André, Henri, Steff naît le 7 août 1904 à Pacy-sur-Eure (Eure), chez ses parents, Henri Steff, 26 ans, chaisier, et Berthe Taverne, son épouse, 20 ans, couturière, domiciliés au 18, rue Montferrand. Auguste Steff, 49 ans (son grand-père ou un oncle ?), chaisier également, est un des deux témoins pour l’inscription du nouveau-né à l’état civil. André est baptisé à l’église de Pacy le 27 août ; il a pour marraine sa tante Berthe Steff. Plus tard, ses parents iront s’installer à Versailles [1] (Seine-et-Oise / Yvelines) – en juillet 1923, ils habitent au 4 rue Saint-Julien -, puis à Colombes (Seine / Hauts-de-Seine).
En 1924, André Steff est inscrit au bureau de recrutement militaire de Versailles.
Le 27 octobre 1923 à Versailles, âgé de 19 ans, André Steff se marie avec Jeanne Oury, née le 4 février 1904 à Paris 14e, gainière . Ils auront deux fils : Robert, né le 24 mars 1924 à Versailles, et Bernard, né le 21 septembre 1926. Mais André Steff quitte le foyer en 1927 ; la Justice le poursuit pour abandon de famille (pour ce motif, il sera condamné avec sursis en juillet 1932). Leur mariage est dissous le 8 mai 1928 par un jugement de divorce prononcé par le tribunal civil de la Seine. Il est plus que probable que les garçons restent avec leur mère, laquelle se remarie en juillet 1931.
En 1932, André Steff demeure au 33 rue de Seine, à Paris 6e. Dans cette période, il vit en ménage avec Fernande C., laquelle décède prématurément.
Polisseur sur métaux, il adhère à l’Union syndicale CGT des travailleurs de la métallurgie.
En 1935, il rejoint le Parti communiste, militant au sein du rayon des 6e et 7e arrondissements de la région Paris-ville.
Après avoir habité au 28, rue Dauphine (6e), il loge alors au 16, rue de l’Échaudé (6e).
Le 9 janvier 1935, la police municipale l’appréhende en compagnie d’autres militants alors qu’il placarde des affiches non-timbrées de l’Union des Comités de chômeurs de la région parisienne. Conduit au commissariat du quartier de l’Odéon (6e), il est relâché sans poursuite « après les vérifications d’usage ».
En mai 1936, il colle des affiches du PC pour la campagne électorale.
Dans cette période, André Steff apprend à piloter les avions au sein du Cercle populaire de Lucien Bossoutrot [2] où il obtient son brevet de pilote.
En juillet 1936, selon un témoignage ultérieur de sa future épouse, il est exclu du parti communiste.
Le 17 juillet 1936, la République espagnole du Frente popular est menacée par la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini. Au mois d’août, André Steff s’engage dans l’aviation républicaine, signant à l’ambassade d’Espagne un contrat payé quinze mille francs par mois, plus une assurance en cas d’accident. Il combat d’abord au sein de l’escadrille dirigée par André Malraux (il est désigné comme mécanicien dans l’ouvrage André Malraux et l’Espagne), puis avec l’aviation républicaine, livrant combat « aux forces aériennes nationalistes sur tous les fronts ». Il est blessé à une épaule lors d’un combat à Tolède.
Le 4 juin 1937, à Valence, André Steff se marie avec Magdalena Hernandez y Chofer, née le 22 novembre 1916 à Madrid. Les témoins sont deux autres aviateurs : Léon Toffen, originaire d’Hazebrouck, et Robert Maroch.
La famille de Magdalena est plutôt aisée, son père est propriétaire d’un élevage de taureaux (ganadería). Son jeune frère, José-Luis, né en novembre 1922, peut poursuivre ses études. Mais leur mère est décédée vers 1935 et leur père est tué dans un bombardement de Valence, capitale de l’Espagne républicaine, par les forces nationalistes. Le jeune José-Luis suit une formation militaire aérienne sans avoir l’occasion de piloter.
En février 1938, André Steff est à Paris, pour toucher son salaire à la Banque Franco-Espagnole, avenue de l’Opéra. Début août 1938, le couple Steff rentre définitivement en France et emménage à Vanves [3] (Seine / Hauts-de-Seine)
Son épouse Magdalena obtient la nationalité française, probablement par validation de leur mariage.
