Fernand André Tilliet naît le 18 août 1907 à Villevaudé (Seine-et-Marne – 77), fils de Joseph François Tilliet, 24 ans, manouvrier, et d’Isabelle Léontine Doublet, 20 ans, son épouse ; ils se sont mariés neuf jours plus tôt !
Pendant un temps, Fernand Tilliet est pris en charge par l’Assistance publique. De santé fragile, il sera admis à deux reprises dans un préventorium à Berck-sur-Mer pour « maladie des os ».
Fernand Tilliet est peintre-décorateur (chez Petit en 1931).
Le 3 novembre 1934 à Vanves [1] (Seine / Hauts-de-Seine), il se marie avec Renée Lucie Durand, née en 1908 à Neuvy(-Boin, Deux-Sèvres ?).
Au printemps 1936, le couple habite au 80 rue de Paris à Vanves.
Ils ont deux enfants, dont Jean, né le 16 mars 1936.
À une date restant à préciser, Fernand Tilliet perd son emploi.
Militant communiste, il vend L’Humanité et d’autres publications sur la voie publique.
D’octobre 1936 à novembre 1937, pendant la guerre d’Espagne, il s’engage dans les Brigades internationales pour défendre la République espagnole contre la rébellion du général Franco soutenue militairement par Hitler et Mussolini.
Lui-même et son épouse déclarent chacun qu’il a été ensuite exclu du Parti communiste…
Sous l’occupation, et jusqu’au moment de son arrestation, il est habite au 14, rue de la Vieille-Forge à Vanves. Son domicile est perquisitionné plusieurs fois par la police française, qui ne trouve aucun motif d’inculpation…
Le 13 juillet 1941, un voisin locataire de 48 ans est interrogé par des policiers de Vanves, auxquels il répond : « Je ne peux dire que Tilliet soit pour quelque chose dans la distribution des tracts répandus aux abord de l’immeuble. Je n’ai jamais vu Tilliet lancer des tracts par sa fenêtre. »
Le 24 décembre 1941, peu après 6 heures du matin, Fernand Tilliet est arrêté à son domicile par des agents du commissariat de Vanves (comme André Steff), dans le cadre d’une vague d’arrestations organisées par la police française contre 33 anciens membres des brigades internationales (dont Jean Cazorla, Maurice Fontès…) ; le préfet de police de la Seine a signé les arrêtés d’internement ordonnant ces arrestations en application du décret du 18 novembre 1939. Ils sont conduits à la caserne désaffectée des Tourelles, boulevard Mortier, Paris 20e, “centre surveillé” dépendant de la préfecture de police de Paris.
Deux jours plus tard, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif de Fernand Tilliet.
Le 13 janvier 1942, le cabinet du préfet de police prévient l’administration militaire allemande du Grand-Paris qu’il a interné le suspect, « considéré comme dangereux pour la sécurité publique ».
Au cours de cet hiver, Fernand Tilliet est admis dans un hôpital pour y être opéré d’une oreille.
Le 31 janvier, son épouse écrit au préfet de police : « Je vous en prie, faites le relâcher le plus tôt possible, étant seule pour élever mon enfant, payer mon loyer, etc., avec la modique somme de 23 fr. par jour que je gagne en faisant un ménage. » Le 6 février, le cabinet du 1er bureau de la préfecture écrit au commissaire de police de la circonscription de Vanves pour le prier « de bien vouloir faire connaître à l’intéressée que sa demande ne peut être favorablement accueillie dans les circonstances actuelles » : une formulation floue et stéréotypée…
Le 5 mai 1942 à 4 heures du matin, Fernand Tilliet fait partie des 24 internés des Tourelles, pour la plupart anciens Brigadistes, extraits de ce centre « par ordre de la Felgendarmerie » et conduits à la Gare du Nord où ils sont remis aux autorités d’occupation. Là, on les fait monter dans le train de 5 h 50 à destination de Compiègne (Oise), puis, de la gare, on les conduit au camp allemand de Royallieu, administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
En conséquence, le 22 mai, le cabinet du 1er bureau de la préfecture écrit de nouveau au commissaire de police de Vanves pour lui demander d’informer Madame Tilliet « que son mari est actuellement interné à Compiègne, à la disposition de Autorités allemandes, et que les Autorités françaises ne sont pas compétentes, dans ces conditions, pour envisager sa libération ». Quatre jours plus tard, elle signe ce courrier sous le tampon « reçu communication ».
Entre fin avril et fin juin 1942, Fernand Tilliet est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises.
Le 9 octobre, il est admis au Block 28, puis transféré au Block 21, chambrée 1, de l’hôpital des détenus d’Auschwitz-I [2].
Fernand Tilliet meurt dans la chambrée 5 (Stube) du Block 21 le 15 décembre 1942, selon le registre de la morgue (Leichenhalle) transcrit clandestinement par la résistance polonaise intérieure du camp.
Son nom est inscrit sur le Monument élevé « en mémoire des victimes vanvéennes du nazisme » dans le square de la place de l’Insurrection.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 2-01-2001).
Notes :
[1] Vanves : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] L’hôpital d’Auschwitz-I : en allemand Krakenbau (KB) ou Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus. Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”. Mais les « 31000 » et Charlotte Delbo – qui ont connu l’hôpital de Birkenau – ont utilisé le terme “Revier” : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. », Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 384 et 421.
Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes (4060).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) cartons “occupation allemande”, internés dans différents camps… (BA 1837) ; cartons “Parti communiste”, chemise “1941, perquisitions particuliers” (BA 2447) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 682-27737) ; registre de main courante du commissariat de Vanves de mars à novembre 1941 (C B 102-29).
Site Mémorial GenWeb, 92-Vanves, relevé de Véronique Canova (04-2006).
Archives municipales de Vanves, listes électorales.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) : registre du Block 28, page 405 ; registre de la morgue (Leichenhalle).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 4-06-2022)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.