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Photo anthropométrique prise le 9 mai 1942
par le service de l’identité judiciaire.
© Archives de la Préfecture de Police (APP), Paris.

Suzanne, Renée Juhem naît le 2 octobre 1912 chez ses parents au 7, rue de la Paix, à Genève (Suisse), fille d’Émile Julien Juhem, 25 ans, employé au PLM (compagnie du chemin de fer Paris-Lyon-Méditerranée), et de Marie Philomène Favre, son épouse. Né le 19 novembre 1886 à Corlier (Ain), de parents cultivateurs, son père habitait déjà rue Montbrillant à Genève début septembre 1910. Sa mère était née le 8 décembre 1884 à Bramans (Savoie) et le couple s’était marié à Genève le 21 août 1911, l’ambassadeur de France, à Berne, ayant reconnu la validité du mariage. De père français, Renée possède donc cette nationalité par sa naissance. L’enfant a pour parrain le frère cadet de son père, Henri César Juhem, né en 1891.

Émile Juhem, ayant précédemment accompli son service militaire comme canonnier au 4e régiment d’artillerie d’octobre 1907 à septembre 1909, est rappelé à l’activité par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914 et classé dans l’affectation spéciale au sein de son entreprise (PLM), considérée comme stratégique.

Son épouse, Marie, décède le 3 octobre 1916  (en un lieu à déterminer…) ; leur fille a alors tout juste quatre ans.

Son frère aîné Gustave, 32 ans, est tué sur le front de l’Aisne en avril 1917.

Au début de l’automne 1919, Émile Juhem habite au 253 ou 283, rue de Charenton à Paris 12e.

Le 27 septembre 1919, à la mairie du 12e arrondissement, il épouse en secondes noces, Julienne, Laurentine, Élisa Fourreau, née le 18 mars 1894 à Bouffry (Loir-et-Cher), elle-même veuve d’un soldat tué en 1915, employée, domiciliée au 33, boulevard de Reuilly. Un des deux témoins est également employé des chemins de fer. Renée a sept ans.

Le 20 novembre 1927, Émile Juhem est sous-chef de manutention à la gare de Bercy.

Renée est élevée à Paris, dans le 12e arrondissement et va à l’école jusqu’au certificat d’études, puis apprend la couture.

Avant la guerre, elle travaille comme mécanicienne en confection dans l’atelier de couture d’un grand magasin parisien.

Sous l’Occupation, elle est au chômage et habite au 3bis, rue des Boulets (Paris 20e).  À partir de décembre 1940, elle a pour compagnon Jean “Coindreau”, militant communiste clandestin.

Dans Le convoi du 24 janvier, publié en 1965, Charlotte Delbo relatera ainsi la suite des événements (« Nous n’avons appris incomplètement son histoire que tout récemment ») : « À l’automne 1940, elle et son ami Jean C. décident de leur bon gré d’aller travailler en Allemagne et partent pour Nuremberg. […] Quelques mois plus tard, Jean C., qui est tombé gravement malade, est renvoyé en France. Renée ne veut pas rester seule en Allemagne. Ne pouvant rompre son contrat, elle s’évade. Rattrapée en route, elle purge une peine de prison à Nuremberg, reprend son travail et s’enfuit à nouveau. Cette fois elle réussit, passant par la Suisse et s’arrêtant à Bourg sur le chemin du retour, chez une cousine [de sa famille paternelle]. Puis elle gagne le Loir-et-Cher où elle reste chez son père. » Plus précisément à La Chapelle-Vicomtesse, où celui-ci vit alors avec sa seconde épouse, belle-mère de Renée.

Le 26 septembre 1941, Émile Juhem, retraité du chemin de fer, décède en son domicile du 283, rue de Charenton (Paris 12e), âgé de 56 ans.

Le 9 octobre, Renée Juhem dépose devant notaire un testament en faveur de sa belle-mère dont le leg consiste en des titres de rente et obligations (d’une valeur cumulée de 18 000 francs en 1946).

Au bout de quelques semaines, Renée Juhem pense que les Allemands ne la rechercheront plus et rentre chez elle…

Dans les archives du PAVCC, il existe un triple formulaire rédigé en allemand depuis le bureau de placement du 75 cours de Vincennes, daté du 28 avril 1941 et établi au nom de Renée Juhem semblant correspondre à un contrat d’embauche. Il y est question d’un emploi d’ouvrière métallurgiste dans l’entreprise Nürnberger Schraubenf. Elektro W. pour 57 heures par semaine au salaire horaire de 0,50 reichsmark. La période d’engagement apparaît différente de celle mentionnée par Ch. Delbo… Quelle fut la suite réelle ? Jean Coindreau souscrit-il le même contrat de travail ?

