Le 28 juillet 1936, son mariage est dissous par jugement de divorce prononcé par la 18e chambre du Tribunal civil de la Seine.
En avril 1938, elle emménage au 25, rue Orfila à Paris 20e.
Sous l’Occupation, elle est infirmière à l’hôpital Tenon, au 4 rue de la Chine, derrière la mairie du 20e arrondissement, proche du métro Gambetta.
Elle donne des soins en cachette à des combattants, ceux qui ne peuvent se faire soigner chez un médecin ou se présenter régulièrement à des consultations des hôpitaux. Elle assiste également une doctoresse de l’hôpital Saint-Louis (Paris 10e) pour de petites interventions chirurgicales.
Vers la mi-septembre 1941, la police française effectuerait une perquisition infructueuse à son domicile (à vérifier…).
Par l’intermédiaire d’un malade, Maria Alonso est mise en relation avec un groupe de postiers résistants et devient “Josée”.
En septembre 1940, Emmanuel Fleury, ex-secrétaire régional des employés des Postes, Télégraphe et Téléphone (PTT) pour la région parisienne et membre de la commission exécutive de la nouvelle Fédération postale CGT après la réunification syndicale de décembre 1935, ex-conseiller municipal communiste du quartier de Saint-Fargeau, était revenu clandestinement à Paris (pseudonyme “Raoul”) après s’être évadé du camp de Fort-Barraux (Isère) où il avait été interné administrativement en décembre 1939. Il a pour mission d’organiser l’édition du matériel de propagande du syndicat clandestin des PTT.
En mars 1941, Louis Sabini, ami d’Emmanuel Fleury, ex-postier syndicaliste révoqué de son emploi d’agent manipulant au bureau du 20e arrondissement, 248 rue des Pyrénées, depuis la fin octobre 1940, initialement pressenti pour effectuer le travail d’impression, quitte précipitamment son domicile de Romainville (Seine / Seine-Saint-Denis) pour se réfugier en province (Yonne). Avant ce départ, il avait contacté Victor B., commis à l’administration des PTT, affecté lui aussi au bureau central du 20e arrondissement, 248 rue des Pyrénées, pour lui demander de reprendre une activité militante. Peu après, Marie-Thérèse Fleury, employée de l’administration des PTT, avait transmis à ce dernier une enveloppe avec des adresses de militants à contacter.
“Convoqué” par un courrier glissé sous sa porte, Victor B. a été ensuite directement contacté par “Raoul” dans un café de la place Gambetta, lequel lui a proposé de participer à « la confection de tracts ».
Au cours de l’été 1941, “Raoul” demande à Victor B. de venir avec lui déplacer une machine d’impression (un duplicateur ronéo et ses accessoires) d’un endroit à un autre ; en dernier lieu chez Antoinette Weibel, employée au service régional 19 des PTT, domiciliée au 18 rue Wurtz (Paris 13e). Lors de ce dernier “déménagement”, “Raoul” lui indique que son “contact” (agent de liaison) sera désormais “Gérard”, pseudonyme de Gabriel Laumain (prénom du fils de celui-ci), ex-trésorier régional des syndicats parisiens des PTT, chargeur à la Gare de l’Est.
En tentant de remonter la machine d’impression précédemment convoyée, Victor B. et Laumain constatent que celle-ci ne fonctionne pas (elle sera récupérée chez Antoinette Weibel par d’autres clandestins).
Ils se rendent alors chez « José” Alonso – amie de Laumain, connue avant-guerre à la Bourse du Travail – pour aller retirer un duplicateur à plat (“à main”) dans son coffret bois, que le frère de celle-ci y a déposé.
Utilisant cette machine à son domicile, au 20 rue Dupont-de-l’Eure (Paris 20e) où il vit seul, sans son épouse et leur enfant, Victor B. commence à imprimer Le Travailleur des P.T.T. et autres tracts. Puis le petit collectif transforme en atelier clandestin un logement vide voisin du sien, sur le même palier au 6e étage, y installant une autre Gestetner avec moteur électrique et stockant également le papier vierge et les exemplaires imprimés.
Mais B. est repéré par la police française, dans des circonstances restant à préciser ; rédacteur pour le dictionnaire historique Maitron, Jean-Pierre Besse écrira : « La police apprit que Victor B. recevait des articles manuscrits par la poste »). Arrêté le 14 octobre 1941 par des inspecteurs de la 1re Brigade spéciale (BS1) des Renseignements généraux (R.G.) et amené à la préfecture de police, le suspect admet d’abord sa propre activité lors des interrogatoires qu’il y subit, puis désigne d’autres membres de son groupe, et leurs adresses quand il les connaît.
Le 20 octobre, c’est au tour de “Josée” d’être arrêtée par deux inspecteurs des R.G., lesquels opèrent simultanément une perquisition de son domicile, mais sans y trouver aucun document ou instrument de propagande.
Lors de son interrogatoire, “Josée” déclare que – lors de son emménagement – elle a trouvé dans la cave liée à son logement une boîte contenant un duplicateur à plat sans utilité pour elle. « J’ignorais l’usage que (Laumain) voulait en faire, j’étais simplement très satisfaite de m’en être débarrassée. »
Au terme de l’enquête des R.G. – après vingt-quatre heures, – aucun élément ou témoignage n’apportant la preuve de sa participation consciente et active à l’activité de propagande clandestine, “Josée” est relaxée ; tandis que Victor B., Louis Sabini (que des inspecteurs ont été appréhender dans l’Yonne), Gabriel Laumain, Marie-Thérèse Fleury et Antoinette Weibel sont inculpé.es d’infraction au décret du 26 septembre 1939 et conduit.es au Dépôt, à la disposition du procureur de la République.
