À l’automne 1928, elle travaille comme finisseuse (couturière) dans une fabrique de confection pour hommes au 102 rue de Belleville. Son mari est parti en Russie depuis plusieurs mois et ne donne plus de ses nouvelles. Le frère de son mari, le Docteur M. A. Rivkine, demeurant à Détroit (U.S.A.), « subvient à ses besoins ». Elle a perdu le contact avec sa mère, veuve, restée en Russie.
À cette époque, Eugénie Rivkine, née Baskine, dépose une demande de naturalisation française pour elle et son fils, dont elle souhaite qu’il intègre une école professionnelle (Turgot) de la Ville de Paris. Elle déclare se désintéresser de la politique. Le 12 janvier 1929, le commissaire de police (de son quartier ?) émet d’abord « un avis défavorable à tous les points de vue ». Mais elle bénéficie de l’appui constant de Maurice Facy, du ministère du Commerce.
Le 31 janvier 1929, à l’ambassade de France à Moscou, son mariage est dissous (?).
Au recensement de 1931, Eugénie Baskine – habite toujours avec son fils au 90 rue de la Folie-Méricourt – est désignée comme naturalisée (« natur. ») ; depuis un an.
Au recensement de 1936, le nom de son fils – âgé de 19 ans – est rayé, comme absent « ab. » (?), elle-même étant désigné comme sans profession (« s.p. »).
Connue dans son quartier comme “Jeanne la Russe”, Eugénie Baskine milite au Secours Rouge International et au Comité des Femmes contre la guerre et le fascisme (créé en 1934 ?), et assiste « régulièrement aux meetings des organisations sanitaires et du personnel des services de santé ».
Pendant un temps (sous l’occupation ?), elle habite dans un immeuble au 123 rue du Chemin Vert à Paris 11e, qui fut une adresse de Jeanne Schrodt, née Lacloche, autre militante du quartier, avant que celle-ci entre en clandestinité. En dernier lieu, Eugénie Baskine se déclare comme garde-malade au chômage.
Elle reste active au sein du Parti communiste après l’interdiction de celui-ci en septembre 1939.
À l’été 1941, elle participe avec Micheline Giraudon, autre militante de l’arrondissement, à la mobilisation les femmes du quartier lors des manifestations au faubourg Saint-Antoine et au carrefour Ledru-Rollin.
À la veille du 16 juillet 1942, Eugénie Baskine prévient autant qu’elle peut les familles juives contre la rafle du Vél’d’Hiv.
Trois mois plus tard, Georges Marquet (“Albert”), alors responsable politique clandestin à la tête des groupes Saint-Ambroise, Sainte-Marguerite et Roquette, déclarera aux policiers qui l’interrogent : « La liste des femmes du 11e mises à l’écart que vous me présentez m’a été passée par le responsable des cadres. Je devais me mettre en rapport avec ces femmes et leur signifier de couper leur liaisons. Je n’ai pas pu faire ce travail, car je ne savais comment les toucher. Je connais juste deux femmes de cette liste, une prénommée Jeanne et Jeanne la Russe. »
Parmi plusieurs ex-militants du 11e arrondissement avec lesquels Eugénie Baskine est toujours en contact, il y a Robert Soudade, qui a rejoint en janvier 1942 les premiers groupes d’action contre l’armée d’occupation. Le 14 août, celui-ci participe en soutien, avec Robert Hamel, Léon Agid, et Louis Camatte, à un attentat contre la brasserie alsacienne Andrés, 4 rue Saint-Laurent, près de la gare de l’Est (Paris 10e), exclusivement fréquentée par des soldats allemands.
De leur côté, à partir de ce même mois d’août, les brigades spéciales des Renseignements généraux de la préfecture de police engagent – à la suite de l’affaire Losserand – une série de filatures qui leur permettent de repérer différents secteurs de l’activité du Parti communiste clandestin à Paris.