À partir du 30 novembre 1941, Renée Juhem habite chez Jean “Coindreau”, au 27 rue Verolot à Villejuif. Depuis le 7 novembre, celui-ci est employé en qualité de manœuvre spécialisé dans l’usine de la société suisse Técalémit, [2] spécialisée dans les tuyaux en caoutchouc, les filtres et les graisseurs, sise route de Fontainebleau, à Paray-Vieille-Poste (Seine-et-Oise / Essonne), entreprise travaillant probablement pour l’armée d’occupation.Le 8 mars 1942, le couple déménage au 68 rue du Génie, à Vitry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne), dans un logement de trois pièces sommairement meublées loué au premier étage d’un pavillon.

Vers le 15 avril, Renée Juhem se rend dans la région de Vire avec une connaissance de son compagnon pour y chercher du ravitaillement.

Le mardi 5 mai suivant, elle rentre de Fréteval (Loir-et-Cher) où elle est allée de nouveau chercher du ravitaillement (chez ses parents ?). Elle avait convenu avec “Coindreau” que celui-ci l’attendrait à l’arrivée du train de 21 heures à la gare d’Austerlitz (Paris 13e), mais il n’est pas au rendez-vous : elle rentrera seule chez eux, probablement chargée de provisions.

Un événement déterminant est survenu entre temps…

L’affaire Margueriteau – Herz – Sautet

Un peu plus tôt dans la journée, vers 19 h 30, au cours d’un rendez-vous, François Sautet [3], fossoyeur au cimetière de Thiais, dirigeant le petit groupe de l’O.S. [4] de Villejuif, transmet pour consigne à Georges Margueriteau [5], une de ses jeunes recrues, de se rendre à 21 h 30 à l’arrêt de la porte d’Ivry du bus de petite ceinture (PC) pour y retrouver deux militants clandestins que celui-ci connaît déjà de vue : un « gars de Bicêtre » et un autre qu’il dénomme le « petit ». Selon les dires ultérieurs de Margueriteau, Sautet ne lui précise pas quel sera l’objet de la mission, à laquelle lui-même ne participera pas.

À 21 h 30, au point de rendez-vous, Georges Margueriteau retrouve effectivement le gars de Bicêtre et le « petit », lequel est accompagné d’un gars venant de Choisy et un autre de Vitry. Le « petit », qui dirige le groupe, explique aux autres qu’il leur faut prendre une arme à un soldat allemand. Ils attendent quelque temps, puis, ne voyant pas de militaire appartenant aux troupes d’occupation, le chef de groupe leur donne comme consigne alternative d’attaquer un gardien de la paix pour lui dérober son revolver. À cet effet, il désigne un agent de police en faction devant une sortie de la station de métro porte d’Italie et répartit les rôles de chacun : le gars de Bicêtre et celui de Choisy doivent interpeller le policier en lui demandant la rue Caillaux, Margueriteau doit l’étourdir ou l’assommer d’un coup de matraque (remise par le gars de Bicêtre), enfin le gars de Vitry, armé d’un pistolet automatique, doit neutraliser l’agent si celui-ci n’est pas assommé, le « petit » restant sur le trottoir opposé de l’avenue d’Italie pour surveiller l’opération. Celle-ci commence comme prévu : à 22 h 50, le gardien de la paix Roch M., de la brigade de Maison-Blanche, étant de service à hauteur du 190 avenue d’Italie, est abordé par deux hommes qui lui demandent leur chemin… Mais le coup asséné ensuite derrière sa tête n’est pas assez fort et le gardien se retourne vers son agresseur, Margueriteau, qui prend la fuite aussitôt. Le gars de Vitry sort alors le pistolet de son blouson et tire deux coups de feu en direction du gardien de la paix, sans l’atteindre (il semble que l’arme se soit ensuite coincée…). Tous les protagonistes abandonnent le terrain. Le gars de Vitry s’enfuit aux côtés de Margueriteau par le boulevard Kellerman. Puis les deux fuyards s’engagent dans la villa Kellerman (voie urbaine aujourd’hui disparue), qu’ils ne savent pas être une impasse. Pris en chasse par deux gardiens cyclistes (“hirondelles”) de l’arrondissement, qui patrouillaient fortuitement par la porte d’Italie, ils escaladent alors une grille au fond du passage et se retrouvent coincés dans la cour d’un pavillon où ils sont rattrapés par leurs poursuivants. Avant d’être rejoints et sans être vus à la faveur de l’obscurité, l’un des fuyards dépose sur le sol sa matraque et l’autre son pistolet. Quand les policiers les fouillent puis leur demandent leurs papiers d’identité, ils obtempèrent sans difficulté. Cependant, au moment où les gardiens de la paix s’apprêtent à les conduire au poste de police, le gars de Vitry profite du moment où l’un d’eux se saisit de son vélo pour s’enfuir dans l’obscurité, laissant alors sa carte d’identité. Bien qu’ayant leurs armes à la main, ils n’en font pas usage, car des voisins ayant entendu du bruit sont sortis voir ce qu’il se passait. Pendant que l’un des gardiens de la paix conduit Margueriteau au poste de police, l’autre « fait une battue » puis retourne porte d’Italie où il apprend l’agression subie par leur collègue, qui n’est que légèrement meurtri à l’oreille gauche et continuera son service.

