Gaston, André, Vergne naît le 18 avril 1923 à Paris 12e, fils de Marcel Vergne, ébéniste, et de Suzanne Durand, giletière.
Mais le tribunal civil de la Seine prononce le divorce de ses parents sept mois et demi plus tard, le 1er décembre 1923, aux torts et griefs du mari : 25 janvier 1925 Gaston reste avec sa mère. À partir d’une date restant à préciser, ils habitent au 44, passage Montgallet (Paris 12e).
Après ses études, Gaston Verne devient ouvrier métallurgiste (serrurier-ferronnier ou “petite-main” serrurier). Selon le témoignage de sa sœur, il est responsable du mouvement des Jeunesses communistes (JC) de l’arrondissement.
Le 29 janvier 1939, vers 11 heures, trois cents personnes environ se rassemblent à proximité des éventaires des marchands de quatre-saisons de la rue d’Aligre et commencent à manifester en lançant des slogans en faveur de l‘Espagne républicaine, comme « Ouvrez les frontières ! », « Des canons, des avions pour l’Espagne ! ». La police municipale intervient aussitôt pour disperser les manifestants. Au cours de cette action, elle interpelle deux d’entre eux et les conduits au poste central du 12e arrondissement « en attendant le résultat des vérifications d’usage » : Gaston Vergne, alors domicilié chez ses parents au 37, rue de Reuilly, et Charles Schenkman, employé de 27 ans, ex-membre des JC.
Pendant l’occupation, Gaston Vergne maintient ses activités dans la clandestinité.
Le 16 septembre 1940, avenue Daumesnil, Gaston Vergne est surpris en flagrant délit par des agents de la police municipale en train d’inscrire sur les murs : « À bas les camps de travail ». Il est également trouvé porteur de 14 tracts clandestins. Amené au commissariat du quartier de Picpus, où il est interrogé, il reconnait les faits et déclare qu’il était accompagné par « Pradet ou Radet André, domicilié au 24 ou 34 rue de Picpus », où celui-ci n’est pas trouvé (« inconnu »). Il désigne ainsi probablement André Pradelles, habitant au 44, boulevard de Picpus ; mais celui-ci ne sera pas identifié et cette “défaillance” restera inconnue. Le registre de main courante indique qu’il a été appréhendé pour infraction au décret du 29 septembre 1939, mais aussi en application de l’ordonnance édictée par les autorités allemandes le 26 juin 1940. Puis il est conduit au dépôt de la préfecture de police, sur l’île de la Cité. Après son inculpation par un juge d’instruction, il est incarcéré à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), puis à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne), probablement au quartier des mineurs.
Le 8 février 1941, la 15e chambre du Tribunal correctionnel de la Seine, considérant son âge (17 ans au moment des faits) et estimant qu’il a agit sans discernement, prononce son acquittement. Ramené à la préfecture de police le lendemain, il est relaxé après avoir pris l’engagement écrit de cesser toute activité politique.
Il reprend néanmoins ses responsabilités à la JC clandestine du 12e arrondissement.
Mais appel du jugement a été interjeté (par le substitut du procureur de la République ? à vérifier…).
Le 9 avril, la Cour d’appel de Paris examine la situation des cinquante condamnés. Elle confirme l’acquittement de Gaston Vergne (alors assisté de Maître Viannet) et le remet « purement et simplement à [sa] famille ».
Le 1er novembre 1941, Gaston Vergne est arrêté au cimetière du Père-Lachaise lors d’un rassemblement des Jeunesses communistes allant fleurir la tombe de Paul Vaillant-Couturier (directeur de L’Humanité et député-maire communiste, décédé avant guerre) ; comme André Migdal et André Pradelles. Le jour même, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif, en application de décret du 18 novembre 1939.
Le 10 novembre 1941, Gaston Vergne fait partie des 58 militants communistes transférés du dépôt au “centre de séjour surveillé” (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne). Il y devient responsable clandestin à l’éducation. Il tente sans succès de s’évader.
Le 14 avril 1942, le préfet de police de Paris « fait savoir » au préfet de la Vienne « que les autorités allemandes viennent d’interdire le transfert dans un autre camp ou prison, sans leur autorisation expresse » de onze internés de Rouillé parmi lesquels figure Gaston Vergne.
Le 22 mai, celui-ci fait partie d’un groupe de 148 détenus (pour la plupart déportés avec lui) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Dans la nuit de 23 au 24 juin, à 1 h 30, Gaston Vergne est blessé par des bombes qui tombent sur le camp (il y aura trois morts, dont au moins deux internés civils américains du camp B), mais ses blessures ne sont pas considérées comme suffisamment graves pour rayer son nom de la liste des futurs déportés.
Entre fin avril et fin juin 1942, Gaston Vergne est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Gaston Vergne jette sur la voie une lettre qui, postée par un cheminot, parviendra à ses proches.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Gaston Vergne est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46186 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; à cette occasion, Gaston Vergne se déclare sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet – après les cinq premiers jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – Gaston Vergne est dans la moitié des membres du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale” (contexte plus meurtrier).
Il est pris au Block 25, alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [2]).
Gaston Vergne meurt à Birkenau le 18 septembre 1942, d’après les registres du camp.
Déclaré “Mort pour la France”, il est homologué comme “Déporté politique”. La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-07-2001).
Notes :
[1] Montrouge : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme « inaptes au travail » (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 101 et 102, 150 et 153, 372 et 422.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : Dominique Vergne, sa sœur : réponse à un questionnaire (16-3-1987), acte de disparition, homologation comme sergent RIF, attestation d’appartenance au Front National) – Photocopie de photo prise à sa sortie de Fresnes (fév.1941) après la 1ère arrestation.
Archives nationales : correspondance de la Chancellerie sur des procès pour propagande et activité communistes (BB18 7043).
Archives de Paris : archives judiciaires, jugement du samedi 8 février 1941 (D1u6-3719).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, camps d’internement… (BA 2374), chemise “transfert des internés, correspondance 1942-1944” (BA 2377) ; dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 1143-58929) ; registre de main courante du commissariat de quartier de Picpus 1939-1941 (CB 46 27), acte n° 1030.
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 179.
Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1275 (31468/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 22-06-2019)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.