- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
Camille, Édouard, Alexis, Salesse naît le 27 juin 1912 à Condat(-en-Féniers) (Cantal), dans la maison de ses parents, Jean-Baptiste Salesse, 38 ans, artisan menuisier, et Marie Papon, 36 ans, son épouse, alors domiciliés au lieu-dit les Moulins. Les témoins pour l’enregistrement du nouveau-né à l’état civil sont un directeur d’école et un garde-champêtre. Il est peut-être le benjamin de quatre autres enfants nés avant lui : Jean Noël, le 24 décembre 1898 au hameau du Vernet, Marguerite, le 7 mai 1902, Félix, le 4 mai 1904, et Alexis Antony, le 18 août 1908.
Camille Salesse arrive dans la région parisienne à l’âge de quatorze ans (vers 1926).
Le 28 mai 1932, à Argenteuil [1] (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), – n’ayant pas vingt ans – il se marie avec Marcelle Le Bouquin.
Pendant un temps, il travaille comme monteur en pylônes.
Puis il devient cafetier.
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 82, avenue d’Argenteuil à Colombes [2] (Seine / Hauts-de-Seine).
C’est un militant du Parti communiste.
Le 18 juillet 1941, il est arrêté à Colombes « pour détention d’armes ». Jugé à Paris le 11 août suivant par un tribunal allemand, il est condamné à trois mois de prison. Il est emprisonné successivement au dépôt de la préfecture de police (Conciergerie, sous-sol du Palais de Justice, île de la Cité), le 14 août 1941 à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), le 21 août à Villeneuve-Saint-Georges (Seine / Val-de-Marne – 94), puis à la Maison d’arrêt de Fresnes (94) à partir du 20 octobre.
À l’expiration de sa peine, le 31 octobre, il est libéré « sur intervention de M. Van Porten, ingénieur de la société France-Radio ».
Le 28 avril 1942, il est de nouveau arrêté à son domicile lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine – avec le concours de la police française – et visant majoritairement des militants du Parti communiste. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Camille Salesse est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46091 (ce matricule sera tatoué sur son bras gauche quelques mois plus tard).
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Camille Salesse est dans la moitié des membres du convoi qui est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir.
Le 24 octobre, il est admis au Block 20 (contagieux) de l’hôpital du camp [2], en provenance du Block 28 (convalescents).
En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).
À la mi-août, Camille Salesse est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel – qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blockset Kommandos d’origine.
Le 3 août 1944, Camille Salesse est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.
Le 28 août, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés à Flossenburg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque), un Kommando de Buchenwald, et enregistrés dans ce camp le 31 août (matr. 19898).
En janvier 1945, il est envoyé au Kommando de Leitmeritz, avec Georges Hanse et Étienne Pessot.
Libéré le 8 mai 1945, il regagne la France, via Longuyon, le 22 mai.
Dix ans plus tard environ, Camille Salesse se met en ménage avec Monique Bidault, née le 10 janvier 1932 à Avallon (Yonne), déjà mère d’une fille, Marie-Josée, née le 12 novembre 1954 à Migennes ou Varenne (Yonne). Ensemble, ils ont une deuxième enfant, Monique, née le 16 décembre 1958, à Paris 14e.
Le 17 mars 1970, le couple se marie à la mairie du 17e arrondissement. Par ce mariage, le nouvel époux reconnaît Marie-Josée comme sa fille, après le lui avoir proposé.
Moins d’un an plus tard, le 23 février 1971, Camille Salesse décède à Paris 17e ; il a 58 ans.
À une date restant à préciser, sa fille Mireille rencontre chez lui Fernand Devaux, rescapé du convoi.
Fin août 2017, elle se rend pour la première fois à Auschwitz avec son mari, Jean-Marie Castor, et accompagnée de cousins, afin de répondre à un vœu formulé par son père. Elle a choisi ce voyage en petit comité afin de pouvoir se recueillir isolément sur les lieux.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 346 et 347, 359, 382 et 420.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel – fichier central) – Carnets de Roger Abada (45157), de Moulins (Allier) – Témoignage de René Aondetto (45175), de Paris 20e – État civil de la mairie de Condat.
Archives départementales du Cantal (AD15), site internet du Conseil départemental, archives en ligne ; registres des naissances de Condat 1907-1932 (5 Mi 695/4), année 1912, acte n° 19 (vue 98/355).
Mireille Castor, courriel (août 2017), et conversation téléphonique (septembre 2017).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 2-09-2017)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[3] L’hôpital d’Auschwitz : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus, réparti dans différents bâtiments. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.
Mais les “31000” et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme “Revier” : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.