Pierre, Auguste, Louis, François, Victor, Antonin, Camboulin, né le 2 septembre 1890 à Paris 18e, domicilié à Bobigny (Seine-Saint-Denis), mort à Auschwitz le 18 septembre 1942. L’écriture manuscrite “ambigüe” du « n » minuscule fait parfois lire « Cambouliu ».

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz
lors de l’évacuation du camp en janvier 1945.
Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.

Pierre, Auguste, Louis, François, Victor, Antonin, Camboulin naît le 2 septembre 1890 à Paris 18e (75), fils d’Antonin Camboulin, 38 ans, employé de la préfecture de la Seine, et de Marie Loyaux, son épouse, 20 ans, domiciliés au 81, rue Triquet.

Pendant un temps, Pierre Camboulin habite chez ses parents, alors domiciliés au 148, boulevard Saint-Martin, à Paris 4e, et travaille comme comptable.

Le 20 juillet 1908, le tribunal correctionnel de la Seine le condamne à 15 jours de prison avec sursis pour outrage et rebellion (peine amnistiée par la loi du 24 octobre 1919). Le 1er février 1912, la cours d’assises de la Seine le condamne à cinq ans de prison et cinq ans d’interdiction de séjour pour vol qualifié et port d’arme prohibé.

Appelé à l’activité le 7 août 1916, il manque à l’appel et est déclaré insoumis six jour plus tard. Prisonnier civil, il est rapatrié des régions envahies le 30 décembre 1918 à la suite de l‘armistice et dirigé sur le dépôt de transition des isolés du 26e bataillon de chasseurs à pied. Le jour même, il est affecté au 5e bataillon du 18e régiment territorial d’infanterie. Le 30 juillet 1919, il est rayé des contrôles de l’insoumission et envoyé en congé illimité de démobilisation le lendemain.

En avril 1920, Pierre Camboulin demeure au 36, rue Potagère, à Saint-Josse-Ten-Moode, commune des faubourgs de Bruxelles (Belgique).

En mai 1922, il habite au 27, rue d‘Anjou, à Paris 8e. Le 14 novembre suivant, à la mairie de Paris 4e, il épouse Marguerite Sinault, née le 22 mars 1897.

En janvier 1926, Pierre Camboulin déclare loger au 148, rue du faubourg-Saint-Martin, à Paris 10e (à l’hôpital des Récollets ?). Plus tard, il demeure au 19, rue des Blancs-Manteaux (Paris 4e).

Le 25 août 1927, la 11e chambre du tribunal correctionnel de la Seine condamne Pierre Camboulin à trois mois de prison pour port d‘arme prohibé, peine confirmée par la cour d’appel de Paris le 4 octobre suivant.

Commerçant (marchand forain), Pierre Camboulin adhère au membre du Parti communiste.

Sous l’occupation, la police française le considère comme un « meneur particulièrement actif et dangereux ».

Le 6 décembre 1940, Pierre Cambouliu est appréhendé par des agents du commissariat de Pantin lors d’une vague d’arrestations visant 69 hommes dans le département de la Seine. D’abord rassemblés à la caserne des Tourelles, boulevard Mortier à Paris 20e, ceux-ci sont – le jour même – internés administrativement au au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé deux mois plus tôt dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930.
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche.
Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 6 septembre 1941, Pierre Cambouliu est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au “centre de séjour surveillé” de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue. Au fond - de l’autre côté de la voie ferrée -, le village. Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Le camp de Rouillé, “centre de séjour surveillé”, vu du haut d’un mirador. Date inconnue.
Au fond – de l’autre côté de la voie ferrée -, le village.
Musée de la Résistance nationale (Champigny-sur-Marne), Fonds Amicale Voves-Rouillé-

Entre fin avril et fin juin 1942, Pierre Cambouliu est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Pierre Cambouliu est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46319, selon les listes reconstituées (aucune photo de détenu de ce convoi n’a été retrouvée après le matricule 46172).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp) ; Pierre Camboulin se déclare alors sans religion (Glaubenslos). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Pierre Camboulin.
Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp [2], alors qu’a lieu une grande sélection des “inaptes au travail” à la suite de laquelle 146 des “45000” sont inscrits sur le registre des décès en deux jours (probablement tués d’une piqûre intracardiaque de phénol ou gazés [3]).

Son nom est inscrit sur la plaque en « hommage aux héros de la résistance », apposée dans le hall de la mairie de Bobigny.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. n° 205 du 3-09-2008).

Notes :

[1] Bobigny : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant de Pierre Cambouliu, c’est le 11 juillet 1942 qui a été retenu pour certifier son décès, selon une règle de principe ajoutant cinq jours à la date connue de départ du convoi. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

[3] Les chambres à gaz du centre de mise à mort situé à Birkenau fonctionnent principalement pour l’extermination des Juifs dans le cadre de la “Solution finale”, mais, jusqu’en mai 1943, elles servent également à éliminer des détenus, juifs ou non, considérés comme “inaptes au travail” (opération commencée en avril 1941, dans d’autres camps, sous le nom de code 14 f 13). Les détenus d’Auschwitz-I sélectionnés pour la chambre à gaz sont amenés en camions à Birkenau. Quelquefois, ils attendent la mort au Block 7 de ce camp.

 

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 384 et 398.
- Archives départementales de Paris, site internet, archives en ligne : extrait du registre des naissances du 18e arrondissement à la date du 5-09-1890 (registre V4E 7562), acte n° 4001 (vue 2/31).
- Archives de Paris : registre des matricules militaires, recrutement de Paris, classe 1910, 3e bureau, volume 1-500 (D4R1 1574), Camboulin, Pierre, Auguste…, matricule 378.
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris) ; cartons “occupation allemande” : camps d’internement… (BA 2374) ; liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt (1W76).
- Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) ; liste XLI-42, n° 44.
- Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 157 (31484/1942).
- Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94), carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes (4178).
- Site Mémorial GenWeb, 93-Bobigny, relevé de Frédéric Charlatte (11-2007).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 24-03-2023)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.