Marcel Leclercq, né le 26 janvier 1901 au Cateau-Cambraisis (Nord), domicilié à Romainville (Seine-Saint-Denis), mort à Auschwitz le 25 septembre 1942.
Marcel Leclercq naît le 26 janvier 1901 au Cateau [1] (Nord), chez ses parents, Antoine Leclerq, 27 ans, fileur, et Élina Amélie Demon, 26 ans, couturière, son épouse, domiciliés au 7, rue Saint-Anne ; sa mère sera décédée avant l’an 1921 (date inconnue).
En avril 1921, il est incorporé au 20e bataillon de chasseurs à pied afin d’y accomplir son service militaire. Le 16 avril 1922, il est nommé chasseur de 1ère classe. Le 15 avril 1923, il est renvoyé dans ses foyers.
En mai 1923, il habite au 26, rue Vercingetorix à Paris 14e. En février 1924, il demeure au 80, rue de Vesle à Reims (Marne).
Le 11 mai 1924 à Reims, Marcel Leclercq se marie avec Anna (Anne) Seyler, née le 16 mai 1906 à Wahl (Luxembourg), qui acquiert la nationalité française par ce mariage. Leur fille, Marcelle, naît le 1er juin suivant, à Reims (Marne).
En décembre 1925, la famille est installée au 4, rue Morch à Saint-Ouen [2] (Seine / Seine-Saint-Denis – 93).
En mars 1927 et jusqu’au moment de son arrestation, Marcel Leclercq est locataire d’un logement de deux pièces au troisième étage de l’immeuble du 33, rue de Paris à Romainville (93). Au rez-de-chaussée, le couple Leclercq exploite un salon de coiffure pour hommes et dames.
Chef d’orchestre amateur, Marcel Leclercq apporterait son concours à toutes les œuvres communales de Romainville.
C’est un militant communiste connu de la police ; catholique pratiquante, son épouse ne partage pas ses convictions.
Néanmoins, il est possible qu’en 1939 il ait été désigné par le Conseil de Préfecture de la Seine pour faire partie de la Délégation spéciale remplaçant la municipalité élue de Romainville (à vérifier…).
Le 27 janvier 1940, Marcel Leclercq est rappelé à l’activité militaire et affecté au dépôt d’infanterie n° 13 ; le côté salon pour hommes est alors temporairement fermé. Il est démobilisé début juillet 1940.
Le 31 octobre 1940, le commissaire de police de la circonscription des Lilas effectue une perquisition à son domicile, qui n’amène la découverte d’aucun matériel compromettant. Néanmoins, désignant Marcel Leclercq comme un « communiste notoire » et un « meneur très actif », le policier préconise son internement.
Le 9 novembre suivant, le préfet de police signe un arrêté ordonnant son internement administratif, par application du décret du 18 novembre 1939 et de la loi du 3 septembre 1940, en même temps que celui de Louis Gouffé, de Romainville. Le même jour, Marcel Leclercq est appréhendé à son domicile et conduit au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre.
Après l’arrestation de son mari, Anna Leclercq travaille seule, comme coiffeuse pour dames, dans leur boutique. Sa fille Marcelle est alors en apprentissage chez L’Oréal, coiffeur, 14 rue Royale à Paris 8e, entre les places de la Concorde et de la Madeleine.
Le 26 février 1941, sur le formulaire de « Révision trimestrielle du dossier » de Marcel Leclercq, à la rubrique « Avis sur l’éventualité d’une mesure de libération », le commissaire spécial, directeur du camp, ne formule pas son avis, constatant seulement que cet interné est « un communiste certain, mais dont l’activité clandestine ne doit pas être grande – contre-enquête nécessaire », ajoutant à sa décharge : « attitude correcte ».
Le 20 mars, puis le 11 avril, son épouse adresse des requêtes (demande de libération ou d’autorisation de visite) au préfet de Seine-et-Oise qui les soumet au préfet de police, responsable de l’internement de son mari. Elle parvient à lui rendre visite à Aincourt
Le 26 avril 1942, seize mois après son internement à Aincourt, Marcel Leclercq fait partie d’un groupe de détenus transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves au sud-est de Chartres (Eure-et-Loir), où lui-même est enregistré sous le matricule n° 201.
Le 10 mai 1942, il fait partie des 81 internés remis aux “autorités d’occupation” à la demande de celles-ci et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Il parvient, au moins une fois, à écrire à son épouse depuis ce camp.
Entre fin avril et fin juin 1942, Marcel Leclercq est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Marcel Leclercq est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45749, selon les listes reconstituées (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Marcel Leclercq.
Il meurt à Auschwitz le 25 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Le 30 octobre 1946, l’officier d’état civil auprès du ministère des Anciens combattants et victimes de la guerre (ACVG) établit l’acte de décès de Marcel Leclercq en en fixant la date au 31 août 1942.
Début 1947, sa veuve dépose auprès du ministère des ACVG une demande de pension au titre de la loi du 20 mai 1946 sur les réparations à accorder aux victimes de la guerre.
Le nom de Marcel Leclercq est inscrit sur une des plaques commémoratives (« mort dans la résistance ») apposées dans le hall de la mairie de Romainville.
La mention “Mort en déportation” est portée sur son acte de décès (J.O. du 23-03-94).
Notes :
[1] Le Cateau prend officiellement le nom de Cateau-Cambraisis en 1977.
[2] Saint-Ouen et Romainville : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, ces communes font partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 386 et 410.
Cl. Cardon-Hamet, notice in 60e anniversaire du départ du convoi des 45000, brochure répertoriant les “45000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002.
Archives départementales du Nord, site internet, archives en ligne : registre d’état civil NMD du Cateau-Cambresis, année 1901 (3 E 6586), acte n° 23 (vue 7/161) ; registres matricules du recrutement militaire, bureau de Cambrai, classe 1921, vol. 3 (1R 3553), n° 1595 (vue 117/201).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel du cabinet du préfet (1 W 513-13598).
Archives départementales des Yvelines et de l’ancien département de Seine-et-Oise (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cotes 1w74 (révision trimestrielle), 1w76, 1w80, 1w131 (dossier individuel).
Comité du souvenir du camp de Voves, liste établie à partir des registres du camp conservés aux Archives départementales d’Eure-et-Loir.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 702 (33089/1942).
Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale de des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
Site Mémorial GenWeb, 93-Romainville, relevé de Christiane Level-Debray (06-2004).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 20-13-2020)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.