Marceau, Gaston, Tellier naît le 18 mai 1903 à Compiègne (Oise).
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 8, passage d’Enfer à Paris 14e. Le 10 avril 1937, il se marie en secondes noces avec Suzanne Rousseau, née le 31 mai 1903 à Paris 14e, sans enfant.
Il travaille comme plombier sanitaire pour une entreprise située rue Jules-Chaplain, à proximité de son domicile mais dans le 6e arrondissement.
Avant la guerre, il est adhérent au Syndicat Unitaire des Plombiers (CGT), milite au parti communiste et est adhérent de l’Association des Amis de l’URSS.
Il poursuit ses activités militantes dans la clandestinité.
Sous l’Occupation, il est au chômage.
Le 30 juillet 1941, à 7 h 45, deux gardiens cyclistes du commissariat de police du 13e arrondissement patrouillent en direction des usines Gnome et Rhône près de la poterne des Peupliers (Paris 13e). Les agents aperçoivent un groupe compact d’ouvriers se former devant la porte principale du 70, boulevard Kellermann. En s’approchant, ils voient par deux fois des tracts lancés en l’air au milieu du groupe, puis constatent la fuite de plusieurs individus dans différentes directions. Les “hirondelles” prennent l’un d’eux en chasse et, après une poursuite d’environ 400 mètres, coincent Marceau Tellier. Celui-ci est reconnu par les deux portiers de l’usine comme étant un des distributeurs de tracts et porte encore sur lui un lot d’imprimés : c’est un « flagrant délit ». Conduit au poste de Maison-Blanche dans un car de police-secours, il est mis à la disposition du commissaire d’arrondissement.
Marceau Tellier est conduit au dépôt de la préfecture de police puis à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e).
Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, Marceau Tellier est conduit au dépôt de la préfecture de police à la disposition du procureur de la République, puis écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e). Le lendemain, la 14e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine le condamne à six mois de prison. Il est transféré à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise / Yvelines).
À l’expiration de sa peine, Marceau Tellier n’est pas libéré : le 13 février 1942, il est parmi les 24 « militants communistes » – composé pour moitié de futurs “45000” – transférés au dépôt de la préfecture de police (au sous-sol de la Conciergerie, île de la Cité). Le 26 mars, le préfet de police signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, officialisant la situation.
Selon une note des Renseignements généraux datée du 16 avril, Marceau Tellier, qui avait accepté de faire quelques travaux de plomberie pendant son séjour à la centrale de Poissy, « est accusé d’avoir trahi le Parti en préférant, à l’honneur de lui rester fidèle, servir l’administration aux ordres des nazis ».
Le 16 avril, Marceau Tellier fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir), où il est enregistré sous le matricule n° 109.
Le 10 mai 1942, il est parmi les 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Du train, Marceau Tellier jette une lettre postée par des cheminots où il annonce son départ pour l’Allemagne.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures, puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Marceau Tellier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46132 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau – Marceau Tellier est dans la moitié des membres du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
Là, il est d’abord assigné au Block 15. Puis, pendant un temps, au Block 16 A.
En juillet 1943, comme les autres détenus “politiques” français d’Auschwitz (essentiellement des “45000”), il reçoit l’autorisation d’écrire (en allemand et sous la censure) à sa famille et d’annoncer qu’il peut recevoir des colis.
À la mi-août 1943, il est parmi les “politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11, la prison du camp, pour une “quarantaine”. Exemptés de travail et d’appel extérieur, les “45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d’otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11.
Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite d’inspection du nouveau commandant du camp, le SS-Obersturmbannführer Arthur Liebehenschel, – qui découvre leur présence – et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine.
A la fin de l’été 1944, Marceau Tellier est parmi les trente-six “45000” qui restent à Auschwitz, alors que les autres survivants sont transférés vers d’autres camps..
Marceau Tellier meurt le 18 janvier 1945, pendant l’évacuation d’Auschwitz, dans une colonne de détenus transportée sur des wagons-plateforme (découverts) en plein hiver.
Déclaré “Mort pour la France”, il est homologué dans la Résistance intérieure Française (RIF). Une plaque rappelle son souvenir à Morangis (Essonne) où résidait sa mère.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 28-10-1999).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 305, 372 et 411.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : – Témoignages de plusieurs rescapés : André Montagne, Eugène Garnier – Questionnaire rempli par sa veuve (10 octobre 1987) – Article de M. Cottard, Revue d’Histoire du 14e, n° 29, p. 71 (fév. 1989).
Serge Boucheny et Dominique Guyot, Gnome et Rhône 39-45, parcours de 67 salariés, Association d’Histoire Sociale CGT de la SNECMA, Paris 2018, pages 19.
Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : carton Occupation allemande – camps d’internement… (BA 2374) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 56-25932).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 5-01-2024)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.