La police ne connait pas d’activité politique à André Steff dans cette période.
En 1939, André Steff est inscrit pour la première fois sur les listes électorales de Vanves étant domicilié au 15, rue de l’Avenir.
André Steff a repris son métier de polisseur sur métaux. Du 8 août 1938 au 4 juin 1941, travaille à la société Chromage moderne, 36 rue du Colonel-Gillon à Montrouge (Seine / Hauts-de-Seine), puis à la Maison Marne, 50 avenue Jules-Coutant à Ivry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne).
Le 9 février 1939, lors de la retraite de Catalogne, José-Luis Hernandez (16 ans) franchit la frontière franco-espagnole à Port-Bout (Pyrénées-Orientales – 66). Il est interné pendant quinze jours au camp de Saint-Cyprien (66), puis libéré et autorisé à rejoindre le département de la Seine, où son beau-frère a déposé une autorisation pour l’accueillir en tant que réfugié, devenant son tuteur. De février à juin 1940, durant la période de mobilisation, José-Luis est envoyé à Tours par décision du ministre de l’Armement, pour travailler comme manœuvre aux établissements Bardet, qui fabriquent des machines automatiques ; il loge à l’hôtel. En décembre 1940, il habite une chambre au 15 rue de l’Avenir et prend ses repas chez son beau-frère, André Steff, alors domicilié au 43 de la même rue, dans un petit pavillon. José-Luis travaille alors dans une usine dirigée par les autorités allemandes au Parc des Expositions de la Porte de Versailles (en avril 1942, il travaillera pour les mêmes comme manœuvre à Suresnes).
En 1941, le responsable de la police de sécurité et de renseignements de la SS (Sipo-SD) sur le territoire français, le “conseiller” Karl Boemelburg, demande à la police française d’établir une liste des anciens combattants en Espagne républicaine, laquelle est réalisée par la 3e section des Renseignements généraux. Dès lors, la police française considère André Steff comme « dangereux à la suite d’attentats commis sur des membres de l’armée d’occupation par d’anciens légionnaires ayant combattu en Espagne ».
Le 24 décembre 1941, dans le cadre d’une vague d’arrestations organisée par la police française contre 33 anciens combattants pour l’Espagne républicaine (dont les brigadistes Jean Cazorla, Maurice Fontaine, Henri Gorgue…), André Steff est arrêté par des agents en civil du commissariat de Vanves, en même temps que Fernand Tilliet, de Vanves. Tous sont conduits à la caserne désaffectée des Tourelles, boulevard Mortier, Paris 20e, “centre surveillé” dépendant de la préfecture de police. Deux jours plus tard, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif d’André Steff – considéré comme « dangereux pour la défense nationale et pour la sécurité publique » – en application du décret du 18 novembre 1939.
Le 4 février 1942, Madeleine Steff écrit au préfet de police pour solliciter son indulgence afin que son mari lui soit rendu, déclarant que celui-ci n’a pas appartenu aux Brigades internationales en Espagne et n’a pas fait de politique depuis son retour (il semble effectivement qu’il n’y ait aucun dossier au nom d’André Steff parmi ceux des brigadistes archivés en microfilm à la BDIC).
Le 5 mai 1942 à 4 heures du matin, André Steff fait partie des 24 internés des Tourelles, pour la plupart anciens Brigadistes, que viennent « prendre des gendarmes allemands » afin de les conduire au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, André Steff est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises.
Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, André Steff est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46119 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté André Steff.
Il meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [4]). La cause mensongère indiquée pour sa mort est « Insuffisance cardiaque ».
Le 12 septembre 1945, Lucien Penner, de Vanves, rescapé du convoi, rédige sur papier libre une attestation par laquelle il certifie qu’André Steff est décédé à Auschwitz « fin d’année 1942 ».
Le 23 février 1946, Victor Larue et Raymond Lecour, de Malakoff, se portent garant qu’André Steff a été arrêté le 21 décembre 1941. Le 3 mai 1946, Madeleine (Magdalena) Steff remplit une demande de régularisation du statut d’un « non-rentré ».