Mais, dès le début mai 1941, Robert Soudade avait été identifié par la police française comme ayant accueilli à son domicile une réunion de militants clandestins du PCF au lendemain de l’arrestation de son oncle, Paul Gaspard, au cours d’un collage. Lors de la perquisition menée alors à son domicile, Robert Soudade avait remis spontanément aux inspecteurs deux tracts récents en déclarant qu’ils avaient été glissés dans le sac à provision de sa compagne ; il n’avait pas alors été inquiété davantage.
Les 13 et 14 octobre 1942, les policiers déclenchent leur “coup de filet” : trente-sept personnes sont appréhendées, parmi lesquelles Robert Soudade. Aussitôt arrêtés, les suspects sont conduits dans les locaux de la BS 2 “antiterroriste” pour y être interrogés sans ménagement.
Le 14 octobre, Robert Soudade nie d’abord toute activité. Mais, au fil des interrogatoires et des confrontations, il “craque”.
Conservé aux archives de la préfecture de police, dans le dossier de l’“affaire Briquet, Varagnat et tous autres”, on trouve l’enchaînement des déclarations qui impliquent “Jeanne la Russe” :
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21 octobre 1942
Nouvel interrogatoire de Soudade Robert
Interpellons à nouveau Soudade Robert qui déclare :
Au cours de mon précédent interrogatoire, j’ai dit que j’avais refusé des responsabilités qui m’avaient été proposées. C’est faux.
Après l’affaire de la rue Saint-Laurent, Hamel m’a demandé de m’occuper d’un groupe dont j’étais d’ailleurs le seul membre. Normalement, j’aurais dû avoir avec moi deux autres camarades et, en prévision de leur adhésion éventuelle, j’avais reçu de “Yves” trois pistolets que j’ai dissimulés sous le marbre de la cheminée de la chambre à coucher de mon logement. Ces armes étaient accompagnées de leur chargeur garni.
S.I.- [sur interpellation] Je confirme absolument les renseignements que j’ai fourni sur “Joyeux” et sur “Binsville”.
Lecture faite persiste et signe.
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22 octobre 1942
Mention
Mentionnons qu’à la suite des déclarations du nommé Soudade Robert, qui avait fait connaître que trois pistolets automatiques avaient été cachés par lui sous le marbre de la cheminée de son logement, 196 rue de La Roquette, nous avions chargé les inspecteurs L. M. et B. d’effectuer de nouvelles recherches en vue de découvrir ces armes.
Ces armes ayant disparu de leur cachette, les inspecteurs précités ont interpelé la femme L. Marcelle, maîtresse de Soudade, et celle-ci, après quelques réticences, a reconnu s’être débarrassée des pistolets en les remettant à une femme qu’elle ne connaissait pas, mais avec laquelle un rendez-vous avait été aménagé par une militante connue dans les milieux communistes du 11e arrondissement sous le prénom de “Jeanne”.
Cette femme a été identifiée et, ainsi que la maîtresse de Soudade, conduite à notre service.
Mise à disposition
Et, le même jour, constatons que les inspecteurs L. M. et B. mettent à notre disposition :
1°) L. Marcelle (…)
2°) BASKINE Eugénie, (…) se disant de race aryenne, (…).
Fouille
Fouillées dès leur arrivée au service par des personnes de leur sexe, les femmes L. et Baskine n’ont été trouvées en possession d’aucun objet ou document suspects.
Visites domiciliaires (perquisitions)
Les visites domiciliaires effectuées en leur présence constante et avec leur consentement dans les lieux qu’elles occupent sont restées sans résultat.
Vérifications d’archives :
Mentionnons que les sus-nommées sont connues toutes deux aux archives centrales de notre direction générale :
– la femme L. comme maîtresse de Soudade, et
– la femme Baskine en raison des relations qu’elle entretenait avec une nommée Schrodt né Lacloche Jeanne, né le 30 janvier 1902 à Paris (14e), militante active du Parti communiste clandestin ayant son domicile 123 rue du Chemin Vert, mais vivant actuellement dans la clandestinité.
