Fernand Vandenhove (parfois orthographié Van Den Hove) naît le 28 novembre 1894 à Paris 20e, chez ses parents, Louis Napoléon Vandenhove, 38 ans, cocher, et Augustine Senrasne, son épouse, 33 ans, journalière, domiciliés au 167 rue de Bagnolet (tous deux seront décédés au moment de l’arrestation de leur fils).
Fernand Vandenhove est mobilisé au cours de la Grande guerre, aux 133e, 371e et 171 régiments d’infanterie, de novembre 1914 à mai 1919, combattant en Alsace, aux Dardanelles contre les Turcs, en Bulgarie, engagé dans la retraite de Serbie (Florina, Monastir).
Le 8 janvier 1916, alors qu’il est au 371e RI, il est évacué de Salonique pour « paludisme, anémie profonde, dysenterie ». Le 12 octobre 1916, il est admis à l’hôpital militaire du Mont-Fleury à Cannes pour les mêmes motifs. Il en sort le 10 janvier 1917, bénéficiant d’une convalescence. Titulaire de la carte de combattant, il sera « pensionné des suites de maladie contractée ».
Le 15 novembre 1919 à Montreuil-sous-Bois [1] (Seine / Seine-Saint-Denis ), Fernand Vandenhove épouse Suzanne Villain, née le 15 décembre 1897 dans cette commune. Ils n’auront pas d’enfant.
En août 1920 et jusqu’au moment de son arrestation, le couple est domicilié au 154, avenue du président-Wilson à Montreuil.
Fernand Vandenhove est peut-être chauffeur de taxi pendant un temps.
À une date restant à préciser, il entre comme chauffeur au garage municipal de Montreuil (agent technique adjoint, sous-chef de garage).
Militant communiste, adhérent au Secours rouge international, il est secrétaire de la cellule des employés et chauffeurs du garage municipal. Selon la police, il est chargé du transport par autocar de membres du parti et de missions en province. À différentes reprises, il est le « chauffeur de confiance » de Jacques Duclos et de Benoît Frachon. Il est aussi gérant (et un des principaux rédacteurs ?) du périodique communiste La Voix de l’Est.
Il exerce également des responsabilités au syndicat CGT des cochers-chauffeurs.
Après septembre 1939, il fait partie de la direction du PC clandestin de Montreuil, avec André Bondu et deux autres de ses camarades : Auguste Gentelet (déporté à Buchenwald) et René Melin [2] (fusillé par l’armée allemande d’occupation en 1942).
Le 30 novembre, Fernand Vandenhove est licencié « par mesure de compression suppression d’emploi », selon sa propre déclaration. Le 25 mars 1940, il reçoit son ordre de mobilisation et rejoint le dépôt d’artillerie du fort de Charenton. Puis il est affecté à la 20e compagnie de travailleurs militaires qui participe à la retraite jusqu’à la Loire. Son frère à été fait prisonnier à Dunkerque le 20 mai 1940 et envoyé en Allemagne. Fernand Vandenhove est démobilisé le 15 août.
Au début de l’Occupation, il poursuit son activité militante. La police française (RG) le considère comme un « communiste notoire et très actif. Principal meneur de la propagande clandestine à Montreuil. Dangereux. »
Le 5 octobre 1940, Fernand Vandenhove est appréhendé lors de la grande vague d’arrestations organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT), en s’appuyant sur le décret du 18 novembre 1939 ; action menée avec l’accord de l’occupant. Fernand Vandenhove figure sur une liste annexe de vingt-et-un « syndicalistes et militants importants ». Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour-même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.
Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents.
Le 4 décembre, Fernand Vandenhove fait partie de la centaine d’internés « choisis parmi les plus dangereux » transférés par mesure préventive à la Maison centrale de Fontevraud-L’Abbaye [3], près de Saumur (Maine-et-Loire) ; leur transport s’effectue en car et sous escorte. Les détenus sont enfermés dans une grande salle commune de la Centrale. Ils apprennent que 70 communistes purgent une peine dans le secteur carcéral, parmi lesquels une vingtaine de jeunes.
Le 20 janvier 1941, sans être informés de leur destination, la même centaine d’internés est conduite à la gare de Saumur où les attentent deux wagons de voyageurs à destination de Paris-Austerlitz. À leur arrivée, ils sont conduits à la gare de l’Est. Ils y rejoignent 69 autres militants communistes de la Seine en attente de transfert.
