En 1927, le couple demeure au 159, rue de Paris, à Sotteville.
Marius Vallée est cheminot, aide-chaudronnier (n° agent SNCF : 44462) aux ateliers SNCF des Quatre-Mares à Sotteville où il répare les locomotives.
En 1931, son épouse est ouvrière de filature chez Bertel, rue Victor-Hugo.
De 1926 à 1931, Marius Vallée est secrétaire de la Maison du Peuple de Sotteville, au 323, rue de la République, que la police considère comme un « foyer communiste ». En 1932, il encore membre du conseil d’administration.
Le 22 mars 1932, le commissaire spécial de Rouen établit une notice individuelle à son nom, le désignant comme « militant et propagandiste du parti communiste et du syndicalisme unitaire (CGTU) […] ne semble pas être dangereux au point de vue national et ne paraît pas devoir être inscrit au carnet B ».
En 1938-1939, Marius Vallée est membre de la cellule de Saint-Étienne(-du-Rouvray)-Madrillet.
Après la grève nationale du 30 novembre 1938, lancée pour protester contre l’abandon des réformes du Front populaire, la direction de la filature Bertel – où a travaillé Thérèse Vallée – licencie tous les membres de la cellule d’entreprise du PC.
Au moment de son arrestation, Marius Vallée est domicilié au 27, rue Édison, à Sotteville.
En 1940, informé que celui-ci est un des principaux « meneurs » au sein des Ateliers des Quatre-Mares, avec Jodet et Roger Grelet, le commissaire de police de Sotteville-les-Rouen préconise son internement administratif.
Le 15 novembre de cette année, une perquisition à son domicile permet la découverte du texte des « hymnes communistes », L’Avant-Garde et L’Internationale, ainsi que du portrait encadré de Paul Vaillant-Couturier sur le marbre du buffet.
Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, Marius Vallée…
Le 24 octobre suivant, celui-ci est arrêté « sur l’ordre des autorités occupantes » en même temps que plusieurs cheminots de Sotteville (Henri Breton, François Pelletan, André Poirier…). Après l’attaque de la librairie allemande de Rouen. [2], il est désigné comme otage (fusillable ?).
Il est finalement finalement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), où il est enregistré sous le matricule n° 2035.
Dès le lendemain de son arrestation, la direction des ateliers SNCF de Sotteville cesse de lui verser sa rémunération.
Le 19 avril 1942, Thérèse Vallée écrit au préfet de Seine-Inférieure afin de solliciter de sa « grande bienveillance » la libération de son mari, réfutant toute activité politique de celui-ci depuis 1931. Le 12 mai, le préfet interroge le commissaire de police de Sotteville-les-Rouen sur l’activité politique passée du cheminot, et celle qu’il pouvait déployer lors de son arrestation, et lui demande de lui « faire connaître [son] avis sur l’opportunité d’une intervention en sa faveur auprès des Autorités allemandes ». Le 16 mai 1942, l’officier de police répond : « Vallée Marius ne mérite donc pas qu’une intervention soit faite en sa faveur (…), car je serais trop certain de le retrouver sous peu dans les rangs communistes. »
Entre fin avril et fin juin 1942, Marius Vallée est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Marius Vallée est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46167 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Blessé au pied lors d’un travail forcé, il subit une amputation au Block chirurgical.
À une date restant à préciser, Marius Vallée est admis au Block 20 (“contagieux”) – chambrée n° 6 – de l’hôpital d’Auschwitz-I.
Il meurt à Auschwitz le 26 septembre 1943, d’après un registre du camp.
Son nom est inscrit sur le monument aux morts SNCF des ateliers des Quatre-Mares à Sotteville-lès-Rouen, ainsi que sur une plaque commémorative de la SNCF dans l’Orne (61).
Son nom est également parmi ceux des 218 militant.e.s inscrit.e.s sur plusieurs plaques apposées dans la cour du siège de la fédération du PCF, 33 place du Général-de-Gaulle à Rouen, avec un extrait d’un poème de Paul Éluard (Enterrar y callar) : « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’espoir et le désespoir. », et sous une statue en haut-relief dont l’auteur reste à préciser.
Le 1er juin 1954, à Életot, sa veuve se remarie ; elle décèdera le 17 janvier 1987 à Maniquerville (76).
La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Marius Vallée (J.O. du 23-06-2001).
Notes :
[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.
[2] L’attaque de la librairie allemande de Rouen, selon Albert Ouzoulias : « Le 28 novembre (1941), Lefebvre (Marc), un jeune cheminot breton qui travaille à Sotteville, lance une bombe dans la vitrine de la librairie allemande de Rouen, rue Jeanne-d’Arc ; l’engin a été confectionné avec un bout de tube de chaudière de locomotive du dépôt de Sotteville. » in Les Bataillons de la Jeunesse, 1967, p. 200. … ce qui explique la désignation comme otages de militants arrêtés dans ce secteur (la date du 26 novembre est aussi donnée).
[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp C est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 377 et 422.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Haute-Normandie (2000), citant : Liste établie par Louis Eudier (45523), du Havre, 2/1973 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
Archives départementales de la Seine-Maritime (AD 76), site internet, archives en ligne : registre des naissances de Torcy-le-Grand, année 1898 (4E 13459), acte n° 19 (vue 10/33) ; registre matricule du recrutement militaire, bureau de Rouen, classe 1918 (1 R 3457), matricule 2434.
Ministère de la défense, site internet Mémoire des hommes, journal de marche et d’opération (JMO) du 142 R.I., 2 novembre 1917-17 mars 1919 (26 N 693/16), page 24 (vue 32/89).
Archives nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine : Archives restituées par la Russie, commissariat spécial de Rouen 1920-1940 (20010223/2, doc. 96-99).
Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’hôtel du département : cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de Rob à Z (51 W 421), recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis jouvin.
Site du Groupe Archives Quatre-Mares (GAQM).
Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1452-1453.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 23-12-2020)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.