- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Maurice, Fernand, Roussel naît le 24 janvier 1909 à Hoëricourt (Haute-Marne), fils d’André Roussel, 21 ans, alors soldat au 115e d’infanterie, et de Marie Bugniot, 18 ans. Maurice Roussel est pupille de la Nation à onze ans (2/12/1919).
Le 24 août 1929 à Hoëricourt, il se marie avec Suzanne Beurton, née le 30 avril 1910 à Meaubette, commune de Trinqueux (Marne – 51). Ils ont un fils : Roland, né le 14 août 1934 à Reims.
Vers 1930, Maurice Roussel entre comme aide-charron au dépôt local des machines (locomotives) de Reims (51), embauché par une compagnie de chemin de fer – probablement la Compagnie des chemins de fer de l’Est – qui fusionnera avec d’autres au sein de la SNCF début 1938 [1] (il deviendra agent SNCF n° 42823).
Il est syndicaliste CGT et militant communiste.
Avant-guerre, la police française connaît son activité : notant le fait qu’il tient des réunions au café du Coq Hardi, avenue de Laon à Reims, elle suppose qu’il est secrétaire d’une cellule d’entreprise de la SNCF.
Au moment de son arrestation, Maurice Roussel est domicilié au 7, rue Jobert-Lucas (devenue rue Charles-Lucet ?) à Reims.
Avec René Manceau, Roland Soyeux (déportés le 6 juillet 1942), et Gaston Lelaurain [2], il forme lepremier groupe de résistance SNCF de la région.
Le 10 novembre 1941, Maurice Roussel est inscrit sur les listes des ex-militants communistes établies par le commissariat central de Reims.
Le 26 février 1942, il est arrêté à son domicile par la Feldgendarmerie, comme otage en représailles après des attentats contre des soldats allemands à Chalon-sur-Saône et à Montceau-les-Mines, en même temps que dix-sept autres Marnais (membres de la communauté juive, militants syndicaux et politiques). Appréhendé en même temps que Jules Huon, Marcel Gauthier, René Manceau, Félix Reillon, Henri Roy et Roland Soyeux – tous suspectés d’activité communiste clandestine et futurs compagnons de déportation -, Maurice Roussel est conduit à la Maison d’arrêt de Reims, boulevard Robespierre.
Le 5 mars, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), Frontstalag 122 – Polizeihaftlager, où il est enregistré sous le matricule n° 3677. Pendant un temps, il est assigné au bâtiment A8.
Entre fin avril et fin juin 1942, Maurice Roussel est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Maurice Roussel jette sur la voie ferrée, à la sortie de la gare de Reims, un message qui parviendra à son épouse.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Maurice Roussel est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46081 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Maurice Roussel se déclare comme cheminot (Eisenbahner). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Maurice Roussel.
Il meurt à Auschwitz le 6 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, qui indique pour cause – très probablement mensongère – de sa mort « entérite stomacale aigüe » (Akuter Magendarmkatarrh).
Il est déclaré “Mort pour la France” (10/12/1946).
Malgré un certificat d’appartenance aux Forces françaises de l’intérieur (FFI) délivré le 2 février 1948 pour son appartenance au Front national [3] (où il est homologué comme adjudant, 21/08/1947), l’homologation comme “Déporté Résistant” lui est refusée car « la détention n’a pas eu pour cause déterminante un acte de résistance à l’ennemi, au sens du statut des déportés et internés résistants » (Ministère des ACVG, 16/04/1964).
Son nom est inscrit sur la plaque commémorative apposée en gare de Reims « À la mémoire des agents SNCF tués pour faits de guerre », sur la plaque commémorative apposée « À la mémoire de nos camarades tombés dans la lutte pour la liberté, victimes de la barbarie nazie » (ce dernier adjectif ayant remplacé “barbarie allemande”), dans la salle de réunion de la Bourse du Travail de Reims, devenue Maison régionale des syndicats, 13 boulevard de la Paix, et sur le monument aux martyrs de la résistance et de la déportation, situé sur les Hautes Promenades à Reims.
Notes :
[1] La SNCF : Société nationale des chemins de fer français. À sa création, suite à une convention validée par le décret-loi du 31 août 1937, c’est une société anonyme d’économie mixte, créée pour une durée de 45 ans, dont l’État possède 51 % du capital.
[2] Gaston Lelaurain. Arrêté dès le 24 juin 1941, déporté en 1943 au KL Sachsenhausen où il meurt en 1945.
[3] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972, dite “FN”, jusqu’à son changement d’appellation le 1er juin 2018).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 366 et 419.
Cl. Cardon-Hamet, notice citant : Madame Rolland Roussel (documents cités, communiqués en juillet 1989. Acte de naissance et de disparition du 31-10-1946) – Son petit-fils, Pascal Roussel, s’adresse à l’Amicale d’Auschwitz en 1981 pour recueillir des renseignements supplémentaires sur son grand-père – Recherche de Jocelyne Husson, professeur à Reims – Archives FNDIRP, liste (incomplète) du convoi du 6 juillet 1942.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1031 (34305/1942).
Site Mémorial GenWeb, relevés d’Alain Girod (11-2002 ; photo) et de Claude Richard (2006).
Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Maurice Roussel (21 p 533 613), recherches de Ginette Petiot (message 05-2013).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 21-09-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.