Haï-King Wang nait le 8 août 1900 en Chine, à « Pi-Yuan, Ho Nan » (très probablement dans la vieille ville de Púyáng, préfecture de la province du Henan, au nord-est du pays), fils de Si Fan Wang (père), et de Houang Wang, domiciliés à « Kia Tchou’ang » en 1942 (très probablement la ville de Shijiazhuang – alors récente et transcrite Che Kia Tchouang – dans la province voisine de Hebei).
Au moment de son arrestation, Haï-King Wang, célibataire, est domicilié au 22, rue Saint-Sulpice à Paris 6e (75). Malgré son âge, 41 ans, il est déclaré comme étudiant à l’Institut des hautes-études chinoises (il se déclarera comme tel à Auschwitz ; Student).
Avant-guerre, il est connu de la police française pour ses « agissements suspects ». Le 11 avril 1937, alors secrétaire du Cercle d’études chinois, il préside le congrès tenu pour le Salut national chinois. Il fréquente les réunions de l’association française Les Amis du peuple chinois, « groupement à tendance communiste » dont le siège est situé au 1, rue de Clichy au moment de sa dissolution fin 1939. Le 12 juillet 1938, il accompagne son compatriote Chu Hsueh Fan, délégué des syndicats chinois au Bureau international du Travail, lors de la réception de ce dernier au siège du quotidien L’Humanité. En outre, Haï-King Wang participe à cette époque aux réunions du Rassemblement mondial contre le racisme et l’antisémitisme.
Le 18 février 1941, le service des Renseignements généraux de la préfecture de police établit un rapport sur les ressortissants chinois à Paris, particulièrement détaillé en ce qui concerne les animateurs d’associations politiques ou étudiantes, et où son nom apparait, mais avec ce constat qu’à partir de septembre 1939 Haï-King Wang n’attire plus l’attention de la police française, celle-ci ne lui connaissant aucune relation dans les milieux communistes clandestins.
Le 28 avril 1942, il est arrêté à son domicile lors d’une grande vague d’arrestations (397 personnes) organisée par « les autorités d’occupation » dans le département de la Seine – avec le concours de la police française – et visant majoritairement des militants du Parti communiste. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Haï-King Wang y est enregistré sous le numéro 3942.
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Haï-King Wang est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46205, selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; lui-même se déclare alors de religion bouddhiste. Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Haï-King Wang.
Il meurt à Auschwitz le 2 novembre 1942, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher). Celui-ci indique pour cause de sa mort un « catarrhe aigu gastro-intestinal [1] (« Akuter Magendarmkatarrh ») ; en évitant d’être explicite, ce vocabulaire pourrait désigner une dysenterie, maladie fréquente dans les camps.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 371 et 423.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” des Hauts-de-Seine nord (2005), citant : Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen (fichier central).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel des Renseignements généraux (77 W 219-130450).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1299.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) : copie de l’acte de décès du camp, n° 38905/1942 (seul document conservé).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 27-12-2019)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.
[1] Catarrhe : désigne une inflammation des muqueuses avec écoulement abondant, le catarrhe intestinal désignant plus précisément une entérite.