Le 7 octobre 1919, à Brest (?), Eugène Thépot se marie avec Caroline Marie Cleirec (ou Cleizec). Ils auront deux enfants, âgés de 23 ans et 18 ans en octobre 1943.
En juin 1921, la famille habite au 146, boulevard d’Harfleur au Havre (Seine-Maritime [1] – 76). En mars 1924, ils demeurent au 26, rue d’Arcole dans la même ville.
À partir de 1926 et jusqu’à l’arrestation du chef de famille, celle-ci habite au 33, rue Berthelot, au Havre.
Eugène Thépot est ouvrier métallurgiste (ajusteur) aux chantiers navals Augustin Normand, quartier du Perrey [2].
Délégué syndical particulièrement actif d’octobre 1935 à septembre 1938, Eugène Thépot devient membre de la commission exécutive du Syndicat des Métaux du Havre, dirigée par Louis Eudier.
La police ne lui connaît pas d’engagement politique.
Eugène Thépot tente de reconstituer le syndicat après sa dissolution en 1940 et entre, dès l’occupation, dans la résistance communiste : combattant de l’Organisation Spéciale qui sera à l’origine des FTP [3], il prend part à des actions contre l’occupant.
À la veille de son arrestation, il est ajusteur à l’usine Lesauvage, Fenestre et Compagnie, 63, rue François-Mazeline, au Havre, petite entreprise fabricant des treuils et des cabestans (qui traitera 40 % d’affaires allemandes en 1943 et 1944).
Le 23 février 1942, les autorités allemandes l’arrêtent à son domicile, sur dénonciation anonyme selon son épouse. Il est écroué à la prison Bonne-Nouvelle, à Rouen.
- Rouen, la prison Bonne-Nouvelle.
Carte postale des années 1900.
Eugène Thépot est rapidement transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne [4] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Eugène Thépot est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46136 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20. Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Il meurt au Revier d’Auschwitz (quel sous-camp ?), le 8 août 1942.
Il est déclaré “Mort pour la France”.
Le 9 juillet 1956, le Conseil Municipal du Havre donne son nom à une rue de la ville.
Son nom est également parmi ceux des 218 militant.e.s inscrit.e.s sur plusieurs plaques apposées dans la cour du siège de la fédération du PCF, 33 place du Général-de-Gaulle à Rouen, avec un extrait d’un poème de Paul Éluard (Enterrar y callar) : « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’espoir et le désespoir. » et sous une statue en haut-relief dont l’auteur reste à préciser.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 376 et 421.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie, réalisée à Rouen 2000, citant : Livre de Louis Eudier (45523), Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945, Le Havre, 1977, p. 70 et 82 – Liste établie par la CGT, p. 10 – Archives municipales du Havre (Madame S. Barot, Conservateur) : état-civil, listes électorales – Note biographique d’Eugène Kerbaul.
Archives municipales de Brest, site internet, archives en ligne : registre des naissances de Lambézellec pour l’année 1895 (1E/L103), acte n°289 (vue 74/179).
Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département : cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de Rob à Z (51 W 421), recherches conduites avec Catherine Voranger.
Claude Malon, Occupation, épuration, reconstruction : Le monde de l’entreprise au Havre, 1940-1950, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2013, page 105.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 : relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1245 (18792/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 12-08-2020)
Cette notice biographique doit- être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.
[2] Chantiers navals Augustin Normand : les plus anciens du Havre (fondés en 1816), spécialisés pour l’essentiel dans la fabrication de navires militaires : torpilleurs, contre-torpilleurs, sous-marins (fermés en 1963 ; la Résidence de France a été édifiée depuis à leur emplacement).
[3] FTP : Francs Tireurs et Partisans, appellation des groupes de combat du PCF, ouverts à tous les volontaires, après une réorganisation en avril 1942 (aussi désignés FTPF : … “de France”).
[4] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller.
À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine-Saint-Denis – 93).