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22 octobre audit an
Interrogatoire de la dame L. Marcelle
(état civil : 25 ans, mariée, séparée, deux enfants, sans profession)
Domiciliée 196 rue de La Roquette
Sur les faits :
Je connais Robert Soudade depuis 1938 et je vivais avec lui depuis cette époque. Je ne connais rien de son activité politique.
J’avoue cependant qu’il m’a confié, il y a un mois et demi environ, que des revolvers avaient été cachés par lui sous le marbre de la cheminée de notre chambre. Il ne m’a pas indiqué qui lui avait remis ces armes et je ne lui ai pas demandé d’explications.
Lorsque mon ami a été arrêté, j’ai pensé à me débarrasser des revolvers dont je connaissais la présence chez moi.
Je me suis alors rendue le jour même chez une personne qui avait effectué pour moi des travaux de tricot. Il s’agit d’une femme dont je connaissais l’action, car elle m’avait proposé de militer comme elle pour le compte du Parti communiste clandestin ; j’avais d’ailleurs toujours refusé ses propositions. Mais j’ai pensé qu’en l’occurrence elle pouvait me rendre service. Il s’agit d’une dame Baskine qui habite 123 rue du Chemin Vert.
Elle m’a conseillé de faire un paquet des pistolets qui se trouvaient chez moi et de me rendre vendredi 16 courant à 18h30 au square Parmentier, et de m’assoir sur un banc à gauche en entrant. Une femme habillée d’un manteau gris, chaussée de souliers jaunes, nue tête, portant des lunettes claires, aux cheveux châtain clair devait s’approcher de moi et me débarrasser du paquet. Je me suis rendu à l’endroit convenu et les choses se sont passées comme me l’avait indiqué Madame Baskine.
Je ne peux vous fournir aucune autre indication.
S.I._ (sur interpellation) : Je n’ai jamais personnellement pris part à la propagande communiste, ni avant ni après la dissolution du Parti. Je n’ai jamais été membre d’aucune organisation d’extrême gauche.
Lecture faite, persiste et signe.
(Dans le dossier GB 110 consultable sur écran manque le document numéroté 86, qui devrait correspondre à l’interrogatoire d’Eugénie Baskine !)
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22 octobre 1942
Nouvel interrogatoire de Soudade Robert
Interpellons à nouveau Soudade Robert qui déclare :
S.I.- Mon amie, Madame L., n’était pas au courant de mon activité. Cependant, elle m’avait vu ranger des armes à l’endroit que je vous ai indiqué. Nous avons eu une discussion à ce sujet et je l’ai priée de s’occuper “de ce qui la regardait”.
S.I.- Je connais la nommée Baskine, que j’appelais “Jeanne”. Elle a activement milité autrefois dans le 11e arrondissement, où elle est parfaitement connue (…).
Je sais qu’elle milite toujours dans l’illégalité, mais je ne connais rien des détails de son activité. Je pense qu’elle a reçu des ordres pour se tenir sur une réserve prudente. C‘est moi-même qui lui en avais donné l’ordre il y a trois mois environ, conformément aux instructions du nommé “Joyeux”.
À plusieurs reprises, la femme Baskine m’avait demandé de faire pression sur mon amie pour l’inciter à militer. J’ai toujours refusé, et j’ai même conseillé à ma maîtresse de ne jamais accepter les propositions de “Jeanne” ; elle n’en a d’ailleurs jamais manifesté l’intention.
S.I.- Je ne sais à quelle militante peut s’appliquer le signalement suivant : cheveux blonds clairs, manteau gris, chaussures jaunes.
Je peux seulement certifier que mon amie n’a jamais été en relation avec une personne habillée de cette façon.
Lecture faite, persiste et signe.
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Le 23 octobre, Eugénie Baskine est conduite au service de l’identité judiciaire de la préfecture de police pour y être photographiée selon les principe de l’anthropométrie française (une vue de face et une autre de profil).
Le 25 octobre, le dossier est clôt par le commissaire principal.
