- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
Henri, Yves, Généreux, Marie, Riochet naît le 6 mai 1903 à Troyon (Meuse), fils de Pierre Riochet et d’Alphonsine, née Hillion.
Le 6 août 1932, à Paris 7e, Henri Riochet, électricien, se marie avec Raymonde Cantagrel, née le 8 février 1911 à Bordeaux (Gironde), brocheuse, tous deux domiciliés au 166, rue de Grenelle. Ils ont deux enfants : Christian, né le 23 avril 1932, et Bernard, né le 5 mai 1933, tous deux à Paris 18e.
Au moment de son arrestation, Henri Riochet est domicilié au 3, avenue Albert-Thomas à Châtenay-Malabry [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92).
Henri Riochet est monteur téléphoniste. De décembre 1934 à novembre 1936, il est employé aux établissements Clémençon, à Paris 9e. De janvier 1937 à mars 1938, il travaille au Téléphone privé national (Téprinal), à Paris 14e, d’avril à septembre 1939, à la piscine municipale de Chatenay-Malabry, du 26 septembre au 6 décembre, à l’arsenal d’aviation de Villacoublay, et enfin de nouveau à la piscine de Chatenay.
Il est adhérent au Syndicat des Métaux (cartes 1936, 1937 et 1938).
Militant communiste, il est secrétaire du comité de Chatenay-Malabry du Comité de défense de L’Humanité (CDH) et adhérent au Secours populaire de France.
Le 24 mars 1940, « signalé comme militant communiste dangereux », il subit une perquisition domiciliaire conduite par le commissaire de police de la circonscription de Sceaux, au cours de laquelle ne sont trouvés chez lui que des documents militants datant d’avant l’interdiction du Parti communiste.
Le 20 avril suivant, il est arrêté par la gendarmerie de Paris-Exelmans pour propos anti-nationaux (défaitistes).
Le 22 avril 1940, la 4e chambre du Tribunal de police correctionnelle de la Seine le condamne à deux ans de prison en application des décrets-lois des 1-9-39 et 20-1-40 pour « propos défaitistes » tenus à Paris les 7 et 8 février 1940 (?). Il est écroué à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne) ; n° d’écrou 4510. Il fait appel, mais, le 7 juin, la Cour d’appel de Paris élève sa condamnation à quatre ans de prison. Il se pourvoit alors en cassation.
Henri Riochet est remis en liberté par les “autorités allemandes” le 24 juin.
Sous l’occupation, la police française (Renseignements généraux) le considère comme un « communiste très actif », ajoutant qu’il a repris « son activité clandestine » après sa libération.
Le 20 janvier 1941, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif d’Henri Riochet, en application du décret du 18 novembre 1940, en même temps que celui de 65 autres militants communistes de la Seine, probablement tous arrêtés ce jour-là. Le jour-même, ils sont 69 à être « dirigés directement » à la Maison centrale de Clairvaux (Aube), dans le quartier 3, à l’ouest du grand cloître, qui leur a été réservé : 223 détenus politiques s’y trouvent rassemblés au 30 mars.
Le 12 juillet, il écrit une lettre de protestation : « Ayant reçu ce matin un colis, j’ai eu la surprise de constater que l’on me saisissait trois paquets de tabac qui s’y trouvaient. Veuillez avoir, M. Le directeur, l’amabilité de bien vouloir m’indiquer quelles sont les raisons de cette saisie que rien ne justifie, d’autant plus que ce tabac ne gêne aucunement la consommation extérieure. »
Le 23 septembre, Jean-Pierre Ingrand, préfet délégué du ministre de l’Intérieur dans les Territoires occupés (à Paris), demande au préfet de l’Aube de retirer de Clairvaux les internés administratifs qui y sont « hébergés » (sic !) ; ordre rapidement exécuté.
Les 26 et 27 septembre 1941, Henri Riochet fait partie d’une centaine d’internés administratifs de la Maison centrale de Clairvaux transférés en train, via Paris, au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne).
Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Henri Riochet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Henri Riochet est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46059 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Henri Riochet est dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
À une date restant à préciser, il est admis dans la chambrée 7 du Block 28 (médecine interne) de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I.
Henri Riochet meurt à Auschwitz le 26 novembre 1942, selon un relevé clandestin du registre de la morgue d’Auschwitz-I (Leichenhalle) réalisé par le groupe de résistance polonais des détenus [2].
Son nom est inscrit parmi les déportés sur le Monument aux morts de Châtenay-Malabry, situé dans l’ancien cimetière communal, 260 av. de la division-Leclerc.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-07-95).
Notes :
[1] Châtenay-Malabry : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant Henri Riochet, c’est le 31 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 381 et 419.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dissolution du PC (BA 2447).
Archives Départementales du Val-de-Marne, Créteil : archives de la Maison d’arrêt de Fresnes, dossiers individuels des détenus (2Y5 753),: libérés par l’autorité allemande en juin 1940 (mandat de dépôt/ordre d’écrou ; extrait des minutes du greffe de la Cour d’appel).
Dominique Fey et Lydie Herbelot, Clairvaux en guerre, Chronique d’une prison (1937-1953), éditions Imago, Paris, décembre 2018, chapitre II, Une centrale dans la tourmente, pages 45 à 106, notamment la page 67.
Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
Site Mémorial GenWeb, 92-Châtenay-Malabry, relevé de François Le Plus (12-2003).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 17-10-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.