Georges, Valère, Vinsous naît le 13 octobre 1897 à Rumigny (Ardennes), fils de Constant Vinsous et d’Alice Robinet, son épouse (tous deux décédés au moment de l’arrestation de leur fils).
Georges Vinsous commence à travailler comme ajusteur. Pendant un temps, il habite à Martigné-Ferchaud (Ille-et-Vilaine), 14 km au Nord de Châteaubriant.
De la classe 1917, Georges Vinsous est incorporé dès le 8 janvier 1916 au 31e régiment d’infanterie comme soldat de 2e classe afin d’accomplir son service militaire. Le 17 février 1917, il passe au 112e R.I. Le 15 décembre 1917, il est cité à l’ordre de son régiment : « soldat courageux et dévoué faisant partie d’une reconnaissance de nuit poussée le 10 décembre à 3 km au-delà de nos lignes, s’est détaché volontairement de son groupe pour rechercher dans un moment critique la liaison avec le chef du détachement ». Pour cette action, il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze.
Le 20 décembre suivant, il est nommé soldat de première classe. Le 29 mai 1918, il passe au 55e R.I.
Le 11 juin, dans le secteur de Lassigny, au Nord du département de l’Oise, il est blessé par une balle qui lui occasionne une plaie pénétrante au genou droit. Évacué, il est soigné pendant un an (?). Le 1er septembre 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation.
Le 2 janvier 1920, à Mohon (08) [1], il entre comme homme d’équipe à la Compagnie des chemins de fer de l’Est (qui fusionnera au sein de la SNCF).
Le 11 décembre de la même année, à Izieux (Loire), Georges Vinsous se marie avec Francine Cote. Ils auront quatre filles : Alice, née le 25 avril 1919, Lucienne, née le 30 novembre 1920, Odette, née le 5 juin 1927, et Huguette, née le 30 novembre 1933.
Le 1er juillet 1927, Georges Vinsous est employé à la gare de Lumes (08) ; à Lumes-triage probablement. Le 1er septembre, il est nommé chef de train. Le 1er novembre suivant, il est muté à la gare de Vaires-Torcy [2].
La famille s’installe au 16, rue de la Claye à Brou-sur-Chantereine.
Georges Vinsous entre au bureau du Syndicat des cheminots de Vaires, « jouissant d’un ascendant certain dans les milieux des cheminots » selon la police et pouvant « être considéré comme le principal et plus dangereux propagandiste révolutionnaire dans cette corporation ».
Militant communiste, il est secrétaire de la cellule des cheminots de Brou de 1934 à 1938. « Cette cellule est très active et groupe un grand nombre de sympathisants parmi les 600 cheminots qui habitent la cité de Brou ».
Georges Vinsous serait signataire de « la protestation adressée à la CGT contre la résolution prise par le bureau de la Fédération nationale des travailleurs des chemins de fer stigmatisant le pacte germano-soviétique ».
Lors de la déclaration de guerre (3 septembre 1939), Georges Vinsous est mobilisé comme “affecté spécial” sur son poste de travail habituel au titre de la SNCF sur le réseau de l’Est pour une durée indéterminée.
Le 17 octobre, le préfet de Seine-et-Marne transmet à la direction de la Sûreté nationale, au ministère de l’Intérieur – en réponse à une circulaire de celle-ci datée du 24 septembre -, une liste de « fonctionnaires et agents des services publics mobilisables appartenant au parti communiste et maintenus à leur poste » sur laquelle Georges Vinsous est inscrit (31e) parmi les agents SNCF, dépendants du ministère des Travaux publics.
Le 14 novembre, le domicile de Georges Vinsous est perquisitionné par la police d’État de Vaires qui y trouve un cachet du Parti communiste utilisé avant la dissolution et que « par inadvertance, [il avait]négligé de détruire, ne pensant pas que cela ait une importance quelconque ». Deux jours plus tard, vers 11 heures, il est convoqué au commissariat de Vaires où lui est notifiée son arrestation préventive par la « Sûreté nationale », en même temps qu’à un homme d’équipe de la même gare. Accusé d’infraction au décret du 26 septembre 1939 prononçant la dissolution du Parti communiste et de ses filiales (« menées anti-nationales »), Georges Vinsous est déféré devant le parquet du procureur de la République de Meaux et écroué à la Maison d’arrêt de la ville. Il se fait assister par un avocat. Suite à un non lieu, « les faits reprochés […] n’ayant pu être établis », il est libéré le 24 novembre.
À la suite de sa radiation de l’affectation spéciale, Georges Vinsous est rappelé aux armées le 24 février 1940 et affecté au CM d’infanterie n° 21 à Soissons. Il est renvoyé dans ses foyers le 15 mars suivant, « en raison de sa classe et de ses charges de famille », et reprend son emploi dès le lendemain.
