Stanislaw Tamowski (« Tachek ») naît le 9 mars 1899 à Lodz (Pologne), « de nationalité russe », fils de Vicenty Tamowski et de Maryana Bentyn, son épouse.
En août 1924, il arrive en France, sans doute avec son frère aîné Vladyslaw, né en 1896 à Lodz, venu avec son épouse Régina et sa fille Barbara, née en 1923 à Lodz. La deuxième fille de ce couple, Jeny, naît en 1925 à Tours (Indre-et-Loire – 37).
Les deux frères seront employés par la Compagnie Générale de construction et d’entretien du matériel de chemin de fer (CGCEM), entreprise privée, à Saint-Pierre-des-Corps (37), commune implantée entre le Cher et la Loire. Ils peuvent avoir été embauchés par l’entreprise après le licenciement de deux mille employés en répression des grèves revendicatives menées par le personnel en janvier, février et avril 1920 afin d’obtenir une nationalisation des ateliers.
Ébéniste de profession, comme son frère, Stanislaw Tamowski travaille comme menuisier à la CGCEM.
Pendant un temps, il est domicilié avec son frère et la famille de celui-ci au 24 rue de l’Ouest, dans la cité CGCEM de Saint-Pierre-des-Corps.
Le 25 octobre 1926, à Saint-Pierre-des-Corps, Stanislaw se marie avec Alice, Jeanne, Coadou, née le 17 mai 1899 au Havre, fille d’un marin, elle-même mécanicienne et domiciliée au 204 rue de la Noue.
Stanislaw et Alice auront deux fils : Jean Vincent, né le 30 mai 1927 à Tours, et Michel Stanislaw, né le 7 avril 1934 à Saint-Pierre-des-Corps.
En 1936, les familles Tamowski sont voisines dans l’impasse de la Grande Cour à Saint-Pierre-des-Corps.
Cette même année 1936, la CGCEM devient la Compagnie Industrielle de Matériel de Transport (CIMT).
Sous l’occupation, Stanislaw Tamowski est actif dans la Résistance, membre du réseau Touraine (groupe d’André Chartier ?) sous le pseudonyme de “Charles”. Dans son atelier d’usine, il diffuse des tracts et des papillons invitant les ouvriers à ralentir la production et à saboter les pièces en fabrication. Lui-même détériore volontairement les tuyauteries en caoutchouc canalisant l’air comprimé. En allant reconnaître les lieux au préalable, il participe également à la préparation de sabotages sur les voies ferrée de Saint-Pierre-des-Corps (ligne de Bordeaux ?).
Le 29 juin 1941, le préfet d’Indre-et-Loire, « vu les renseignements portés à [sa] connaissance, desquels il résulte présomption du délit de propagande communiste à l’encontre » de 18 individus – dont les frères Tamowski -, requiert le commandant de gendarmerie et le commissaire de police « de rechercher, tant par fouille au corps des sus-nommés que par perquisition en leur domicile, tous imprimés, documents ou objets de propagande communiste ».
Son frère Vladislaw est arrêté par la police française pour « menées communistes », puis interné administrativement au camp de Rouillé (Vienne).
Début février 1942, une sentinelle allemande en faction rue du Sanitas à Tours est “exécutée” par un résistant armé (Marcel Jeulin, 21 ans). Les autorités d’occupation font insérer dans le journal local, La Dépêche du Centre, un avis selon lequel des arrestations auront lieu, suivies d’exécutions et de déportations vers l’Est, si les coupables ne sont pas découverts.
Le 9 février, Stanislaw Tamowski est arrêté comme otage de représailles par des « agents de la Gestapo » et conduit au centre d’internement installé dans la caserne de l’ex-501e régiment de chars de combat. Quelques jours après, il est transféré à la Maison d’arrêt de Tours. Il n’est alors interrogé qu’une seule fois, de façon routinière. Ils sont dix soupçonnés d’activité communiste clandestine à subir le même sort, dont les jeunes André Marteau et Jacques Mazein, de Saint-Pierre-des-Corps…
Début avril, Stanislaw Tamowski est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Le 4 juin 1942, son frère Vladislaw est libéré. Il sera arrêté et emprisonné par les autorités allemandes de 19 août suivant (motif et suite restant à préciser…).
