André Gauthier, né le 23 octobre 1903 à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), domicilié à Saint-Denis, mort à Auschwitz le 19 février 1943.

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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

André Gauthier naît le 23 octobre 1903 à Saint-Denis [1] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93), chez ses parents, Joseph Gauthier, 25 ans, journalier, et Antoinette Laboucheix, son épouse, 31 ans, domiciliés au 20, rue du Landy. Il a un frère jumeau, Gabriel.

André Gauthier acquiert une formation d’ajusteur monteur diesel.

À partir de 1922, il travaille comme ajusteur mécanicien aux Ateliers de la Loire, 2 quai de la Seine à Saint-Denis.

Le 18 juin 1927 à Brest (Finistère), André Gauthier épouse Marie Le Hir, née le 22 février 1901 dans cette ville. Ils auront deux enfants : Andrée, née le 25 décembre 1929, et Denise, née le 23 juin 1931.

Au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domiciliée dans un logement au 13, rue Nicolas-Leblanc à Saint-Denis.

En 1936, André Gauthier est délégué d’équipe. Il reçoit à son domicile des collègues que la police considère comme des sympathisants communistes. Cependant, interrogé après son arrestation, il déclarera n’avoir jamais appartenu au Parti communiste et son épouse témoignera qu’il n’a eu d’activité que syndicale.

Après la déclaration de guerre de septembre 1939, il est “affecté spécial” dans son entreprise, qui produit pour la Défense nationale.

Le 6 décembre 1940, André Gauthier est arrêté par les services du commissariat de police de la circonscription de Saint-Denis. Soupçonné d’activité communiste clandestine, il est appréhendé en application d’un arrêté d’internement signé du préfet de police. Le même jour, il est conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre.

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte montrant les points d’impact après le bombardement par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940. Arch. dép. des Yvelines (cote 1W71).

Centre de séjour surveillé d’Aincourt. Plan de l’enceinte montrant les points d’impact
après le bombardement par un avion anglais dans la nuit du 8 au 9 décembre 1940.
Arch. dép. des Yvelines (cote 1W71).

Le 31 mars 1941, Marie Gauthier écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter une autorisation de visite, indiquant que son mari attend toujours qu’on lui dise le motif de son arrestation et qu’on réponde à une demande de révision de son dossier. Ajoutant que tout secours pour elle et ses enfants lui a été jusqu’ici refusé, elle demande au préfet soit une allocation, soit la libération de son mari. Le même jour, elle envoie au préfet de la Seine une lettre rédigée dans les mêmes termes, dans l’attente d’une allocation aux familles de prisonniers annoncée dans les journaux. Le préfet de la Seine transmet son courrier au préfet de police…

Le 19 novembre 1941, de Brinon, ambassadeur délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, écrit au préfet de police pour lui faire connaître qu’il lui a été demandé de faire procéder à la libération de sept internés, en lui demandant s’il a « une objection grave à formuler à l’encontre de ces libérations, les intéressés s’étant signalés comme étant amendés depuis leur internement. »

Le 31 janvier 1942, Marie Gauthier écrit simultanément au préfet de la Seine et au préfet de police pour solliciter la libération de son mari. Dans chaque courrier, elle indique que le Syndicat des Métaux a déjà adressé une requête en ce sens, à laquelle il n’a pas été donné suite.

Le 27 février 1942, le commissaire de police spécial commandant le camp signe un procès verbal d’audition d’André Gauthier avec proposition de libération portant un avis favorable. Le 6 mars, le préfet de Seine-et-Oise appose sa signature sur ce document, en suivant l’avis du chef de camp.

Le 5 mai, André Gauthier fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure-et-Loir). Inscrit sous le matricule n° 365, il n’y reste que cinq jours.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943. © Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Entrée du camp de Voves. Date inconnue, probablement après mars 1943.
© Musée de la Résistance Nationale, Champigny, fonds de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 10 mai, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag122 – Polizeihaftlager).

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”, désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”. À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp. Carte postale. Collection Mémoire Vive.

La caserne de Royallieu après-guerre. Les huit premiers bâtiments alignés à gauche sont ceux du quartier “A”,
désigné pendant un temps comme le “camp des communistes”.
À l’arrière plan à gauche, sur l’autre rive de l’Oise, l’usine de Venette qui fut la cible de plusieurs bombardements avec “dégâts collatéraux” sur le camp.
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Entre fin avril et fin juin, André Gauthier est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, André Gauthier est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45580, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage actuellement connu ne permet de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté André Gauthier.

En France, le 15 octobre, consulté sur l’opportunité de lever ou de maintenir la mesure d’internement prise à l’égard d’André Gauthier, le commissaire de police de la circonscription de Saint-Denis émet l’avis suivant : « Gauthier était connu avant 1939 comme ayant des idées communistes. Il est à noter qu’il semble avoir été entraîné dans la propagande par des individus qui ont abusé de sa crédibilité. Les renseignements recueillis sur Gauthier lui sont nettement favorables à tous les points de vue ; il semble qu’une mesure de clémence pourrait être prise à son égard. »

André Gauthier meurt à Auschwitz le 19 février 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2].

Le 17 décembre suivant, son épouse est embauchée comme serveuse à la cantine de l’usine des Chantiers de la Loire.

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 1-12-1992).

Notes :

[1] Saint-Denis : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Concernant André Gauthier, c’est le mois de janvier 1943 qui a été initialement retenu pour certifier son décès (rectifié en 1995 sur le registre des naissances). Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 386 et 405.
- Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
- Archives de la Ville de Saint-Denis, site internet : registre des naissances de l’année 1903, deuxième semestre (cote E 324), actes 1502 et 1501 (vue 111/136).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 812-34220).
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w73, 1w117 (dossier individuel).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 336 (9143/1943).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 4-01-2024)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.