Georges Alexeïvitch Schirinsky-Schikhmatoff, naît le 30 août (correspondant au 12 septembre, « ancien style ») 1890 à Saint-Petersbourg (Russie), fils du prince Aleksej (Alexis) Alexandrovitch Schirinsky-Schikmatoff, 27 ans, qui sera ministre du tsar Nicolas II, et de Leokadia Petrovna Mezenkova, son épouse. Descendant de Gengis Khan, la famille appartient à la très ancienne noblesse russe, catholique orthodoxe. Youri a deux frères, les princes Kyril (Cyrille) et Alexandre.
À une date restant à préciser, Youri Schirinsky-Schikhmatoff se marie avec Olga Vlovna de Witt. Ils n’auront pas d’enfant.
Il est officier de cavalerie au sein des Chevaliers-gardes, unité de la Garde Impériale russe, escorte du tsar formée uniquement de nobles.
En 1914, il est mobilisé avec son frère au sein de l’armée russe.
Selon les Renseignements généraux, Georges (Youri) Schirinsky-Schikhmatoff rejoint le front français au cours de la Première guerre mondiale comme pilote aviateur (commandant ?) et reçoit la Légion d’honneur. Jusqu’en 1939, il est membre de l’Union générale des associations des Anciens combattants de France.
Il est considéré comme entré régulièrement en France en 1920. Ayant fuit la révolution bolchévique, sa famille proche – parents et frères -, passée par Prague, s’installe à Sèvres. Ils conservent leur nationalité, mais leurs prénoms sont francisés.
Pendant un temps, Georges Schirinsky-Schikhmatoff habite au 29, rue Barbès, à Issy-les-Moulineaux.
Pendant un temps et jusqu’à la guerre – comme de nombreux « Russes blancs » -, Georges il est chauffeur de taxi, employé de la Compagnie française des automobiles, dont le siège est au 2, place Collange, à Levallois, et/ou à la Compagnie française des voitures de place, rue Frémicourt.
Les Renseignements généraux le connaissent comme membre du Groupe National-maximaliste en France et de l’Union des jeunes Russes (dissoute par son président en mai 1940) dans laquelle il ne joue aucun rôle important. Désigné également comme journaliste, collaborant à la revue Affirmation, organe philosophique et littéraire de la jeunesse russe post-révolutionnaire, il est membre de l’Association syndicale de la presse étrangère à Paris.
Le 4 avril 1931, à Meudon, veuf de son premier mariage, Georges Schirinsky-Schikhmatoff se marie avec Eugenia (ou Eugénie) Silberberg, née le 26 février 1885 à Elisabethgrad (Russie), elle-même veuve de Boris Viktorovitch Savinkov, « suicidé » dans la prison de la Loubïanka, à Moscou, le 17 mars 1925, et déjà mère d’un fils, Léon, né le 15 août 1912 à Niss (Russie). Elle a 46 ans : ils n’auront pas d’enfant. Elle travaille comme garde-malade et infirmière.
Selon la mémoire familiale, et aux dires des Allemands, Georges Schirinsky-Schikhmatoff a des idées « socialistes pro-communistes ».
Selon son employeur, il adhère au Parti communiste et serait même dirigeant d’une cellule, « sa femme [étant] elle-même une militante acharnée ».
À l’automne 1939, Georges Schirinsky-Schikhmatoff habite au 22, rue Bois-le-Vent, à Paris 16e.
Le 20 novembre 1939, le commissaire de police de la circonscription de Levallois-Perret écrit au directeur des Renseignements généraux pour lui signaler le nommé Schirinsky, réfugié russe (« dangereux »), « comme pouvant tomber sous le coup du décret du 18 novembre 1939 ». En effet, le directeur de la société de taxis, « dont les services de renseignement sont très bien organisés », vient de lui signaler que Georges Schirinsky-Schikhmatoff « n’aurait rien abandonné de ses anciennes sympathies pour la IIIe Internationale ».
À partir du 11 novembre 1940 et jusqu’au moment de son arrestation, le couple est domicilié au 17, rue Marbeau, à Paris 16e [1], ayant la garde d’un appartement appartenant à Georges Batault (1887-1963), citoyen suisse, ancien collaborateur du quotidien Le Temps et correspondant du Nouveau Temps, « connu pour ses opinions antisémites », dont l’épouse est russe, réfugié depuis juin 1940 dans les Alpes-Maritimes. Georges Schirinsky-Schikhmatoff est alors employé comme charretier à bras par la Maison Lebreton, sise au 50, rue des Petites-Écuries, à Paris 10e.
Dans une note manuscrite du 14 août 1941, les RG indiquent qu’Eugenia Schirinsky est en traitement pour un cancer à l’hôpital de la Salpêtrière, ayant été déjà opérée trois fois et n’étant plus opérable. Elle décède probablement peu après, lui-même étant désigné comme « veuf » en décembre 1942.
Pressentant ou informé qu’il va être arrêté, Georges Schirinsky-Schikhmatoff en informe sa belle-sœur – qui ne sait rien de son activité politique. Lors d’une rencontre organisée peu de jours avant son arrestation, il lui signifie ce qu’elle devra dire aux autres membres de la famille.
Le 18 mars ou en avril 1942, il est arrêté par les autorités allemandes et écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Un document mentionne la rue des Saussaie, siège de la Police de Sûreté Allemande, dont la section IV (Gestapo) : y aurait-il été convoqué ?
À une date restant à préciser, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Georges Schirinsky-Schikmatoff est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46116 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Georges Schirinsky-Schikmatoff se déclare alors comme « Handelsvertreter », représentant de commerce. Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Georges Schirinsky-Schikmatoff est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I, selon Daniel Nagliouck, rescapé.
Il meurt le 17 août 1942, selon le registre d’appel quotidien (Stärkebuch), après avoir été admis à l’infirmerie de Birkenau selon un témoin. Ce jour-là, vingt-six autres “45000” sont portés décédés ; probablement à la suite d’une séance de désinfection (coups, manque de sommeil…). Selon un témoignage apporté à sa famille, il aurait effectivement été battu à mort. L’acte de décès mentionne « Sepitsche Angina » : une angine infectieuse ?Le 24 juin 1944, Cyrille Schirinsky-Schikmatoff engage une démarche afin de savoir ce qu’est devenu son frère. Il peut préciser que celui-ci a probablement été déporté « vers Auschwitz ou Birkenau ».
Le 26 septembre 1946, le nom et le matricule de Georges Schirinsky-Schikmatoff figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre.
Le 17 juin 1947, le Central tracing bureau de l’US Army transmet au Bureau national des recherches le résultat de son enquête sur une personne disparue en confirmant la date portée sur l’acte de décès à Auschwitz et le matricule (fiche de recherche datée du 12 juin).
Dès le 7 août 1947, le bureau d’état civil du Ministère des anciens combattants peut établir un acte de décès avec la date exacte.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 24-09-1998).
Note :
[1] L’adresse du 7, avenue Léon-Heuzey – portée sur certains documents – semble être celle de son frère Cyrille.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 373 et 420.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (dossier individuel).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel des Renseignements généraux (77w114), n° 96.924.
Message d’Irina Schirinsky-Schikhmatoff, sa nièce (27-4-2006).
Message de Vannina Schirinsky-Schikhmatoff, sa petite-nièce (12-2012).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1079 (21444/1942).
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; message et pièces jointes 07-2010.
Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier de Georges Schirinsky-Schikmatoff (21 P 536 424), recherches de Ginette Petiot (message 01-2012).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, 30-01-2024)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.