Un peu plus tard, les deux gardiens cyclistes remettent au commissaire de police du 13e arrondissement la carte d’identité n° 6241 établie à Narbonne au nom de « Coindreau Jean Laurent », régleur découpeur, né le 4 mai 1916 à La Nouvelle (Aude), mentionnant un domicile au 62 rue Droller à Narbonne et un autre au 79 rue Paul Lafargue à Ormesson (Seine-et-Oise). Dans leur rapport d’accompagnement, les agents cyclistes commentent : « cette carte d’identité parait avoir été falsifiée, mais la photographie est bien celle de cet individu », qu’ils ont pu dévisager au moment de son interpellation.

Un peu plus tard ans la nuit, un des deux cyclistes retourne dans la cour du pavillon du 11 villa Kellerman où il trouve, « dissimulé dans le coin à gauche », un pistolet calibre 7/65 mm de marque Ruby avec un chargeur contenant six balles et une dans le canon, ainsi qu’une matraque neuve. Deux douilles de balle percutées sont également retrouvées sur les lieux de l’agression ; un rapport balistique en confirmera la provenance, sans pouvoir établir aucun lien avec des affaires antérieures.

Alertés par télégramme, les services des Renseignements généraux se rendent sur place, le commissaire Hénoque [6], directeur de la brigade spéciale « anti-terroriste » (BS 2), étant chargé d’informer. Les policiers des RG se saisissent aussitôt de Georges Margueriteau et des éléments de preuve.

Ce même 5 mai, dans la nuit, après être rentrée seule depuis la gare d’Austerlitz, Renée Juhem voit Jean Coindreau arriver chez eux quelques instants plus tard, vers 23 h 30.

Son compagnon sait que son identité est connue de la police grâce à la carte qu’il a laissée entre les mains des gardiens cyclistes, même si son adresse présente n’y figure pas, et qu’il va être établi que c’est lui qui a tiré sur le policier en faction porte d’Italie. Il est probable qu’il dorme peu et réfléchisse beaucoup…

Le mercredi 6 mai, il se lève vers 7 h 30, plus tôt que d’habitude. Selon la déclaration ultérieure de sa compagne, il lui annonce alors qu’il part à Bourges pour le compte de son employeur. Il prépare une valise avec une peu de linge, mais sans vêtement de rechange, vêtu comme d’habitude d’un blouson en tissu vert à fermeture éclair. Il prend également un billet de cinq cents francs et sa carte d’alimentation, qu’il laissait toujours habituellement à sa compagne. Le même jour, à la gare d’Austerlitz, il poste une lettre – oblitérée à 15 heures – avisant son chef de service qu’il se rend d’urgence à Bourges pour visiter une cousine malade, prévoyant de rentrer la semaine suivante. Sachant qu’il ne peut guère espérer faire machine arrière, on peut penser qu’en annonçant cette destination il souhaite créer une fausse piste afin d’égarer les recherches policières. Peut-être même veut-il suggérer un passage possible en zone non occupée (hors d’atteinte)…

Le même jour, probablement très tôt, Georges Margueriteau est interrogé dans les locaux de la BS 2 antiterroriste à la préfecture de police, sur l’île de la Cité à Paris. L’interrogatoire a dû être impressionnant, sinon rude : le jeune homme de 21 ans, pris en flagrant délit et reconnu par le policier agressé (ils s’étaient déjà croisés avant cette action), ne peut nier sa participation ; il a violemment frappé un “collègue” de ceux qui l’interrogent, sur lequel son complice a ensuite tiré. Il reconnaît immédiatement les faits qui le concernent. Malheureusement, il en raconte très vite bien davantage, désignant aussi son chef de groupe, Sautet, ainsi que Glévarec qui accompagnait parfois celui-ci lors de certains rendez-vous. Il indique que l’objectif premier visé par leur action de la veille au soir était un soldat allemand, une circonstance aggravante aux yeux de l’occupant. Comme unique action précédente au sein de l’O.S., il rapporte aux policiers que trois semaines auparavant, à Chevilly-Larue, à la tombée de la nuit, en compagnie de Sautet et deux gars de Bicêtre, il a coupé avec des pinces les fils électriques posés par les troupes allemandes sur la route qui rejoint la grande route de Fontainebleau la RN7 (voie de L’Haÿ, aux Quatre Chemins ?)… autre circonstance aggravante. Enfin, Margueriteau indique aux policiers que le soir même ou le lendemain, entre 19 h 15 et 19 h30 à Villejuif, il doit rencontrer Sautet à la station La Fontaine du bus 85, puis un nommé « Pierre » – dont il donne l’ancienne adresse et une description physique – au terminus de la même ligne.