Entre fin avril et fin juin 1942, Stanislaw Tamowski est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée. Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Stanislaw Tamowski est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46127 (ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard).
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différentsKommandos.
Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Stanislaw Tamowski est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier).
Le 13 novembre, il est présent à l’infirmerie (Revier), où son nom est inscrit sur un registre. Le 17 novembre, dans la chambrée (Stube) n° 5 du “Revier” – où se trouve également Alexandre Varoteau -, il reçoit deux comprimé de Pyramidon (antinévralgique et antifébrile) et 40 gouttes de Cardiazol (stimulant circulatoire et respiratoire). Le 27 novembre, il reçoit encore deux comprimé de Pyramidon et 60 gouttes de Cardiazol.
Le 17 ou 18 mars 1943, il fait partie des dix-sept “45000” rescapés de Birkenau conduits à Auschwitz-I (en tout, 24 survivants sur 600 !).
En juillet 1943, la plupart des détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”) reçoivent l’autorisation d’écrire – en allemand et sous la censure – à leur famille et d’annoncer qu’ils peuvent recevoir des colis (à vérifier le concernant…).
À la mi-août 1943, Stanislaw Tamowski est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 – la prison du camp – pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel – qui découvre leur présence -, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.
Stanislaw Tamowski est alors affecté à la DAW (Deutsche AusrüstungsWerke, société SS, usine d’armement entre autres) où il est témoin du sabotage organisé par les détenus qui faussent les matrices des caisses de munitions (probablement y participe-t-il).
Le 3 août 1944, Stanislas Tamowski est parmi les trois-quarts des “45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en “quarantaine” en préalable à un transfert.
Le 28 août 1944, il est dans le petit groupe de trente-et-un détenus dont vingt-neuf “45000” transférés au KL [1] Flossenbürg (Haut-Palatinat bavarois, proche de la frontière tchèque) et enregistrés dans ce camp le 31 août.
Le 29 octobre, il est parmi les onze “45000” transféré à Wansleben (Kommando de Buchenwald), une usine de potasse (matricule 93413).
Le 12 avril 1945, il est dans une des colonnes de détenus évacués de ce camp à marche forcée vers le nord de Halle. Il est libéré le 14 ou 15 avril 1945 entre les villages de Quellendorf et Hinsdorf, avec neuf autres “45000”.
Après son retour, Stanislaw Tamowski reprend « la propagande communiste » auprès de la colonie polonaise d’Indre-et-Loire comme animateur de deux associations, le Conseil national polonais et l’Organisation polonaise d’aide à la Patrie. En 1949, son frère Wladislaw retourne en Pologne.
Stanislaw Tamowski adhère à la FNDIRP avant octobre 1951.
Le 16 avril 1952, interrogé par la police, il témoigne de la disparition du jeune Jacques Mazein à Auschwitz.
Alice Tamowski décède le 4 juin 1976 à Sainte-Maure-de-Touraine (37).
Stanislaw Tamowski décède le 3 septembre 1978.
Notes :
[1] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 89, 283, 290, 359, 364 et 421.
Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, liste page 530.
Archives départementales d’Indre-et-Loire, Tours : dossiers de la commission départementale des déportés et internés résistants, de Q à Z (50 W 35), dossier de Stanislaw Tamowski ; dossiers de M à Q (50 W 34), dossier de Jacques Mazein ; dossier résistance du Parti communiste clandestin (1877 W 3).
Registre de l’infirmerie de Birkenau sur lequel sont inscrits les médicaments distribués aux détenus, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 12-12-2021)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous dispose (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.