Quelques jours plus tard, Laumain, qui est détenu à la Maison d’arrêt de La Santé (Paris 14e), glisse un billet dans le colis de linge sale rendu à son épouse : « Alonso sera convoquée comme témoin au procès ». Fernande Laumain comprend que c’est pour prévenir “Josée”, pour la sauver, et transmet rapidement le message. Néanmoins, “Josée” est arrêtée par la Gestapo.
En rentrant de l’école, un jour de novembre 1941, son fils aîné trouve un mot sur la table : « Deux messieurs sont venus me chercher. Va chez Tonton. Maman. »
Le frère de “Josée” recueille les deux fils de sa sœur.
Le 18 juin 1942, le groupe des postiers est jugé par le tribunal militaire allemand de la Kommandantur du Gross Paris siégeant au 11bis rue Boissy-d’Anglas (Paris 8e) ; aux six premiers appréhendés par la BS1, se sont ajoutés Jean Escaré, contrôleur des Postes, René Pape et René Vialaneix.
Gabriel Laumain et Charles B. – condamnés à mort pour « aide à l’ennemi » – seront fusillés au fort du Mont-Valérien le 29 juin suivant ; seuls à être exécutés ce jour-là.
“Josée” Alonso et Marie-Thérèse Fleury sont “acquittées”, mais ramenées en prison en sortant de la salle d’audience.
Louis Sabini et Antoinette Weibel sont déportés “NN” dès le 20 juillet suivant dans un train de voyageurs qui les conduit d’abord à la prison (Gefängnis) de Karlsruhe, capitale du Pays de Bade [1].
Le 1er août 1942, “Josée” Alonso et Marie-Thérèse Fleury sont transférées – avec Jean Escaré, René Pape, René Vialanex – au camp allemand du Fort de Romainville ; les deux femmes y sont respectivement enregistrées sous les matricules n° 541 et 539.
- L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122), surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).
À Romainville, Josée est désignée comme chef de camp. Elle assure cette fonction avec la plus grande des autorités.
Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 21.1 »). Le lendemain, Maria Alonso fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris).
Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.
Le lendemain matin, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille, parmi lesquels Jean Escaré, René Pape et René Vialanex [2].
Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).
En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.
Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.
Maria (Marie) Alonso y est enregistrée sous le matricule 31778. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.
Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.
Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois-quart, de face et de profil (la photo d’immatriculation de Maria Alonso a été retrouvée).
Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où se trouvent des compagnes prises à la “course” du 10 février. Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.
Dans son livre éponyme, Charlotte Delbo témoigne : « À Birkenau, Josée n’a pas supporté que les kapos… la battent. À la première gifle, elle a répliqué par des coups de poings. La kapo l’a presque assommée. Un jour…, elle a voulu prendre de l’eau dans sa gamelle au seul robinet du camp : une Polizei armée d’un gourdin gardait le robinet. Elle ne laissait approcher que les Allemandes. Josée a essayé de passer. La Polizei l’a rouée de coups, aspergée. Josée est rentrée au Block, trempée. Elle est morte d’une double pneumonie, au Revier, le 14 ou 15 février 1943. » Le 27 février, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp.
Son frère et sa sœur apprennent sa mort par Henriette Mauvais, au retour.
Homologuée sergent dans la Résistance intérieure française, Maria Alonso est considérée comme déportée politique – comme si elle n’avait pas fait de résistance, comme si elle avait été déportée par hasard ou par malheur.
À l’hôpital Tenon, une plaque collective rend hommage à sept agents de l’établissement disparus au cours de la guerre. Parmi les “Morts en déportation” : « Alonso Marie, infirmière de 3e classe » (ainsi que « Thomas Adrien, agent hospitalier », déporté le 6 juillet 1942 au KL Auschwitz (46143), mort le 19 septembre suivant).
Notes :
[1] Les deux détenus « NN” déportés le 20 juillet 1942. Louis Sabini, après la prison de Karlsruhe, il est transféré à celles de Rheinbach, puis de Sonnenburg où il succombe le 30 mars 1945 (Allemagne). Antoinette Weibel, après la prison de Karlsruhe, elle est successivement transférée dans les prisons de Francfort-sur-le-Main, de Coblence, de Düsseldorf, d’Anrath, de Lübeck-Lauerhof, de Bützow, puis dans les KL Ravensbrück, et Mauthausen où elle est libérée.
[2] Les trois hommes de l’affaire des Postiers déportés au KL Sachsenhausen le 24 janvier 1942. Jean Escaré est ensuite affecté au Kommando Heinkel, où il succombe le 9 décembre 1943. René Pape est lui aussi affecté au Kommando Heinkel, où il est libéré au printemps 1945. René Vialanex est transféré au KL Buchenwald, affecté dans un Kommando de Leipzig ; il est rescapé.
Sources :
Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 28-31.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossiers de la brigade spéciale anticommuniste des Renseignements généraux (G B 60), « Affaire B.-Sabani-Laumain-Fleury-Weibel ».
Simone Alizon, L’Exercice de Vivre, éditions Stock, avril 1996, 384 pages, ISBN 2-234-04614-9, code-barre 9-782234-046146 ; page 123.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 22 (11758/1943).
Site Mémorial GenWeb : hôpital Tenon, plaque commémorative 1939-1945 ; relevé n° 45695 effectué par Danièle Robbe (†), mis en ligne le 12/07/2009.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 10-05-2024)
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