Le jour même, François Sautet, 33 ans, est arrêté et conduit à la BS 2. Au cours de son interrogatoire, il reconnaît la photo d’un nommé « Schmidt » (Charles) que les policiers lui présentent, complétant lui-même ce portrait par une description physique, et désignant cet homme comme un cadre assez important de la lutte armée qui lui envoyait de jeunes recrues, parmi lesquelles Georges Margueriteau, que lui-même désignait sous le prénom « Jean » et connu à Villejuif comme « Mickey ». Après le recrutement par lui-même de Herz [7] , qu’il dit ne connaitre que sous son patronyme, ils ont constitué à eux trois le “groupe de Villejuif”, pouvant être complété par le “groupe de Bicêtre” en cas d’action importante. Sautet évoque une mission que lui avait confiée Schmidt, qu’il rencontrait deux fois par semaine à la porte d’Italie, pour le repérage d’un garage réquisitionné par l’armée allemande à l’angle du boulevard Maxime Gorki et de l’avenue de Fontainebleau, ainsi que d’endroits par lesquels passent souvent des officiers allemands. Schmidt ayant été remplacé (arrêté le 22 avril après avoir tiré sur des militaires allemands dans un garage réquisitionné de la STCRP à Malakoff), son successeur a expliqué au groupe de Villejuif, dépourvu d’arme, la nécessité de s’en procurer. C’est ainsi que Sautet a transmis à Herz et Margueriteau le rendez-vous du 5 mai au soir, auquel il dit avoir déclaré à ce responsable qu’il ne se rendrait pas, refusant de participer à des attentats. Sautet évoque aussi d’un membre du groupe de Bicêtre, « un indigène nord-africain » (Mohammed ben Slimane), ayant participé à l‘action sectionnement des câbles téléphoniques allemands en étant armé d’un pistolet. Parmi d’autres photos qu’on lui présente, il croit reconnaître le nommé Gueusquin comme étant le l’individu qui lui avait fait rencontrer Schmidt et qu’il a précédemment décrit comme un homme aux cheveux blond-roux. Concernant Glévarec, Sautet répond qu’il s’agit d’une ancienne relation de jardin partagé à l’intérieur du cimetière de Thiais, dont il n’ignore pas qu’il participe à l’action clandestine du Parti communiste, mais sans savoir s’il a un rôle quelconque dans les groupes de combat.

Le 7 mai, c’est au tour de Pierre Herz, 30 ans, d’être conduit dans les locaux de la BS 2. Si la perquisition à son domicile n’a rien donné, les policiers ont trouvé sur lui quatre listes manuscrites de souscription en faveur de communistes, deux notes dactylographiées relatives à l’état des actions du PC clandestin et aux nouvelles adhésions recueillies, ainsi qu’un ticket d’entrée au Cirque d’Hiver portant une adresse au verso. Au cours de son interrogatoire puis de sa confrontation avec Sautet, il apparaît que Herz, qui a précédemment participé à un réseau de distribution de propagande du PC clandestin, n’avait été considéré comme intégré au groupe de l’O.S. de Villejuif que depuis quelques jours. Il admet avoir participé à des actions de sectionnement de câbles téléphoniques allemands avec Margueriteau, mais aucunement à l’action armée du 5 mai.

Le 8 mai, chargés d’effectuer une enquête en vue de retrouver Jean “Coindreau”, deux inspecteurs effectuent une vérification interne au service des garnis, qui leur indique que le fuyard a logé pendant un temps au 27 rue Verolot à Villejuif. Sur place, ils apprennent par son ancienne logeuse que Coindreau a quitté ce logement depuis le 8 mars précédent. Au passage, celle-ci leur indique qu’il vit maritalement avec Renée Juhem depuis le 30 novembre 1941. Si elle ignore sa nouvelle adresse, la logeuse connaît celle de son dernier employeur, la société suisse Técalémit, à Paray-Vieille-Poste.