Le 12 juin suivant, un officier de l’état-civil du ministère des anciens Combattants et Victimes de la guerre (ACVG) dresse l’acte de décès officiel d’André Steff, en fixant la date au 1er novembre 1942 sur la base des éléments figurant au dossier n° 5014.Le 16 décembre 1956, alors qu’elle est domiciliée à Malakoff, “Madeleine” Magdalena Foulon, veuve Steff, alors domiciliée au 54, rue Jules Guesde à Malakof, remplit un formulaire du ministère des (ACVG) pour demander l’attribution du titre de déporté résistant à son ex-mari. Comme motif de son arrestation, elle indique seulement : « résistant ». Plusieurs rubriques de renseignements à fournir ne sont pas complétées. Elle ne mentionne aucun enfant. Sa démarche semble rester sans suite.
Le 6 janvier 1958, Madeleine Foulon remplit un nouveau formulaire du ministère des ACVG, cette fois-ci pour demander que soit attribué à André Steff le titre de déporté politique. Comme motif de sa déportation, elle indique : « arrêté pour distribution de tracts communistes ». Elle s’y déclare comme ouvrière. Le 15 janvier, le directeur interdépartemental de Paris adresse un formulaire de demande de renseignements à la sous-direction des statuts du ministère. Dans la réponse du 11 juin, il apparaît que le ministère possède une copie de l’acte de décès d’André Steff établi au camp d’Auschwitz.
Le 27 janvier 1959, la commission départementale de la Seine énonce un avis favorable à la demande, suivie en cela par le directeur interdépartemental, puis par la commission nationale le 5 mai. Le 22 mai, le ministère des ACVG décide de l’attribution du titre de déporté politique à André Steff. Le 15 juin, la carte n° 1101.25968 est envoyée à Maria (?) Magdalena Foulon en tant que conjointe.
Le 2 juin 1975, Bernard Steff, âgé de 51 ans, alors gainier (comme sa mère, Jeanne) au 11 rue des Fontaines-du-Temple à Paris 3e, écrit au secrétaire d’État aux anciens combattants ACVG pour que lui soit communiqué le maximum de renseignements concernant son père – date d’arrestation, motif, etc. – ainsi que l’endroit où il pourrait consulter un dossier le concernant. Le 20 octobre, le directeur des statuts et services médicaux lui répond en indiquant qu’André Steff a été « déporté le 7 juillet 1942 à Auschwitz, vraisemblablement en raison de sa confession israélite… », mauvaise interprétation probable de la consonance de son nom. Le 17 décembre, Henri Gorgue, alors à la retraite dans l’Yonne, écrit à Bernard Steff, dont il a lu une annonce parue dans Le Patriote Résistant, mensuel de la FNDIRP, en lui précisant qu’il est « le seul survivant du convoi parti de la caserne des Tourelles ». Il lui propose de le rencontrer dans la période des prochaines fêtes de Noël à l’occasion d’un séjour chez sa fille qui habite en région parisienne.
Notes :
[1] Versailles : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Lucien Bossoutrot, pilote de la Grande Guerre, puis pilote dans l’aviation civile, pilote d’essai chez Farman et Blériot, membre du parti radical-socialiste, élu député du Front populaire en 1936.
[3] Vanves : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[4] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7. Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 354, 384 et 420.
Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) ; carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
Archives communales de Pacy-sur-Eure, registre d’état-civil, année 1904, acte n°23, recherche de Ginette Petiot.
Archives municipales de Vanves, listes électorales.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), cartons “occupation allemande” : internés dans différents camps… (BA 1837) ; cartons “Parti communiste” , chemise “1941, perquisitions particuliers” (BA 2447) ; cabinet du préfet, dossier individuel de Steff André et Hernandez Luis (1 W 1020-50608) ; dossier RG de Steff André (77 W 3237-486593).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1169 (31869/1942).
Pôle des archives des victimes des conflits contemporains (PAVCC), ministère de la Défense, Caen : dossier de Steff André (21 P 540 732).
Site Mémorial GenWeb, 92-Vanves, relevé de Véronique Canova (04-2006).
Ginette Petiot, message de correction, citant la mairie de La Bresse, où a vécu un homonyme nom/prénom (02-2017).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 11-12-2021)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).