Ce nouveau convoi les amène à la gare de Clairvaux (Aube) d’où ils sont conduits – par rotation de vingt détenus dans un unique fourgon cellulaire – à la Maison centrale de Clairvaux. Une fois arrivés, la direction les contraint à échanger leurs vêtements civils contre la tenue carcérale, dont un tour de cou bleu (“cravate”) et un béret. Ceux qui refusent sont enfermés une nuit en cellule (“mitard”), tandis que la plupart sont assignés à des dortoirs. Rejoints par d’autres, ils sont bientôt 300 internés politiques.
Ayant été mis en cause par un camarade arrêté pour avoir entraîné celui-ci dans la « reconstitution d’une ligue dissoute » – ce dont il se défend -, Fernand Vandenhove est inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939 par le juge d’instruction Angéras et conduit à Paris – seul, semble-t-il (la date reste à vérifier…).
Le 26 avril, il assigné à comparaître avec douze autres inculpés montreuillois, dont René Melin, Jean Renard et Marceau Vergua, devant la 15e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine, dédiée aux mineurs, un inculpé de 15 ans étant présenté à l’audience. Fernand Vandenhove est condamné à deux mois de prison. Sa peine étant semble-t-il considérée comme déjà effectué, il est remis à la disposition de la police judiciaire le lendemain et consigné au Dépôt. Le 28 avril, il demande au préfet de police la possibilité de ne pas être renvoyé à Clairvaux pour raison de santé – il a notamment maigri de 15 kg – et de pouvoir retourner au camp d’Aincourt.
En attendant, il est placé en internement administratif à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), 14e division, cellule 5bis, « couchant par terre […] subissant le régime des droits communs ». Le 19 mai, il renouvelle sa demande de transfert en camp auprès du préfet de police.
Le 9 juin, le directeur de cabinet du préfet écrit au directeur de la prison pour demander l’avis du médecin-chef de l’établissement sur l’opportunité d’un transfert à Aincourt. Deux jours plus tard, celui-ci répond que le détenu est un ancien paludéen, avec dysenterie anubienne, titulaire pour ce motif d’une pension d’invalidité de 20 %, et conclue que son état général, médiocre, tirerait profit d’un tel changement de ses conditions de détention.
Le 15 août, Suzanne Vandenhove tente de transmettre clandestinement à son mari une lettre d’information politique sur la situation sur le front russe et en France. « Dans notre parloir trop court d’hier, je n’ai pas pu te donner de détails ; je te renouvelle ceux que je t’ai donné en vitesse. En U.R.S.S., les allemands avancent, mais à quel prix… ». Hitler pose plusieurs exigences à la France, dont « une plus grande production dans les usines ». « Moscou demande qu’on les aide par le sabotage, chose qui est faite, beaucoup de matériel sort des usines mais ils pourront compter celui qui arrivera ; à Ivry deux usines [ont] brûlé, nous attendons un beau feu d’artifice à la Maison Blanche, à Vincennes ». Or le parc de la Maison Blanche a été réquisitionné par l’armée allemande pour la réparation de ses véhicules militaires ; elle y entrepose également des pièces détachées et du carburant.
Considérée par la police française comme une « militante très active de l’organisation communiste clandestine – apologiste du sabotage en faveur de l’U.R.S.S. », Suzanne Vandenhove est internée administrativement trois jours plus tard – le 18 août – par arrêté du préfet de police et conduite à la prison pour femmes de la Petite-Roquette, à Paris 11e. Le 3 septembre, elle proteste auprès du préfet de police contre le régime de droit commun qui lui est appliqué. Le 16 septembre, elle est transférée au camp français de Choisel à Châteaubriant (Loire-Inférieure /Loire-Atlantique). Elle s’y trouve en octobre, quand sont fusillés les 27 otages communistes. Le 12 mai 1942, elle sera transférée à Aincourt, alors temporairement transformé en camp pour femmes.
En septembre 1941, Fernand Vandenhove fait partie d’un groupe d’internés administratifs de la Santé transférés au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle, puis en caserne.
En janvier 1942, à la suite de l’évasion du camp de Gaillon de deux militants, les visites sont supprimées et la réception de colis est réduite à deux par mois.Selon une note de la police (RG ?) datée du 18 février 1942, Fernand Vandenhove figure sur une liste de 43 « militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion », et qui sont pour la plupart internés au camp de Gaillon.