Le 1er juin, au moment de l’invasion allemande, Georges Vinsous (matricule SNCF n° 48013) est muté, sur demande du directeur du service central P., à Flamboin-Gouaix (Seine-et-Marne – 77), « une gare de moindre importance afin de réduire son action éventuelle » (militante).
La famille emménage à Gouaix le 2 février 1941 ; les deux grandes filles (20 ans et 18 ans) habitant peut-être déjà à Chelles pour aller travailler comme sténo-dactylo à Paris.
Le 27 juin suivant, le chef de l’exploitation de la SNCF réitère une proposition de licenciement à l’encontre de Georges Vinsous, « susceptible de reprendre [son] activité à la moindre occasion ».
Le 3 septembre, le chef de train est suspendu – sous forme de mise à la retraite anticipée ? – par décision du secrétaire général de la SNCF. Dès le lendemain, Georges Vinsous écrit à sa hiérarchie afin de connaître les motifs de la mesure qui le frappe (la consigne est donnée de ne pas porter à sa connaissance la lettre du secrétaire général). Le 20 septembre suivant, il est radié en application de la loi du 18 septembre 1940. Son licenciement définitif est prononcé par arrêté du ministre secrétaire d’État aux communications en date du 4 septembre, faisant application de la loi du 23 octobre 1940.
Le 19 octobre 1941, Georges Vinsous est arrêté à Flamboin-Gouaix par la gendarmerie française et la Feldgendarmerie (convocation à la brigade de Flamboin ?), interpellé dans le cadre d’une vague d’arrestations décidée par l’occupant contre des communistes de Seine-et-Marne, pris comme otages en représailles de distributions de tracts et de destructions de récolte – incendies de meules et de hangars – ayant eu lieu dans le département.
Georges Vinsous est rapidement interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager), parmi 86 Seine-et-Marnais arrêtés en octobre (46 d’entre eux seront des “45000”). Immatriculé sous le n° 1740, il est assigné au bâtiment A3.
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Georges Vinsous est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46199 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Georges Vinsous se déclare alors comme cheminot (Eisenbahner). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.Le 13 juillet, après l’appel du soir, G est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Entre le 1er et le 19 novembre 1942, il apparaît à plusieurs reprises sur le registre des détenus de la chambre n° 3 du Revier – dont Marcel Colin, Germa, Faugeron, Lenglet, Nonnet, Nouvian, Paupy, Roux et Sansoulet -, qui reçoivent des médicaments (6 gouttes d’Anisine – un bactéricide…).
Georges Vinsous meurt – à Birkenau – le 5 janvier 1943, d’après l’acte de décès du camp (Sterbebücher), qui indique pour cause mensongère de sa mort « faiblesse cardiaque et circulatoire » (Herz und Kreislaufschwäche).
Le nom de Georges Vinsous est inscrit sur le monument aux morts de Gouaix.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 1-09-2001).
Notes :
[1] Mohon : commune intégrée en 1966 à Charleville-Mézières.
[2] Vaires-sur-Marne fut l’une des principales gares de triage et de dépôt de locomotives de France au XXe siècle . Et, comme le furent tour à tour d’autres villes de triage de la couronne parisienne : Creil, Achères, Noisy-le-Sec, Trappes, Villeneuve-Saint-Georges, Juvisy…, Vaires ainsi que la commune voisine de Brou-sur-Chantereine, furent lourdement bombardées à cinq reprises au cours de la Seconde Guerre mondiale. (source : Wikipedia)
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 377 et 422.
Archives départementales des Ardennes (AD 08), site internet du Conseil général, archives en ligne : registre matricule du recrutement militaire, bureau de Mézières, classe 1917 (:R 304 – n° 101-200), matricule 122 (vues 50-52/244).
Archives de la SNCF, Béziers, dossiers du personnel, éléments communiqués par Rail & Mémoire.
Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, pages 1487-1488.
Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys : cabinet du préfet, attribution du titre de déportés politique (SC1994) ; arrestations collectives octobre 1941 (M11409) ; arrestations allemandes, secteur de Provins, dossier individuel (SC51231) ; notes (SC51241) ; fonctionnaires appartenant au PCF (SC51242).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1277 (512/1943).
Irena Strzelecka, Les hôpitaux dans le camp de concentration d’Auschwitz, in Auschwitz 1940-1945, tome 2, Les détenus – La vie et le travail, chap. 9, p. 364-365, éditions du Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, 2011.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach), archives (APMAB) ; copie de l’acte de décès du camp.
Site Mémorial GenWeb, Gouaix, relevé d’Isabelle Corvi (11-2001).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 1-11-2023)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.