- Collection Jean-René Kerdelhué.
Droits réservés.
René, Camille, Royer naît le 19 juillet 1897 à Payroux (Vienne – 86), chez ses parents, Louis Royer, 27 ans, cultivateur (jardinier), et de Marie Simonet, son épouse, 23 ans, lingère. Il a – au moins – une sœur, Marguerite, née en 1898, et un frère Narcisse, né en 1899.
Pendant un temps, René Royer travaille comme cultivateur, probablement avec ses parents.
Le 3 septembre 1917, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 32e régiment d’infanterie. Le 10 mai 1918, il part en renfort au 66e R.I. Le 13 juillet 1918, il passe au 136e R.I. Deux semaines plus tard, le 31 juillet, dans le secteur de Soissons, il est blessé par un éclat d’obus causant une plaie contuse dans la région orbitaire et maxillaire gauche. En mars 1919, la commission de réforme de Poitiers le proposera pour la réforme temporaire « pour réduction de la vision de l’œil droit à la perception lumineuse, vision de l’œil gauche = 1 ». En avril 1931, le 4e commission de la Seine le proposera pour une pension permanente d’invalidité de 45 %, et, un an plus tard, la 2e commission de la Seine le déclarera réformé définitivement « pour atrophie du nerf optique de l’œil droit aujourd’hui complète et vaste destruction traumatique du fondu V… ».
René Royer est décoré de la Croix de guerre (en 1934, il recevra la carte de Combattant).
Le 28 décembre 1920, à Payroux, il se marie avec Valentine Durpaire, née le 8 août 1902 à Mauprévoir, 11 km à l’est de Civray (86).
En avril 1921, le couple est installé chez le père de Valentine, Pierre Durpaire, à Mauprévoir. Après avoir travaillé comme coiffeur, René Royer y entre comme facteur auxiliaire dans l’administration des PTT (poste, télégraphe et téléphone). Leur fille Yvette y naît le 23 avril 1922, et leur fils René le 28 décembre 1923.
En juillet 1926, René Royer est muté à la recette principale de la rue du Louvre, à Paris 1er.
En septembre, la famille est domiciliée au 16, rue de la Grotte (aujourd’hui Firmin-Gillot), à Paris 15e. Leur fils Pierre naît le 14 octobre de cette année. Un an plus tard, la famille a emménagé au 27, rue du Chemin-de-Fer à Malakoff (Seine / Hauts-de-Seine), puis au 16, rue Ledru-Rollin dans cette commune.
À partir du 6 janvier 1929 et jusqu’au moment de son arrestation, René Royer est domicilié au 156, rue de Vanves (devenue rue Raymond-Losserand) à Paris 14e, dans une cité ouvrière HBM (habitation à bon marché), en face de l’hôpital Paris Saint-Joseph.
Son fils Jacques naît le 20 janvier dans le 15e arrondissement.
En janvier 1931, René Royer est affecté au bureau central des PTT du 14e arrondissement, au 15 bis, avenue d’Orléans [1], entre l’hôpital de La Rochefoucauld et la villa Adrienne.
Militant communiste, secrétaire de la cellule de son bureau de poste ; syndicaliste CGT (Syndicat unique des agents et employés des PTT), il est aussi membre du Secours ouvrier international (qui deviendra le Secours populaire français).
Le 12 juin 1932, il est arrêté sur le boulevard Sébastopol alors qu’il chante L’Internationale depuis un autocar revenant d’une fête communiste qui s’est tenue à La Villette-aux-Aulnes. Conduit au commissariat central du 10e arrondissement, il est relaxé après les “vérifications d’usage”, sans que cette affaire ait de suites judiciaires.
Le 22 juillet 1935, Valentine Royer met au monde leur fils Paul. Leur dernier enfant, Danielle, naît le 21 février 1939.
Le 9 décembre 1941, René Royer « fait l’objet d’une perquisition infructueuse » à son domicile.
Le 16 décembre, une notice de la 1re section des Renseignements généraux (Brigade spéciale), rédigée au motif que René Royer est suspecté d’être en liaison avec Bévillard et Berthelot, autres employés des PTT arrêtés pour activité communiste, indique qu’une telle relation n’a pu être établie et qu’« actuellement, […] il ne se livre à aucune propagande tant à son domicile que dans son entourage et à son lieu de travail ».
Le 28 avril 1942, René Royer est arrêté à son domicile, comme otage, lors d’une grande vague d’arrestations collectives (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine, visant majoritairement des militants du Parti communiste clandestin. Selon Suzanne Deslandes, il y eut 44 arrestations dans le 14e arrondissement et 10 furent dans le convoi du 6 juillet. « Un ou deux jours » après, René Royer est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le 8 juillet 1942, René Royer est enregistré à Auschwitz sous le numéro 46075 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifié par comparaison avec un portrait “civil”).
- Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, René Royer est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Le 2 novembre suivant, dans la chambre (Stube) n°5 du Revier de Birkenau (Block n° 8 – en brique – du secteur BIb), où se trouvent également cinq autres ”45000”, René Royer reçoit 2 comprimés de Pyramidon et 12 gouttes d’Anizine. Dans ce dispensaire pour les détenus, le SS-Rottenführer Franz Schulz exécute certains d’entre eux avec une injection mortelle dans le cœur…
On ignore la date exacte de la mort de René Royer à Auschwitz [2] ; avant la mi-mars 1943.
En 1951, son épouse dépose un dossier de demande de reconnaissance au titre de la Résistance intérieure française (RIF).
En 1956, son épouse dépose un dossier de demande d’attribution du titre de déporté politique.
Déclaré “Mort pour la France”, il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 27-01-1999).
Une plaque commémorative a été apposée au centre de tri postal du 115, boulevard Brune : « À la mémoire de notre camarade René Royer, facteur. Déporté et disparu, victime de la barbarie nazie ».
Notes :
[1] Avenue d’Orléans : actuellement avenue du général-Leclerc.
[2] La date de décès inscrite sur les actes d’état civil en France… Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ.
S’agissant de René Royer, c’est « le 11 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne) et non le 6 juillet 1942 à Compiègne (Oise) » qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 372 et 419.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Dossier Deslandes – Mairie du 14e – M. Cottard, Revue d’Histoire du 14e, n°29, p.71, fév.1989 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen – Questionnaire rempli par l’un de ses enfants, René Royer, le 15 février 1992.
Archives départementales de la Vienne, archives en ligne (MI 1203, 1893-1902), acte n° 11 (vue 39/97) ; Recensement de 1901 à Payroux (6 MI 062), page 3, n° 11 (vue 2/19) ; registre matricule du recrutement militaire, bureau de Poitiers, classe 1917, numéros de 1 à 500 (cote ???), matricule 73 (vue 110/723).
Message de Jean-René Kerdelhué (02-2011).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande” (BA ?) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 661-19216) ; dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 1574-53284).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 26-01-2024)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.