Les deux policiers s’y rendent et rencontrent le directeur. Lequel leur indique que Jean Coindreau n’est pas réapparu à son travail depuis le matin du mardi 5 mai. Il leur fait part également de ses propres soupçons sur une activité de propagande clandestine de son employé, qu’il suppose aussi être l’instigateur d’une tentative de détérioration de machines-outils le 15 avril et du dépôt d’une bombe dans la « chambre des gaz », raisons pour lesquelles le commissaire de police d’Athis-Mons a arrêté trois hommes (Arnaudy, Pitou, et Dufourcq) et cherche Coindreau, soupçonné d’être le chef du groupe. Enfin, le directeur leur montre la lettre postée à son attention par Coindreau à la gare d’Austerlitz.

Discutant avec un inspecteur du commissariat de police d’Athis-Mons, alors présent dans l’entreprise, les policiers des RG apprennent que le 16 avril précédent, dans le cadre de l’enquête sur la tentative de sabotage, le commissaire de circonscription a convoqué Coindreau pour une audition dont il a été dressé procès-verbal (recherches à mener dans les AD 78). S’étant rendus au commissariat pour prendre connaissance du document, ils y trouvent l’adresse que leur suspect avait indiquée, au 68 rue du Génie, à Vitry-sur-Seine.

Les deux inspecteurs s’y rendent dans la journée, mais n’y trouvent personne. Ils y retournent vers 22 heures et sont reçus par Renée Juhem, qui y est seule. Fouillée, elle n’est trouvée porteuse d’aucun objet suspect et, au cours de la perquisition effectuée en sa présence, les policiers ne découvrent pas davantage d’objet suspect ou de tract subversif. À toutes fins utiles, ils se saisissent de photographies et de différents papiers trouvés dans une boîte en carton. Ils appréhendent Renée Juhem et la conduisent dans les locaux de la BS 2, laissant à son domicile une « surveillance », que les clandestins nomment “souricière” (les clés du logement ne seront rendues à la propriétaire que le 26 juillet suivant).

Lors de son interrogatoire, Renée Juhem prête à son compagnon une vie très rangée : jusqu’au 5 mai, il ne sortait jamais le soir, quittant son travail à 17 h 30 et rentrant à la maison vers 18 heures (prenant son déjeuner à la cantine d’entreprise) ; les jours de repos, il restait le plus souvent à la maison ou, s’il sortait, c’est en sa compagnie ; seuls quelques compagnons de travail venaient de temps à autre chez lui pour y « chercher du tabac ». Il ne lui a jamais montré de documents ayant trait à la propagande communiste et elle ne l’a jamais vu avec une arme. Renée Juhem peut-être crédible que si les policiers supposent que l’essentiel de l’activité clandestine de son compagnon se situait dans son entreprise. D’après une attestation ultérieure de celui-ci, il semble qu’elle le couvre en toute connaissance de cause. Dès lors, elle tente peut-être aussi de se protéger elle-même. Les policiers français ne semblent pas vouloir prolonger les interrogatoires la concernant (le dossier des RG établi à son nom ne contient que deux documents, qui sont des copies de la procédure d’enquête, et aucune véritable notice biographique).

Le lendemain, 9 mai, Renée Juhem est photographiée par le service de l’identité judiciaire.

Ce même jour, probablement, le commissaire de police chef de la BS 2, Hénoque, ayant bouclé son enquête sur cette affaire, transmet une copie de son rapport au Sonderkommando fuer Kapitalverbrechen G.P.F. (hôtel Bradford), probablement parce que plusieurs actions ou projets visaient l’armée d’occupation.

Pendant un temps, Renée Juhem est écrouée au dépôt de la préfecture de police (la Conciergerie, sous le Palais de Justice). Entre le 20 et le 31 août, quand s’y trouve Lise Ricol (future épouse London), elles sont enfermées ensemble le jour dans la cellule n° 14, par laquelle passent également Alice Boulet, Yvonne Carré, Simone Eiffes, Rolande Douillot, Charlotte Vandaele, Henriette L’Huillier, Madeleine Galesloot, Marie-Élisa Nordman-Cohen, Yvonne Picard, Raymonde Royale, sa mère et sa tante. La nuit, toutes les cellules sont évacuées et les détenues sont gardées par des religieuses dans une des grandes salles gothiques de la Conciergerie.
Le 16 juin 1942, ayant été avisée qu’un nommé « Coindreau-Lavoye Jean » a été condamné à mort par un tribunal militaire allemand, la Délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés (ministère de Brinon) téléphone au commissaire d’Ivry-sur-Seine afin d’obtenir tous renseignements « en vue d’obtenir, le cas échéant, une mesure de grâce ». Le lendemain 17 juin, le commissaire en informe à son tour le cabinet du préfet de police par courrier. Datée du 25 juin, une note manuscrite non signée précise : « M. Soubeyran n’a pu préciser la source de cette information venue par un coup de téléphone de Vichy. Les autorités d’occupation ont fait connaître qu’il n’avait pas été possible de savoir quel était le tribunal allemand qui aurait prononcé le jugement ».

