Maurice, André, Sigogne naît le 17 avril 1900 à Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire – 49), fils de Jean Sigogne, 38 ans, cordonnier, et de Marie Jamain, son épouse, 23 ans (tous deux seront décédés au moment de son arrestation).
Pendant un temps, André Sigogne travaille comme agriculteur.
Le conseil de révision le classe dans la 5e partie de la liste du canton de Montreuil-Bellay en 1918, ajourné pour « faiblesse ». En mai 1920, le conseil de révision le déclare bon pour le service armé. Le 1er octobre suivant, il est incorporé au 1er régiment de zouaves. Mis en route le 26 octobre, il rejoint son unité au Maroc le 30. Le 16 février 1921, il est nommé soldat de 1re classe. Le 4 mars, il passe au 13e régiment de tirailleurs algériens, et est nommé caporal trois jours plus tard. Le 1er juillet suivant, sur sa demande, il est remis soldat de 1re classe. Sa campagne au Maroc se termine le 7 juillet 1922. Le 26 septembre, il est envoyé dans la disponibilité, titulaire d’un certificat de bonne conduite.
En décembre 1923, Maurice Sigogne habite au 35, rue Saint-Laud, à Angers (49). En mars de l’année suivante, il demeure chez M. Goullier, au Puy-Notre-Dame, à Cholet (49). En février 1925, on le retrouve au 13, rue Saint-Samson, à Angers.
Trois semaines plus tard, en mars, il est domicilié chez M. Fayola, au 2, rue des Platanes, à Épinay-sur-Seine [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93) .
Le 2 mai suivant, à la mairie de cette commune, Maurice Sigogne se marie avec Marcelle Fayola. Ils auront une fille, Thérèse, née vers 1927.
En août 1925, le couple (?) habite chez M. Vivet, place René Maçon, à Rambouillet (Seine-et-Oise / Yvelines – 78). En mai 1927 – et au moins jusqu’en avril 1930 -, ils sont domiciliés au 22, rue Jules Ferry, à Montmagny (78).
Au début des années 1930, la famille revient habiter à Épinay-sur-Seine, au 28, rue de Paris.
Maurice Sigogne travaille comme couvreur fumiste pour la maison Zell, rue du Delta à Paris 9e (dans certains documents, il sera désigné comme fumiste industriel ou plombier-couvreur).
Adhérent au Parti communiste en 1934, Maurice Sigogne devient secrétaire de la cellule 964 de la Région Paris-Nord.
Le 12 mai 1935, il est élu conseiller municipal communiste d’Épinay-sur-Seine sur la liste conduite par Joanny Berlioz.
Le 19 octobre 1937, la 10e chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à une petite amende pour coups et blessures ; s’agit-il d’une altercation politique ? (à vérifier…)
À partir du 4 octobre 1938, il travaille en qualité de compagnon-couvreur à la maison Defontaine, 60 rue Saint-André-des-Arts (Paris 6e). Il quitte cette place le 10 janvier 1939, sans que la police sache ensuite quelles sont ses activités.
En 1938, à la suite d’une grève (celle du 30 novembre ?), il est entendu au commissariat de Saint-Denis pour « entrave à la liberté du travail avec violences » ; affaire sans suite judiciaire.
Le 26 août 1939, dans le cadre du décret de mobilisation générale, âgé de 39 ans, il est affecté au 215e régiment régional, 22e compagnie de GVC (gardes voies de communication), cantonnée à Ablon (Seine-et-Oise).
Le 29 février 1940, Maurice Sigogne est déchu de son mandat par le conseil de préfecture de la Seine
- L’Œuvre, édition du 18 mars 1940.
Archives de la préfecture de police. Paris.
En avril 1940, alors que sa compagnie est cantonnée au Coudray-Montceaux (Seine-et-Oise), la censure militaire apprend par l’ouverture de son courrier qu’il est en relation avec « plusieurs indésirables astreints à résider au centre de séjour surveillé de Baillet ». Le chef d’état-major du gouverneur militaire de Paris s’informe à son sujet auprès du préfet de police, tout en indiquant que « ce militaire va faire l’objet d’une surveillance ». Maurice Sigogne est démobilisé au mois d’août et retrouve du travail aussitôt.
À son retour et pendant deux mois, sous l’occupation, il reste actif au sein du Parti communiste clandestin comme « agent de liaison du groupement local », diffusant tracts et journaux interdits. La police le considère effectivement comme un « agent actif de la propagande clandestine », ajoutant : « dangereux ».
