Yvonne, Rosalie, Cavé, née Richard le 17 mars 1896 à Montrouge (Hauts-de-Seine), domiciliée à Paris 15e, morte au sous-camp de femmes de Birkenau le 26 février 1943.
En octobre, sœur d’Yvonne reçoit une carte rose avec la phrase tout imprimée, en français et en anglais : « Je suis au fort de Romainville. Je vais bien. Affectueusement. » Seule la signature est manuscrite. Puis, plus de nouvelles…
Le 30 octobre, Henri Cavé est transféré au camp de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Le 22 janvier 1943, Yvonne Cavé fait partie des cent premières femmes otages internées au Fort de Romainville qui sont transférées en camions au camp de Royallieu (leurs fiches individuelles du Fort indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : transférée à Compiègne le 22.1). Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police).
Le 23 janvier, en fin de journée, Henri Cavé est parmi plus de 1450 détenus détenus hommes du camp qui sont conduits à pied sous escorte à la gare de Compiègne, jusqu’à un quai de marchandises où il sont entassés dans des wagons à bestiaux.
Les deux-cent-trente femmes otages passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.
Le lendemain matin, 24 janvier, elles sont conduites à leur tour à la gare et montent dans les quatre derniers wagons du convoi.
En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes – dont Henri Cavé – sont dirigés sur le KL Sachsenhausen [1], près d’Orianenburg.
Les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.
Le lendemain matin, après avoir été brutalement descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.
Yvonne Cavé y est enregistrée sous le matricule 31691. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.
Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.
Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rang de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois quarts avec un couvre-chef (foulard), de face et de profil (la photo d’immatriculation d’Yvonne Cavé n’a pas été retrouvée).
Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.
Yvonne Cavé meurt à Birkenau le 26 février 1943, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
Charlotte Delbo témoigne : « On lui avait volé ses chaussures pendant la nuit. Le matin, elle a dû aller nu-pied à l’appel – quatre heures debout dans la neige – et au travail. Ses jambes ont enflé à vue d’œil, dans la journée. Elle est morte en trois jours, au Revier [2], de néphrite aiguë. »
En mars 1943, sa sœur est appelée à la Gestapo, rue des Saussaies. Un interprète lui dit : « Votre sœur est morte d’une crise cardiaque. »
Leur mère, Ernestine Frouel, veuve Richard, qui habitait toujours au 231 rue de Vaugirard, décède le 25 avril 1944 à l’hôpital Necker, âgée de 82 ans.
La mort de Henri Cavé
Au KL Sachsenhausen, après la période de quarantaine, Henri Cavé (matricule 57865) a été affecté au Kommando Heinkel où l’on fabrique des pièces d’avions. Le 18 avril 1944, il est blessé dans le bombardement de l’usine par l’aviation alliée. Des plaies ouvertes aux deux jambes, il est renvoyé au Revier du camp principal (Sachso), où un de ses camarades le voit pour la dernière fois le 15 juillet 1944. Henri Cavé succombe le 14 février 1945.
En 2022, il n’y a pas de plaque commémorative sur l’immeuble du 231 rue de Vaugirard…
Notes :
[1] KL : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration) ; certains historiens utilisent l’abréviation “KZ”.
[2] Revier, selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemand Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation KB.
Sources :
Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 65-66.
Archives de Paris, site internet, archives en ligne, : registre des naissances du 11e arrondissement, année 1885 (V4E 6501), acte n° 4974.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossier individuel au cabinet du préfet de police (1 W 1838-98384).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 159 (11091/1943).
Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, Éditions Tirésias, Paris 2004, I.74, page 604.
MÉMOIRE VIVE
(dernière modification, le 9-10-2022)
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