Ayant inculpé Jean “Coindreau” pour « tentative de destruction dans son entreprise », le juge d’instruction de Corbeil a lancé un mandat d’arrêt relayé dans le bulletin de « recherche de communistes » n° 40 diffusé par la police le 2 juillet 1942.

Le destin de Renée Suzanne Juhem

Par la suite et selon Ch. Delbo, Renée Juhem serait envoyée au camp de Miguères (?), près d’Orléans (Loiret). Ramenée ensuite au dépôt, à Paris, elle se trouve alors mêlée au groupe d’Antoinette Besseyre, Yvonne Carré et Louisette Losserand.

Le 27 octobre, Renée Juhem fait partie du petit groupe de neuf femmes remises aux « autorités d’occupation » à leur demande et transférées au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122, gardé par la Wehrmacht. Renée Juhem y est enregistrée sous le matricule n° 1101.

L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122), surplombée par un mirador. © Musée de la résistance nationale (MRN), Champigny-sur-Marne (94).

L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122),
surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).

Dans cette période, il semble qu’elle écrive à son parrain et oncle Henri César Juhem, frère de son père, sur des cartes postales fournies par l’administration du camp.

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »). Le lendemain, Renée Juhem fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites en camion à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation. © Cliché M.V.

Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL [8] Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.

Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-II) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000” (accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…). © Gilbert Lazaroo, février 2005.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Renée Juhem y est enregistrée sous le matricule 31759. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie de la police allemande : vues de trois-quart avec un couvre-chef (foulard), de face et de profil (la photo d’immatriculation de Renée Juhem a été retrouvée).

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Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive).

Les châlits du Block n° 26. La partie inférieure, au ras du sol, est aussi une “couchette” où doivent s’entasser huit détenues. Les plus jeunes montent à l’étage supérieur, où il est possible de s’assoir. Photo Mémoire Vive.

Les châlits du Block n° 26. La partie inférieure, au ras du sol,
est aussi une “couchette” où doivent s’entasser huit détenues.
Les plus jeunes montent à l’étage supérieur, où il est possible
de s’assoir. Photo Mémoire Vive.

Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Atteinte par la dysenterie, Renée Juhem est admise au Revier [9].

C’est là qu’elle meurt entre le 11 et le 15 mars 1943, selon le témoignage des rescapées (l’acte de décès établi par l’administration SS du camp n’a pas été retrouvé, probablement détruit en janvier 1945).

Le 6 novembre 1944, Julienne Juhem, sa belle-mère, qui habite toujours à La Chapelle-Vicomtesse (Loir-et-Cher), écrit au ministère des Prisonniers, déportés et réfugiés pour essayer d’obtenir de ses nouvelles ; elle sait seulement que le transport de « sa fille » est passé par Bar-le-Duc (un message jeté du train ?).

Peu après le retour des déportées, Julienne Juhem est avisée de la mort de sa belle-fille. Dès juillet 1945, Il semble qu’elle envoie des documents à une administration pouvant établir un acte de décès. Dans un courrier daté du 22 novembre, elle indique qu’elle a obtenu cette information « par des camarades », au 10, rue Leroux (Paris 16e), siège de l’Amicale d’Auschwitz, installée dans les locaux de la FNDIRP.

Le 26 février 1946, Christiane Charua et Madeleine Dechavassine, rescapées du convoi, remplissent chacune un formulaire à en-tête de l’Amicale d’Auschwitz (FNDIRP), par lequel elles certifient que Renée Juhem est décédée au camp d’Auschwitz en mars 1943, sans indiquer de date plus précise.

Le 10 juillet suivant, Julienne Juhem remplit un formulaire de demande de régularisation de l’état civil d’un “non-rentré”.

Le 25 septembre, l’officier d’état civil du ministère des Anciens Combattants et Victimes de guerre (MACVG) dresse un acte officiel de décès au nom de Renée Juhem « sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus », fixant la date de décès au 15 février 1942.

