Charles, Efflame, Gabriel, Véron naît le 4 novembre 1901 à Aulnay-lès-Bondy – rebaptisée Aulnay-sous-Bois quatre ans plus tard – [1] (Seine / Seine-Saint-Denis), chez ses parents, Louis Véron, 29 ans, charretier, et Jeanne Yvonne Denès, 25 ans, son épouse, domiciliés « à l’écart de Savigny » (hameau) ; leurs noms n’apparaitront plus à cette adresse en 1906. Les témoins pour la déclaration du nouveau-né à l’état-civil sont Charles Véron 53 ans, et Gabriel Papillon, 36 ans, respectivement grand-père et oncle de l’enfant, tous deux également charretiers. Charles a un frère aîné, Louis Charles Philippe, né le 23 août 1898.
Pendant un temps, Charles Véron habite chez ses parents, alors domiciliés au 6 bis, rue Doulcet, à Sevran [2] (Seine-et-Oise / Seine-Saint-Denis), commune limitrophe à l’Est. Peut-être travaille-t-il alors comme « chauffeur de locomotive ».
Le 11 avril 1921, il est incorporé au 508e régiment de chars de combat. Il est renvoyé dans ses foyers le 30 mai 1923, titulaire d’un certificat de bonne conduite.
En janvier 1924, Charles Véron habite rue de Turenne, à Aulnay-sous-Bois. En mai 1925, il demeure au 30, allée circulaire, toujours à Aulnay. En novembre suivant, il est domicilié au n° 59 de la même allée.
Le 20 février 1926, à la mairie d’Aulnay, Charles Véron se marie avec Albertine De Cocq, née le 17 novembre 1899 à Aulnay. Ils ont précédemment eu un fils, Georges, né en 1922. En juin 1926, la famille habite rue Balzac (pavillon “Car…” ?). En mars 1927, ils logent au 50, allée circulaire. En janvier 1929, ils ont emménagé au 28, chemin des Marais à Sevran. Albertine Véron décède prématurément, à une date restant à préciser… Les parents de Charles viendront habiter chez lui.
Le 1er mars 1930, à la mairie de Paris 11e, Charles Véron, alors tourneur, se marie avec Alice Schmitt, née le 12 juin 1905 dans cet arrondissement, cartonnière ; Philippe Schmitt, du Petit-Ivry, employé, est témoin au mariage. En 1936, le couple est domicilié au 23, rue Béranger à Sevran. Ils auront une fille, Jeanine, née le 2 septembre 1937.
Charles Véron est alors cantonnier, employé communal, à Sevran, municipalité communiste depuis 1931.
Il est « un des responsables » du Parti communiste dans cette commune.
À compter du 1er mars 1940, il est rappelé à l’activité militaire au dépôt de chars 503 (suite inconnue…).
En juillet 1940, le commissaire de police de la circonscription de Livry-Gargan effectue une perquisition à son domicile au cours de laquelle sont trouvés « différents tracts d’origine communiste ». Le 7 août, un juge d’instruction du tribunal de Pontoise établit un mandat d’amener à son nom pour infraction au décret du 26 novembre 1939. Charles Véron est arrêté le 17 août. Le 19 septembre, le tribunal correctionnel de Pontoise le condamne à dix-huit mois d’emprisonnement. Le 28 novembre, la cour d’appel de Paris confirme le premier jugement.
Pendant un temps, il purge sa peine à la Maison centrale de Clairvaux (Aube) ; n° d’écrou 2017.
Le 10 juin, il est admis à l’hôpital de la prison.
Le 1er décembre 1941, à l’expiration de sa peine, Charles Véron n’est pas libéré et reste maintenu en détention au régime du droit commun. Le 15 février 1942, il écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter un statut d’interné administratif.
Le 13 février, le préfet de l’Aube reçoit des autorités d’occupation l’ordre le faire transférer avec cinq autres détenus – tous futurs “45000” – au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Dans un courrier à son homologue de Seine-et-Oise daté du 17 février, de préfet de l’Aube évoque encore un « prochain transfert ».
Entre fin avril et fin juin 1942, Charles Véron est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Charles Véron est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46189 (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) – Charles Véron se déclare alors sans religion (Glaubenslos) -. Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Charles Véron.
Il meurt à Auschwitz le 17 août 1942, d’après le registre d’appel (Stärkebuch) et le registre des décès (Sterbebücher) du camp.
Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Sevran, situé dans le cimetière communal.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 8-07-2001).
Notes :
[1] Aulnay-sous-Bois : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Sevran : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 386 et 422.
Archives départementales de Seine-Saint-Denis, site internet, archives en ligne : registre d’état civil NMD 1901-1903 (AUL 1E15/1), année 1901, acte n° 116 (vues 50-51/226) ; recensement d’Aulnaie, année 1901 (93/84/14).
Conseil départemental des Yvelines, site internet, Archives départementales (AD 78) : registres des matricules du recrutement militaire de Seine-et-Oise, classe 1921, bureau de Versailles (1R/RM 634), n° 1727 (vue : 248/542).
Archives départementales de l’Aube, site internet : (310W114).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : archives du cabinet du préfet sous l’occupation, cote 1W158 (dossier individuel).
Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes (2699).
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; registre d’appel avec la liste des détenus décédés (« Verstorbene Häftlinge »).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1275 (21441/1942).
Site Mémorial GenWeb, 93-Sevran, relevé d’Alain Claudeville (2000-2002).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 11-05-2024)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.