La procédure judiciaire concernant les protagonistes de l’affaire est transmise à un juge d’instruction du Parquet. Mais, à une date restant à préciser, le dossier et les détenus sont remis sur leur demande aux Allemands, qui procèdent à de nouveaux interrogatoires. Incarcéré à l’établissement pénitentiaire de Fresnes (Seine / Val-de-Marne) le 6 novembre, Robert Soudade est interrogé à trois reprises par les Allemands (IV B 4) dans un hôtel réquisitionné rue de Ponthieu, à Paris 8e, où il fait de nouvelles révélations, transmises en retour à la police française ; ainsi, le 19 novembre : « Schrodt Jeanne, domiciliée dans la 20e, rue inconnue, militerait aussi dans l’illégalité. »
Le 4 février 1943, six membres du groupe FTP seront condamnés à mort pour « actes de francs-tireurs » par le Tribunal militaire allemand du Gross Paris puis fusillés au Mont-Valérien onze jours plus tard, 15 février : Leo Agid (sous son pseudonyme, “Louis Le Balanger”), Robert Bachet, Louis Camatte, Robert Hamel et Adrien Vanderheyden.
Le 15 janvier 1943, Eugénie Beskine est internée au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122 ; elle y arrive seule, enregistrée parmi les dernières avec le matricule 1440.
Une semaine plus tard, le 22 janvier, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22,1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »).
Le lendemain, Eugénia Baskine fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.
Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).
En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.
Le lendemain matin, après avoir été brutalement descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.
Eugénia Baskine y est enregistrée sous le matricule 31837. Elle se déclare alors comme étant de religion orthodoxe grecque, divorcée ou séparée (Geschieden ?), mais ne renseigne pas les noms et prénoms de ses parents… Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.
Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.
Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rang de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois quarts avec un couvre-chef (foulard), de face et de profil. La photo d’immatriculation d’Eugénia Baskine a été retrouvée, puis identifiée (par qui ?).
Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.
Eugénia Baskine meurt au Block 25 de Birkenau le 19 février 1943, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher), qui indique pour cause mensongère de sa mort « inflammation stomacale aigüe » (Akuter Magendarmkatarrh). Elle a 54 ans.
Une inconnue pour ses compagnes
Charlotte Delbo écrit : « Nous l’avions surnommée Jeanne-la-Russe, parce qu’elle était russe et parce que nous ne savions pas son nom. Elle est arrivée à Romainville le 15 janvier 1943. D’où venait-elle ? Pourquoi avait-elle été arrêtée ? À Auschwitz, elle a été prise à la course le 10 février 1943. Elle est morte quelques jours plus tard au Block 25.
LA COURSE : Après l’appel du matin, qui avait duré comme tous les jours de 4 heures à 8 heures, les SS ont fait sortir en colonnes toutes les détenues, dix mille femmes, déjà transies par l’immobilité de l’appel. Il faisait -18. Un thermomètre, à l’entrée du camp, permettait de lire la température, au passage. Rangées en carrés, dans un champ situé de l’autre côté de la route, face à l’entrée du camp, les femmes sont restées debout immobiles jusqu’à la tombée du jour, sans recevoir ni boisson ni nourriture. Les SS, postés derrière des mitrailleuses, gardaient les bords du champ. Le commandant, Hoess, est venu à cheval faire le tour des carrés, vérifier leur alignement et, dès qu’il a surgi, tous les SS ont hurlé des ordres, incompréhensibles. Des femmes tombaient dans la neige et mouraient. Les autres, qui tapaient des pieds, se frottaient réciproquement le dos, battaient des bras pour ne pas geler, regardaient passer les camions chargés de cadavres et de vivantes qui sortaient du camp, où l’on vidait le Block 25, pour porter leur chargement au crématoire Vers 5 heures du soir, coup de sifflet. Ordre de rentrer. Les rangs se sont reformés sur cinq. « En arrivant à la porte, il faudra courir. » L’ordre se transmettait des premiers rangs. Oui, il fallait