Joseph Verger naît le 20 octobre 1900 à Pont-sur-Yonne (Yonne), fils d’Ernest Verger, 25 ans, cultivateur, et d’Eugénie Déligand, 26 ans, domiciliés au lieu-dit Les Goûts ; les témoins de la déclaration sont deux membres de la famille dont Auguste Verger, 57 ans, cultivateur. En 1901, la famille compte trois autres enfants : René, 5 ans, Germain, 3 ans et Laure, 2 ans.
Joseph Verger commence à travailler comme cultivateur, probablement avec ses parents.
À compter du 15 mars 1920, il est incorporé comme soldat de 2e classe au 167e régiment d’Infanterie à Toul (Meurthe-et-Moselle) afin d’y accomplir son service miliaire. Du 26 mai 1920 au 17 février 1922, il participe à l’occupation de l’Allemagne. À cette dernière date, il est envoyé dans la disponibilité.
En 1922, il entre à la Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée (PLM) et est affecté à Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne).
Le 8 juin 1925 à Morlaix (Finistère), il se marie avec Marie-Louise Parc, née le 24 novembre 1899 dans cette commune. Ils auront trois enfants : deux garçons, âgés de 15 et 14 ans en janvier 1942, et une fille, alors âgée de 11 ans.
À partir de son mariage et jusqu’au moment de son arrestation, Joseph Verger est domicilié Chemin du halage de l’Yonne à Montereau, locataire d’une maison avec jardin, faisant cour voisine avec le propriétaire.
Joseph Verger – dit « Pousse-pousse » – est chef de train à la SNCF.
Il est secrétaire du syndicat unitaire (CGTU) des cheminots de Montereau.
Il est adhérent au Parti communiste en 1937 et 1938. Pendant un temps, il est secrétaire de la cellule des cheminots de Montereau, qui compte une quarantaine d’adhérents en 1938. À la fin novembre 1938, il semble qu’il soit en désaccord avec le mouvement national de grève lancé pour protester contre le démantèlement des acquis du Front populaire.
Le 28 janvier 1939, à la demande de la direction générale de la Sûreté nationale au ministère de l’intérieur, et après avoir consulté ses sous-préfets, le préfet de Seine-et-Marne transmet à celle-ci un long rapport sur « l’organisation et l’activité de chacun des partis extrémistes » de son département dans lequel sont répertoriées les cellules du parti communiste. Pour le secteur de Montereau, il indique que : « 15 cellules composent le secteur et comprennent environ 700 adhérents, à savoir : […] 11° – Cellule Montereau-cheminots. – 40 membres. Secrétaire : M. VERGER Joseph […], président des réformés et anciens combattants communistes. » Dans le rapport préparatoire, le sous-préfet de Provins précise que la cellule est « en diminution de 10 unités de puis le début de décembre [1938, soit immédiatement après l’échec du mouvement national du 30 novembre] ».
Lors de la déclaration de guerre (3 septembre 1939), il est mobilisé comme “affecté spécial” sur son poste de travail.
Le 24 septembre 1939, en réponse à une directive du préfet, un brigadier du commissariat de police de Montereau transmet à celui-ci « les noms et adresses de ceux [membres du PCF] qui sont susceptibles d’obéir à un mot d’ordre » ; parmi les 23 hommes désignés, Joseph Verger, « affectation spéciale gare de Montereau, fascicule Z.I. » (mobilisé dans une entreprise en lien avec la défense nationale).
Joseph Verger est radié de l’affectation spéciale pour son engagement syndical et politique. Le 13 décembre 1939, il est envoyé dans un dépôt de guerre près de la frontière belge. Son unité fuit l’offensive allemande en suivant la frontière vers la mer. À Dunkerque, Joseph Verger parvient à embarquer pour l’Angleterre. Il rentre en France le lendemain (?), puis tout son régiment est fait prisonnier dans le Calvados. Le 1er août, Joseph Verger est libéré “en congé de captivité” pour être remis à la disposition de la SNCF (dans le cadre du « rappel des cheminots ») et retrouve son poste à Montereau.
En juin 1941, il est convoqué au commissariat spécial de Melun où on lui fait clairement savoir qu’on le soupçonne d’être le dirigeant d’un groupement clandestin de cheminots.
Le 4 septembre 1941, le commissaire de police de Montereau adresse un rapport au préfet de Seine-et-Marne, dans lequel il rapporte que : « Depuis la dissolution du Parti communiste, aucun fait de propagande n’a pu être relevé contre lui. Ses chefs de service entendus reconnaissent qu’il s’est beaucoup amendé et qu’il semble avoir abdiqué ses anciennes opinions politiques, car il s’abstient actuellement de toutes discussions sur ce sujet. Il est très difficile de savoir si l’on se trouve en présence d’un individu qui cache adroitement ses desseins et qui se livre à une propagande clandestine, ou si vraiment ses idées politiques se sont transformées. Une surveillance concernant son activité est extrêmement difficile à assurer en raison des fonctions qu’il assume à la SNCF. En qualité de chef de train, ses heures de servicesont très irrégulières et il est appelé de jours comme nuits [sic] à de nombreux déplacements. Il est certain que ces circonstances lui sont favorables s’il est exact qu’il se livre à une propagande communiste au sein de la SNCF ».
Le dimanche 19 octobre 1941, alors qu’il s’apprête à partir pour prendre son service, Joseph Verger est appréhendé à son domicile par plusieurs Feldgendarmes accompagnés d’un gendarme français dans le cadre d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant contre des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – incendies de meules et de hangars – ayant eu lieu dans le département.
Joseph Verger est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre (46 d’entre eux seront des “45000”). Immatriculé sous le n° 1761, il est assigné au bâtiment A3.
Le 25 février 1942, deux inspecteurs de police du commissariat spécial de Melun rendent compte de leur enquête au commissaire spécial, chef de service, indiquant que, dès le retour de captivité de Joseph Verger, « les divers services de police se sont appliqués à le suivre et à surveiller ses agissements. Tous sont unanimes pour dire [qu’il] avait abandonné ses sentiments politiques. Il fuyait ses anciens camarades du syndicat unitaire et se consacrait tout entier à son travail et à sa petite famille ». Dès lors, il leur semble que la requête de libération formulée par Madame Verger peut « recevoir un accueil favorable ».
Néanmoins, entre fin avril et fin juin 1942, Joseph Verger est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures et repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Joseph Verger est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46185 selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Joseph Verger.
Il meurt à Auschwitz le 2 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique « pleuropneumonie » pour cause mensongère de sa mort.
Son nom est inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux « victimes civiles 1939-1945 » ainsi que sur celle « aux patriotes monterelais arrêtés, déportés et morts dans les camps hitlériens », apposée sur la façade de la mairie de Montereau-Fault-Yonne.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-07-2001).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 378 et 422.
Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1471-147.
Archives départementales de l’Yonne, archives en ligne : état civil de Pont-sur-Yonne, registres des naissances 1899-1905 (5 Mi 1316/ 12 N), année 1900, acte n°20 (vue 23/87).
Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys : cabinet du préfet, arrestations allemandes, secteur de Provins, dossier individuel (SC51231) ; notes (SC51241) ; fonctionnaires appartenant au PCF (SC51242).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrit, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1275.
Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de S à Z (26 p 843), acte n° 26916/1942.
Site Mémorial GenWeb, 77-Montereau-Fault-Yonne, relevés de Stéphane Protois (07-2009).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 19-05-2020)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.