapport des inspecteurs et après l’interrogatoire de Camille Renaudie, André Cougoule, directeur de la BS des RG, commissaire et officier de police judiciaire, l’inculpe d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 et le fait conduire au Dépôt à disposition du procureur de la République. Alors que le « résumé des faits et circonstances » ayant motivé l’inculpation se limite au « recueil de fonds en faveur des emprisonnés communistes », le commissaire ne présente cette activité que comme un prétexte pour « la diffusion des mots d’ordre de la IIIe Internationale communistes ou d’organismes s’y rattachant ».
Se ravisant sans doute concernant la suite de la procédure, un responsable ajoute « camp » au crayon sur le procès verbal et une petite feuille volante porte la mention : « Je propose le camp ». Le 24 février, le préfet de police signe un arrêté ordonnant l’internement administratif de Camille Renaudie en application du décret du 18 novembre 1939.
Le 27 février suivant, celui-ci fait partie d’un groupe de 48 internés administratifs – dont Guy Môquet, Maurice Ténine et seize futurs “45000” – transférés à la Maison centrale de Clairvaux (Aube) où ils en rejoignent d’autres : 187 détenus politiques s’y trouvent alors rassemblés.
Le 27 septembre 1941, Camille Renaudie est fait partie d’un groupe d’internés transférés au “centre de séjour surveillé” de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).
Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés de Rouillé – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Camille Renaudie est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Camille Renaudie est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46050 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [3]).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Camille Renaudie est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
À une date restant à préciser, il est admis au Block 20 de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.
Il meurt à Auschwitz le 13 janvier 1943, selon plusieurs registres tenus par l’administration SS du camp.
Anne-Marie décède à Rochefort le 2 septembre 1988.
La mention “Mort en déportation” est portée sur les actes de décès de Camille Ranaudie (J.O. du 14-12-1997).
Notes :
[1] Charente-Maritime : département dénommé “Charente-Inférieure” jusqu’en septembre 1941.
[2] Asnières, Nanterre et la Garenne-Colombes : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes industrielles de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[3] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).
Sources :
Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, tome 40, page 52.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 380 et 418.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
Archives départementales de la Charente Maritime, archives en ligne : état civil de Tonnay-Charente, registre des naissances 1896-1900 (2E 472/38), année 1897, acte n°103 (vue 59/150) ; registre des matricules militaires, bureau de La Rochelle, classe 1917 (1 R 455), n° 718 (vue 336/754.
Archives de la préfecture de police (Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “Occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossiers de la BS1 (GB 52), n° 157, « affaire Renaudie », 23-02-1941.
Henri Hannart, Un épisode des années 40, Matricule : F 45652 (les intérêts de certains ont fait le malheur des autres), trois cahiers (1941-1942) dactylographiés par son fils Claude.
Archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), Paris ; liste XLI-42, n° 155.
Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1002 (1719/1943).
Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1260-1261.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 26-10-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.