Le 20 novembre 1946, Jean Lavoye, né le 4 mai 1919 à Port-La-Nouvelle (Aude), demeurant alors au 34, avenue de l’Hippodrome à Mauléon-Soule (Basses-Pyrénées), qui déclare avoir été son « compagnon de vie et de combat » à partir de décembre 1940, signe une attestation certifiant que cette « courageuse femme » « fut maltraitée afin de dénoncer son compagnon » et que « Suzanne est restée muette […] malgré tous les maux qui l’ont accablée ». Pour toute demande de renseignement sur sa propre activité, il renvoie au comité de Libération de Narbonne ou au commandant des FFI de l’Aude.

Après sa cavale, la direction du Parti communiste a affecté Jean Lavoye en mission clandestine dans la région Nord-Pas-de-Calais, puis dans un maquis près de Clermont-Ferrand, où il est chargé de la guérilla urbaine. Le 9 février 1944 au soir, en gare de Clermont, il participe à l’attaque de deux wagons de la Banque de France devant acheminer vers la région parisienne des billets imprimés à Chamalières : 43 sacs sont emportés, représentant plus d’un milliard de francs. Très recherché par la police et par la Gestapo, Jean Lavoye est arrêté en avril suivant dans la gare d’Arras (Pas-de-Calais). Il est possible que des billets résultant de ce hold-up aient été retrouvés sur lui. Écroué au quartier allemand de la prison et condamné à mort à plusieurs reprises, il est libéré le 1er septembre 1944, en même temps que la ville. Le PCF l’envoie ensuite en mission auprès du comité de Libération de l’Aude et il est affecté au bataillon régional basé à Narbonne (après la libération de cette ville, qui eut lieu le 19 août précédent). Son trajet à préciser…

Le 25 novembre 1946, Julienne Juhem remplit un formulaire de demande d’inscription de la mention « Mort pour la France » sur l’acte de décès d’un déporté politique.

Le 9 décembre 1947, le chef de bureau des fichiers et de l’état civil déportés du MACVG écrit au commandant de la 5e région militaire, bureau FFI, à Toulouse (Haute-Garonne) pour le prier de confirmer l’appartenance de Renée Juhem aux FFI. Comme il fallait s’y attendre, la réponse, envoyée une semaine plus tard, indique que Renée Juhem n’a pas été homologuée FFI dans cette région. Le 22 janvier, le chef de bureau du MACVG écrit à Madame Juhem pour lui demander, dans le cas où sa fille « aurait acquis la nationalité française », une copie du décret de naturalisation ou un certificat de nationalité délivré par le juge de paix.

Julienne Juhem décède le 27 février 1949 à La Chapelle-Vicomtesse.

En août 2003, Jean Lavoye décède à Cuxac-d’Aude.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 153-154.
- Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
- Lise London, La Mégère de la rue Daguerre, L’écheveau du temps, Souvenirs de résistance, Seuil, avril 1995, pp. 180-188.
- Catherine Moorehead, Un train en hiver, le train des femmes pour Auschwitz, éditions du Cherche-Midi, Paris 2014, traduit de l’anglais par Cindy Kapen (titre original, A train in winter, paru chez HarperCollins, 2011), page 389.
- Archives de Paris, site internet, archives en ligne : état civil du 12e arrondissement, registre des décès, année 1941 (12D 404), acte n° 4102 (vue 12/20).
- Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : dossiers de la BS2, “Affaire Margueriteau – Herz – Sautet” (GB 100) ; dossiers individuels des Renseignements généraux de Juhem Renée Suzanne (77 W 387-164887) et de Coindreau Jean (77 W 298-152111).
- Pôle des archives des victimes des conflits contemporains (PAVCC), ministère de la Défense, Caen ; dossier de Juhem Renée Suzanne (21 P 466.502), recherches de Ginette Petiot (message 04-2017).
- Ginette Petiot, recherches conduites auprès de plusieurs services d’archives, avec un remerciement particulier à Madame Valérie Caro, Chef du service des archives contemporaines à la Direction des archives départementales du Loir-et-Cher (messages 04-2017).
- Marie-Louise Juhem, sa cousine, fille de Henri César Juhem : questionnements et souvenirs familiaux transmis avec accord de sa patiente par Magali Muller, psychologue à la Maison Saint-Joseph de Jasseron (Ain), messages de septembre 2018.

