Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.  Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,  Oświęcim, Pologne.  Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

André, Lucien, Jules, Sévens naît dans la soirée du 28 décembre 1910 à Paris 14e, chez ses parents, Jean Louis Victor Sevens, 27 ans, comptable, et Henriette Exiga, trente ans, son épouse, domiciliés au 52, avenue d’Orléans. André est l’aîné de quatre enfants – dont Maurice, né le 26 juillet 1913 à Rosny-sous-Bois (Seine / Seine-Saint-Denis), et René – élevés par une mère veuve ; une enfance difficile lui donne très tôt le sens des responsabilités.

N’ayant pas les moyens de poursuivre ses études, André Sévens parvient à obtenir le diplôme d’expert comptable en suivant des cours du soir.

En 1928, il entre comme comptable-correspondancier au siège de la compagnie Mazda (Compagnie des Lampes), 25 rue de Lisbonne dans le 8e, où il devient délégué syndical.

Le 7 septembre 1929, à Champigny-sur-Marne (Seine / Val-de-Marne), André Sévens se marie avec Isis Hortense Chatillon. Ils auront deux enfants : Huguette et Jean.

À partir de 1937, la famille emménage au 71, rue de Grenelle à Paris 7e.

Adhérent à la cellule du Gros Caillou, André Sévens vend L’Humanité et autres périodiques sur la voie publique (il est titulaire d’un permis de colporteur) et participe régulièrement aux réunions et manifestations organisées par le Parti communiste.

Ardent défenseur des libertés, il contribue à la solidarité avec les familles espagnoles durant la guerre d’Espagne. La famille héberge notamment pendant six mois une petite orpheline espagnole.

Un de ses grands amis d’alors est Jacques Khan, qui participera au gouvernement du général de Gaulle.

De la classe 1930, recrutement de la Seine, 1er bureau, André Sévens est rappelé le 2 octobre 1939 au centre mobilisateur 211 à Coulommiers (selon sa famille, il est engagé volontaire). Démobilisé le 25 juillet 1940, et ayant de la famille en zone libre, il reste quelques semaines à Carpentras. Mais, ne pouvant demeurer inactif, il décide de remonter à Paris. Son frère René est prisonnier en Allemagne.À partir du 4 juin 1941, André Sévens s’engage dans la Résistance au sein du Front national [1], où il est plus particulièrement chargé de missions de transport et de diffusion de tracts, de journaux et de diverses publications.

Le 4 septembre 1941, à la suite d’une filature organisée par la police française sur la personne qui lui apportait les tracts, il est arrêté à son domicile en présence de sa femme et de ses deux enfants : Huguette, 11 ans, et Jean, 8 ans. La perquisition effectuée amène la découverte de « manuscrits reproduisant les textes d’émissions radiophoniques de Londres et de Moscou, destinés à être utilisés pour la confection de tracts ». Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, André Sevens est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Son frère, Maurice Sevens, porteur de journaux, alors domicilié chez leur mère, à Colombes, est arrêté dans la même affaire, le même jour, ainsi que deux autres militants.

André Sevens avait gagné le respect de son employeur qui vient témoigner en sa faveur à son procès. Et, au cours de son interrogatoire, il nie tous les faits qui lui sont reprochés. Bien que bénéficiant d’une ordonnance de non-lieu prononcée par le juge d’instruction faute de preuves suffisantes, il n’est pas libéré : le 25 novembre, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, en application du décret du 18 novembre 1939.

Son frère Maurice est condamné par la Cour spéciale à quatre ans d’emprisonnement et cent francs d’amende pour détention et diffusion de tracts, brochures et papillons communistes (avant le 7 janvier 1942).

Le 3 janvier 1942, André Sevens fait partie d’un groupe de 38 internés politiques (parmi eux, 16 futurs “45000”) et 12 “indésirables” (droit commun) extraits du du dépôt et transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne – 86). Ils sont conduits en car, sous escorte, jusqu’à la gare d’Austerlitz où les attend un wagon de voyageurs réservé (10 compartiments ; départ 7h55 – arrivée 18h51). À Rouillé, il devient un proche de Roger Pélissou, de Bagnolet.

