Pierre, Marcel, Voillemin naît le 16 décembre 1918 à Troyes (Haute-Marne – 52), fils de Marius Voillemin, 32 ans, stucateur, et de Jeanne Devilliers, son épouse, 28 ans.
Marius Voillemin, qui avait effectué son service militaire en 1908, a été rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914, et a rejoint deux jours plus tard le régiment régional d’infanterie de Troyes-Toul.
Le 7 juillet 1915, alors qu’il était soldat de 2e classe à la 23e section d’infirmiers militaires, Marius Voillemin, s’est fait représenter par un négociant en vin de 49 ans pour épouser par procuration Jeanne Devilliers à la mairie de Joinville ; mariage qui a été l’occasion de légitimer Madeleine Jeanne Juliette Voillemin, née le 6 octobre 1912, et Robert Voillemin, né le 26 mai 1914, tous deux à Bar-sur-Seine (Aube), où vivaient alors leurs parents.
Le 28 juillet 1916, Marius Voillemin a été admis dans un hôpital d’évacuation pour sciatique. Le 12 septembre suivant, il est sorti à l’hôpital auxiliaire de Dax, dans le grand hôtel et établissement thermal des Baignots. Le 11 décembre, il a été évacué sur le centre de réforme de Bayonne et en est sorti deux jours plus tard avec un congé de convalescence de 10 jours (?).
Le 17 septembre 1917, il était passé à la 18e section d’infirmiers. Le lendemain, il a été classé “service auxiliaire” par la commission de réforme de Troyes pour « sciatique chronique et faiblesse générale, inapte à faire campagne ». Le 24 janvier 1918, il a été admis à l’hôpital complémentaire 1128 à Troyes, pour diphtérie en service commandé, et en est sorti quelques jours plus tard pour rejoindre l’hôpital complémentaire de Troyes n° 27, centre spécial de réforme, pour « sciatique jambe droite, faiblesse générale ». Lui et son épouse ont très probablement pu se retrouver dans cette période… Le 6 juillet suivant, la commission de réforme de Troyes le déclare apte au service armé. Début septembre, il rejoint un groupe de brancardiers divisionnaires au sein de la 10e Armée.
Le 9 juin 1919, Marius Voillemin est mis en congé illimité de démobilisation et se retire rue des Tilleuls à Joinville.
Dans les dix années suivantes, comme réserviste, il déclare habiter en plusieurs endroits successifs : en mai 1920, à Rembercourt-aux-Pots (Meuse – 55), en octobre suivant à Vavincourt (55), en août 1921 à Roye-sur-Matz (Oise), début octobre de la même année au hameau de Reigny à Vermenton (Yonne), en juin 1924 à l’entreprise des Beaux-Arts à Courdemanche (Marne – 51), et en décembre 1925 à Chézy-en-Orxois (Aisne) où son troisième fils, Jean – frère de Pierre – naît cette même année. Fin octobre 1927, Marius Voillemin déclare habiter de nouveau à Courdemanche (51).
En 1929, il a emménagé avec sa famille à Joinville (52), année où naît son quatrième fils, Marcel. En 1931, la famille habite rue des Ursulines.
En 1936, la famille est domiciliée au 2 bis, rue des Ursulines. Marius Voillemin, le père, est alors tailleur de pierre chez un entrepreneur de maçonnerie de la rue du Poncelet. Pierre Voillemin, 17 ans, est employé chez un marchand de journaux.
Au moment de son arrestation, le jeune homme habite encore chez ses parents et est déclaré comme employé de commerce.
Le 23 juin 1941, Pierre Voillemin est arrêté à Joinville avec son père, Marius, parmi une soixantaine de militants communistes et syndicalistes interpellés en quelques jours dans la Haute-Marne [1] (dont 15 futurs “45000”), puis rassemblés à la prison de Chaumont (52).
Le 27 juin, Pierre Voillemin est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Il s’y trouve avec son père, qui est libéré en octobre 1941.
Entre fin avril et fin juin 1942, Pierre Voillemin est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Pierre Voillemin est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46200 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Notes :
[1] L’ “Aktion Theoderich” : L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme « l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive. » Hitler est résolu à écraser par la terreur – à l’Ouest comme à l’Est – toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes – perquisitions à leur domicile et arrestations – et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante. En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de mille communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des « ennemis actifs du Reich » sous l’administration de la Wehrmacht. Au total, 1300 hommes y seront internés à la suite de cette action. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, font partie de ceux qui seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 73, 366 et 421.
Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, Éditions Graphein, Paris nov. 2000, liste page 531.
Club Mémoires 52, Déportés et internés de Haute-Marne, Bettancourt-la-Ferrée, avril 2005, p. 54 et 57.
Archives départementales de la Côte-d’Or, Dijon : cote 1630 W, article 252.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 : relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1279 (16176/1943).
Raymond Jacquot, site internet Mémorial GenWeb, 2002.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 5-10-2020)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.