courir. De chaque côté de la Lagerstrasse, en haie serrée, se tenaient tous les SS mâles et femelles, toutes les kapos, toutes les polizeis, tout ce qui portait brassard de grade. Armés de bâtons, de lanières, de cannes, de ceinturons, ils battaient toutes les femmes au passage. Il fallait courir jusqu’au bout du camp. Engourdies par le froid, titubantes de fatigue, il fallait courir sous les coups. Celles qui ne couraient pas assez vite, qui trébuchaient, qui tombaient, étaient tirées hors du rang, saisies au col par la poignée recourbée d’une canne, jetées de côté. Quand la course a été finie, c’est-à-dire quand toutes les détenues sont entrées dans les Blocks, celles qui avaient été tirées de côté ont été emmenées au Block 25. Quatorze des nôtres ont été prises ce jour-là. Au Block 25, on ne donnait presque rien à boire, presque rien à manger. On y mourait en quelques jours. Celles qui n’étaient pas mortes quand le Kommando du ciel (les prisonniers qui travaillaient au crématoire) venait vider le Block 25, partaient à la chambre à gaz dans les camions, avec les cadavres à verser au crématoire. La course – c’est ainsi que nous avons appelé cette journée – a eu lieu le 10 février 1943, deux semaines exactement après notre arrivée à Birkenau. On a dit que c’était pour nous faire expier Stalingrad. »
Après la guerre, aucun ayant cause (parent…) n’a déposé de demande de statut de déportée au nom d’Eugénie Baskine auprès du ministère des anciens combattants et victimes de guerre ; aujourd’hui (2022) les archives de Caen ne conservent qu’une seule petite fiche !
Dans un dossier ouvert au cabinet du préfet de police sur Henri Varagnat – qui sollicite après-guerre la restitution d’une grosse somme saisie par la police française lors de son arrestation – on trouve un courrier rédigé en réponse le 17 février 1947 pour expliquer que « cette somme a été placée sous scellé et jointe à la procédure établie à l’époque à l’encontre du susnommé. Toutefois, il n’a pu être retrouvé trace au Parquet de cette procédure. Il paraît malheureusement vraisemblable qu’elle a été transmise aux Allemands, lesquels se seraient ainsi approprié l’argent de la saisie. » Quels documents peut-on encore trouver dans les archives concernant les protagonistes de cette affaire ?
Sources :
Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 37-38.
Archives nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine : naturalisations, sous-série BB/11, dossier 19972 X 29.
Marion Quény, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
Yasmine Louati, message avec compléments d’information (08-2022).
Raflés, internés, déportés, fusillés et résistants du XIe, Mémorial, brochure « présentée par le Comité de Libération du XIe », travail collectif sous la direction de Josette Dumeix, 1994.
Les fusillés, 1940-1944, dictionnaire biographique, ouvrage collectif, Éditions de l’Atelier, mai 2015 : pages 57-60, 107, 332, 878-879, 1788.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis), consultation sur écran : pas de dossier individuel conservé au cabinet du préfet ni aux Renseignements généraux ; dossiers de la BS2 des RG, consultation sur écran, “affaire Varagnat, Briquet et autres…” (G B 110), index des noms avec renvoi aux procès-verbaux : « BESKINE – 84.-86. » (manque 86) ; fiche brève et photo anthropométrique de l’identité judiciaire (G B 172-102/103) ; dossier individuel d’Henri Varagnat (1 W 19-47085) ; dossier individuel des R.G. de Marcelle L. (77 W 490-190021).
Le Maitron en ligne, notice SOUDADE Robert, Ferdinand par Daniel Grason, version mise en ligne le 11 novembre 2021, dernière modification le 11 novembre 2021 : https://maitron.fr/spip.php?article243679
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Office for information on former prisonniers) : page extraite du registre des décès d’Auschwitz, acte n° 9120/1943.
Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : recherches de Ginette Petiot, message en réponse de Claude Greff (08-2022).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 19-11-2022)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives, documents et témoignages ayant pu être consultés à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).