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Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”,
vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne),
Fonds Amicale Voves-Rouillé-Châteaubriant. Droits réservés.

En février 1942, Madame Sevens écrit à une autorité pour solliciter la libération de son mari.

Le 19 mai 1942, les services du chef du gouvernement, ministre secrétaire d’État à l’Intérieur écrivent à la préfecture de police. Leur attention ayant « été attirée sur le nommé » André Sevens, ils demandent à ce qu’on leur fasse « connaître, d’urgence, les raisons de la décision prise à l’encontre de l’intéressé, ainsi que [l’avis du préfet] sur l’opportunité d’une mesure de clémence à son égard ».
Le 22 mai 1942, André Sevens fait partie d’un groupe de 148 détenus (pour la plupart déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, André Sevens est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Sevens est enregistré au camp-souche Auschwitz sous le numéro 46102 (sa photo d’immatriculation a été identifiée par sa fille).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied à Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

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Portail du sous-camp de Birkenau, secteur B-Ia, semblable
à celui du secteur B-Ib par lequel sont passés tous les “45000”.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – André Sevens est dans la moitié du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” ; un contexte plus meurtrier (témoignage de R. Pélissou).

Il meurt à Birkenau le 10 mars 1943, selon les registres du camp ; peut-être du typhus (témoignage de R. Pélissou).

Le 30 juin 1945, Roger Pélissou adresse une lettre de réponse à ses proches pour confirmer son décès.

Arrêté le même jour que son frère, Maurice Sevens, est déporté depuis Compiègne le 22 mars 1944, dans un transport (1218 hommes) arrivé au KL Mauthausen le 25 mars. Il fait partie des 120 détenus transférés vers le Kommando de Wiener-Neudorf où lui-même est libéré le 22 avril 1945. Il décède en décembre 2004, à 91 ans.

Déclaré “Mort pour la France”, André Sevens est homologué comme “Déporté résistant”, n°1001.33571 (28-06-1962). Considéré comme sergent dans la Résistance intérieure française (certificat du 28-06-1950), il est cité à l’ordre de l’armée le 30 octobre 1963, distinction comportant l’attribution de la Croix de guerre 1939-1945 avec palme. Par arrêté du secrétaire d’Etat aux anciens combattants en date du 18 septembre 2002, la mention « Mort en déportation » est apposée sur l’acte de décès (J.O. 253, 29-10-2002).

En 1945, devenus orphelins et faute de moyens, les enfants Sevens ne purent continuer leurs études, comme l’aurait tant souhaité leur père. La famille est séparée.

En 1950, Huguette, sa fille, fait à 17 ans un premier mariage avec Henri Mathey, un cheminot. Fait prisonnier comme soldat en 1940, il s’est évadé en 1942 du camp disciplinaire de Rawa-Ruska en Galicie (Ukraine) et a obtenu de faux papiers à Lyon, par un réseau de la France Libre.

En 1958, veuve, Huguette contracte un second mariage avec Armand Touitou. Lui-même issu d’une famille juive, il passa son enfance dans un établissement recueillant les enfants juifs, où il put, malgré tout, poursuivre ses études.

Sources :

- Témoignage et documents de Huguette Touitou, sa fille (oct.-novembre 2006).
- Attestations de décès par Jean Marti (24-1-1946) et Roger Pélissou (24-1-1946).
- Attestation d’appartenance à la Résistance dans les rangs du PCF établi par la fédération de la Seine (20-03-1948).
- Attestation de André Hocdé, qui a lutté avec lui dans la résistance (25-11-1961).
- Attestation du liquidateur du Front national, n° 41783 (12-12-1961).
- FMD, Livre-Mémorial, tome II, page 313 (I.191).
- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 371 et 420.
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central).
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : état civil du 14e arrondissement, registre des naissances, année 1910 (14N 457), acte n° 10425 (vue 3/6).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 0693-25155).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 169.

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 13-09-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.

[1] Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France : mouvement de Résistance constitué en mai 1941 à l’initiative du PCF clandestin (sans aucun lien avec l’organisation politique créée en 1972 !).