Le samedi 5 octobre 1940, à 6 heures du matin, Maurice Sigogne est appréhendé à son domicile lors de la grande vague d’arrestations organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain à l’encontre des responsables communistes de la région parisienne avant-guerre (élus, cadres du PC et de la CGT), en application des décrets des 18 novembre 1939 et 3 septembre 1940 ; action menée avec l’accord de l’occupant. La perquisition effectuée à cette occasion chez Maurice Sigogne n’amène la découverte d’aucun document ou objet compromettant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 hommes sont rapidement placés en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.
Le 15 octobre, son épouse écrit au directeur de la police judiciaire, sollicitant qu’on lui fasse savoir où il se trouve et l’autorisation de lui procurer le linge et les vêtements chauds qu’il n’a pu emporter.
Le 5 février 1941, le ministère de l’Intérieur demande au préfet de Seine-et-Oise, d’établir « confidentiellement » une liste de 250 internés du centre d’Aincourt, classés selon quatre catégories : « 1° Les agitateurs professionnels susceptibles de provoquer des actes de rébellion. 2° Les extrémistes qui se livreraient, à l’intérieur des camps, sous une forme ou sous une autre, à la propagande révolutionnaire. [etc.] » Maurice Sigogne est classé parmi les neuf hommes retenus dans la première catégorie, avec Édouard Beaulieu, de Montreuil-sous-Bois.
Le 7 mars, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Maurice Sigogne, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, n’émet aucun avis, se contentant du constat que cet interné est « violent dans ses lettres, le serait dans ses actes – communiste sûr, homme de confiance du parti », ajoutant en ce qui concerne son comportement à l’intérieur du camp : « communiste dangereux ».
À partir du 16 juillet 1941, un nommé Sigogne est envoyé dans la journée chez le docteur Armandon, d’Aincourt, pour y effectuer des travaux agricoles : est-ce lui ?
Le 6 septembre 1941, Maurice Sigogne est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.
Dix jours après leur arrivée, Clément His, d’Épinay, envoie une carte postale à un camarade resté à Aincourt pour donner des « nouvelles » de lui et de Sigogne : « … cela va bien dans notre nouveau camp, nous sommes libres toute la journée et nous voyons passer les trains, car nous sommes à 5 mètres de la gare et les gens du village viennent nous voir de l’autre côté des fils de fer barbelés. Enfin, on est bien comme on doit être dans un camp, et ce vieux Sigogne rigole bien le soir dans la baraque. Pour le moment, je suis à l’hôpital de Poitiers avec [six autres internés] Bonjour à tous les copains d’Épinay ». Le service de censure de l’administration d’Aincourt intercepte cette correspondance à l’arrivée. Le 20 septembre, le commandant du camp communique ces courriers et leurs transcriptions au cabinet du préfet de Seine-et-Oise pour suggérer le laxisme avec lequel est géré cet autre camp : « la population parvient à communiquer avec les détenus », « 7 internés ont déjà quitté le camp de Rouillé pour l’hôpital de Poitiers. Même lorsque l’effectif du Centre d’Aincourt était de 700 internés, jamais le nombre d’hospitalisés n’a dépassé le chiffre de 3 ».
Le 9 février, Maurice Sigogne est parmi les 52 « communistes » (dont 36 seront déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits par des Feldgendarmes à la gare de Poitiers. Enfermés dans deux wagons à bestiaux, ils sont transférés – via Paris – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 -Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Maurice Sigogne est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Maurice Sigogne est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46103 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Maurice Sigogne.
Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement gazés [2]).
En 1953, le directeur interdépartemental des anciens combattants et victimes de guerre écrit à la direction des renseignements généraux pour lui demander des informations permettant à la commission départementale des internés et déportés de la Résistance de statuer.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 357, 385 et 420.
Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Editions de l’Atelier/Editions Ouvrières, édition CD-rom 1990-1997 : citant : Arch. dép. Seine, DM3 ; vers. 10451/76/1 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
Archives départementales de Maine-et-Loire (AD 41), site internet, archives en ligne : état civil de Montreuil-Bellay, registre des naissances de l’année 1900, acte 36 (vue 67/186) ; registres matricules du recensement militaire, bureau de Cholet, classe 1920, 3e volume, n° 1275 (vue 326/405).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris) ; cartons “occupation allemande” : camps d’internement… (BA 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; cabinet du préfet, dossier individuel de Sigogne Maurice (1 W 1544-87591).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt (1w71, 1w74), révision trimestrielle (1w76), notice individuelle (1w153).
Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1113 (31889/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 26-02-2017)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Épinay-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.