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 28-09-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

 

[1] Vitry-sur-Seine : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Técalémit : usine installée dans les anciens bâtiments industriels de l’usine Pillot repris en 1937). Source : Paray-Vieille-Poste, histoire et mémoire, Maury imprimeur, 3e trim. 1998 (sous le mandat de maire de Gastom Jankiewicz, activités industrielles et commerciales, p. 85-86, 151 (médiathèque d’Athis-Mons) https://issuu.com/dandylan/docs/paray_ocr

[3] Sautet François Louis, entre à l’O.S. en décembre 1941, chef du groupe de Villejuif qui comprenait André Guillaume et Hervé Glévarec. Avec Mohammed Sliman, il réalise un attentat contre le café Moreau, fréquenté par les Brigades spéciales des R.G. Fusillé comme otage le 11 août 1942 au fort du Mont-Valérien (Jean-Pierre Besse, Claude Pennetier, in Les fusillés, 1940-1944, page 1643).

[4] O.S. : organisation spéciale du Parti communiste clandestin créée à partir de septembre 1940, à l’origine pour protéger les militant(e)s prenant la parole en public, les distributeurs de tracts et les colleurs d’affiches, elle est devenue le premier cadre de la résistance armée.

[5] Margueriteau Georges Alphonse, recruté par André Bru (fusillé le 11 août 1942), ancien conseiller municipal de Villejuif, il fait partie du groupe de Villejuif, parmi lesquels André Guillaume et Hervé Glévarec, qui coupe des fils téléphoniques utilisés par l’armée allemande. Inculpé de violence à agent et de complicité de tentative de meurtre, il est livré aux autorités allemandes et incarcéré à la Maison d’arrêt de Fresnes. Le 10 août, en représailles d’attentats, l’occupant décide de fusiller 88 otages au fort du Mont-Valérien. Georges Margueriteau est fusillé le lendemain à 9h55 (Daniel Grason, notices in Les fusillés, 1940-1944, dictionnaire biographique des fusillés et exécutés par condamnation et comme otages et guillotinés en France pendant l’Occupation, ouvrage collectif publié sous la direction de Claude Pennetier, Jean-Pierre Besse, Thomas Pouty et Delphine Leneveu aux Éditions de L’Atelier/Éditions ouvrières, Ivry-sur-Seine, 2015, page 1219 ; l’auteur n’a apparemment pas consulté les dossiers de la préfecture de police).

[6] Hénoque René – dit Jean : né en 1909 dans l’Oise, sa mère est la sœur de Lucien Rottée, futur directeur des RG. En 1932, il entre dans la police comme inspecteur provisoire au commissariat spécial de la gare de Lyon. Le 26 juillet 1941, il est nommé commissaire de police « à titre temporaire » par un arrêté de Pierre Pucheu, ministre de l’Intérieur de juillet 1941 à avril 1942, et affecté aux Compagnies de circulation. Le 2 janvier 1942, il est détaché à la direction des Renseignements généraux (DRG), dirigés par son oncle, et nommé chef de la BS2 “antiterroriste” créée ce même jour.

[7] Herz Pierre Albert, marié, père d’un garçon, reprend contact avec le Parti communiste clandestin en juillet 1941, il prend part à des sabotages dans l’usine dans laquelle il est employé, il participe au sectionnement de fils téléphoniques d’une installation de l’armée d’occupation à Chevilly-Larue, parmi de multiples actions contre les troupes d’occupation, il fait sauter un autobus d’officiers allemands. Dénoncé, il est arrêté sur son lieu de travail par la police allemande. Inscrit sur une liste d’otages le 7 août et fusillé le 11 août au fort du Mont-Valérien (Jean-Pierre Besse, Claude Pennetier, page 910 ; les auteurs n’ont apparemment pas consulté les dossiers de la préfecture de police). Alphonse, recruté par André Bru (fusillé le 11 août 1942), ancien conseiller municipal de Villejuif, il fait partie du groupe de Villejuif, parmi lesquels André Guillaume et Hervé Glévarec, qui coupe des fils téléphoniques utilisés par l’armée allemande. Inculpé de violence à agent et de complicité de tentative de meurtre, il est livré aux autorités allemandes et incarcéré à la Maison d’arrêt de Fresnes. Le 10 août, en représailles d’attentats, l’occupant décide de fusiller 88 otages au fort du Mont-Valérien. Georges Margueriteau est fusillé le lendemain à 9h55 (Daniel Grason, notices in Les fusillés, 1940-1944, dictionnaire biographique des fusillés et exécutés par condamnation et comme otages et guillotinés en France pendant l’Occupation, ouvrage collectif publié sous la direction de Claude Pennetier, Jean-Pierre Besse, Thomas Pouty et Delphine Leneveu aux Éditions de L’Atelier/Éditions ouvrières, Ivry-sur-Seine, 2015, page 1219 ; l’auteur n’a apparemment pas consulté les dossiers de la préfecture de police).

[8] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilise l’abréviation “KZ”.

[9] Revier , selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemand Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus, ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.