Le 27 avril 1942, Fernand Vandenhove fait partie d’un groupe de détenus amenés en transit au dépôt de la préfecture de police de Paris (?). Le 4 mai, il fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Voves (Eure-et-Loir). Enregistré sous le matricule n° 321, il n’y reste que deux semaines.
Le 20 mai, remis aux “autorités d’occupation” à leur demande, il fait partie d’un groupe de 28 détenus conduits par des gendarmes français au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Fernand Vandenhove est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Fernand Vandenhove est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) peut-être sous le numéro 46170 selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation du détenu portant ce matricule est une des trois dernières retrouvées dans l’ordre croissant des matricules).
- IDENTIFICATION INCERTAINE…
- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Fernand Vandenhove se déclare alors de culte protestant (« evangelisch »). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Fernand Vandenhove.
Il meurt à Auschwitz le 26 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).Son nom est inscrit sur le monument en forme de tombe érigé dans le cimetière communal de Levallois-Perret par la CGT « en hommage à ses camarades chauffeurs de taxis parisiens tombés dans les luttes pour l’émancipation des travailleurs, pour la liberté, pour la démocratie, pour la France, pour la République » (situé en vis-à-vis de la tombe de la communarde Louise Michel).
Son nom figure sur la plaque commémorative apposée en mairie à la mémoire des élus et employés communaux morts pour la France de 1939 à 1945.
Le nom de Fernand Vandenhove est également parmi les 58 inscrits sur la stèle commémorative apposée sur la façade du siège de la section du PCF, au 10, rue Victor-Hugo, afin de rendre « Honneurs aux communistes de Montreuil tombés pour une France libre forte et heureuse ».
Par décret paru au J.O. du 9 juillet 1946, Fernand Vandenhove, adjoint technique des travaux municipaux à Montreuil, reçoit la médaille d’honneur d’argent départementale et communale à titre posthume.
Il est homologué comme “Déporté politique” en 1953.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 23-06-2001).
Notes :
[1] Montreuil-sous-Bois : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] René Melin, né le 1er décembre 1908 à Montreuil-sous-Bois, vernisseur, domicilié au 140, rue du Moulin-à-vent à Montreuil, condamné à 3 ans de prison et 200 fr d’amende le 26 avril 1941, fusillé parmi 45 otages au Mont-Valérien le 21 septembre 1942.
[3] Fontevraud-L’Abbaye, souvent orthographié Fontevrault-L’Abbaye au 19e siècle.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 385 et 422.
Cl. Cardon-Hamet, notice in 60e anniversaire du départ du convoi des 45000, brochure répertoriant les “45000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, page 31, citant : Daniel Tamanini, de la FNDIRP de Montreuil (lettre du 23-4-1989) – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
Archives de Paris, site internet, archives en ligne : registre des naissances du 20e arrondissement à la date du 1-12-1894 (V4E 10676), acte n°4199 (vue 22/31) ; sur place, archives du Tribunal correctionnel de la Seine, jugement du samedi 26 avril 1941 (D1u6-3744).
Nadia Ténine-Michel, Le camp d’Aincourt (Seine-et-Oise), 5 octobre 1940 – 15 septembre 1942, article in Les communistes français de Munich à Châteaubriant (1938-1941), sous la direction de Jean-Pierre Rioux, Antoine Prost et Jean-Pierre Azéma, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, novembre 1987.
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, dossier individuel (1w157).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2373 et 2374), liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; carton “PC” n°VII, A.S. du 20 décembre 1940 sur le CSS d’Aincourt ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 1014-50201).
Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
Dominique Ghelfi, Des Tourelles à Buchenwald (daté 1946) in Contre l’oubli, brochure éditée par la Ville de Villejuif, service municipal de l’information, à l’occasion d’une exposition en février 1996, page 59 à 62. D. Ghelfi, n’ayant pas été sélectionné pour le convoi du 6 juillet, a assisté au départ de ses camarades. Lui-même a été déporté à Buchenwald en janvier 1944 (rescapé).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 476 (25137/1942), « Hove van den ».
Anne Kalasz, née Renaud, petite-cousine de Marceau Vergua par la mère de celui-ci, résultat de ses recherches généalogiques (messages 06-2016)..
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 17-03-2024)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.