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- Photo anthropométrique prise le 17 mars 1942
par le service de l’identité judiciaire.
© Archives de la Préfecture de Police (APP), Paris.
Marthe Louise Brioullet naît le 29 mars 1912 à Angoulême (Charente – 16), fille de Raoul Émile Brioullet, 28 ans, boulanger, et de Suzanne Roux, 28 ans, son épouse. À sa naissance, Marthe a une sœur aînée, Henriette, née le 18 janvier 1911 à Nessac (16).
Suite au décret de mobilisation générale d’août 1914, leur père est rappelé à l’activité militaire au 34e régiment d’artillerie de campagne. Le 31 août 1915, une chute de cheval en service commandé lui occasionne une luxation de la hanche gauche. Le 18 janvier 1917, il est réformé définitivement pour « limitation mouvements de la hanche gauche suite de luxation ancienne ». En juin 1932, la même commission précisera « réformé définitif n° 1, pension permanente augmentée à 60 % (…) gêne fonctionnelle, marche avec claudication très accentuée. » En octobre 1927, il recevra la Croix du combattant.
Leur mère décède le 28 novembre 1917 à Angoulême, âgée de seulement 33 ans, « de privations et de trop de travail ».
Le 2 juillet 1921 à Angoulême, Raoul Brioullet se remarie avec Suzanne Roux, 31 ans. Le 15 juillet 1923, celle-ci donne naissance à Paulette, demi-sœur de Marthe et Henriette.
Marthe va à l’école jusqu’à treize ans, puis travaille à la papeterie Lacroix, à Angoulême [1].
Vers 1934, le père Brioullet est interné à l’asile d’aliénés du département, près du village de Breuty, sur la commune de La Couronne (banlieue d’Angoulême).
Le 3 avril 1934, Marthe épouse Gaétan Meynard, né le 20 novembre 1907 à Angoulême, également ouvrier chez Lacroix. Avant-guerre, ils habitent au 40, rue Fontchaudière à Angoulême, un lotissement de petites maisons dans le faubourg Saint-Cybard, sur la rive droite de la Charente. Ils hébergent Paulette, enfant mineure (9 ans), qui travaillera aussi à la papeterie Lacroix après avoir quitté l’école. Le couple Meynard a un enfant (à préciser…).
Avant guerre, Gaétan Meynard est un militant communiste. Selon une déclaration ultérieure de Paulette à la police française, c’est lui qui inscrit celle-ci à l’Union des Jeunes filles de France. Elle deviendra également adhérente des Jeunesses communiste, mais « sans avoir aucune attribution particulière ».
Après un coup de filet de la brigade spéciale des renseignements généraux au cours duquel de nombreux documents sont retrouvés dans une cache au 5, avenue Debidour à Paris 19e, le nom et l’adresse de Gaétan Meynard sont connus de la police française.
Le 9 décembre 1941, quand les policiers de la 7e brigade régionale de Bordeaux se présentent au domicile du couple, ils y trouvent également Antoine Émorine, dit “Tonin”, cadre du Parti en charge de la diffusion de la propagande clandestine et qui va régulièrement à Paris rendre compte à Félix Cadras des activités de son secteur. Gaétan et Marthe, qu’il dit connaître depuis juin et chez qui il logeait en pensant qu’il s’agissait d’un abri sûr, sont arrêtés avec lui.
Octave Rabaté, alors responsable politique de la région des Charentes et de Loire-Inférieure du Parti communiste clandestin [2], arrive chez les époux Meynard une demi-heure après leur arrestation, mais quelqu’un, posté à proximité, le prévient à temps.
Au bout de trois jours, Marthe Meynard est relâchée : son nom n’était pas mentionné sur le document trouvé par la brigade spéciale et, lors de son interrogatoire, elle a nié formellement avoir jamais adhéré au Parti communiste, ni fait aucune propagande. Rentrée chez elle, elle coupe tout contact.
Le 3 janvier 1942, le Tribunal spécial de Bordeaux condamne Gaétan Meynard à sept ans de travaux forcés et dix ans d’interdiction de séjour pour infraction au décret du 26 septembre 1939. Il est détenu au Fort du Hâ à Bordeaux.
Le 2 mars 1942, un inconnu se présente qui a d’abord été voir les Sabourault, à Villiers-le-Roux, et qui cherche, dit-il, à retrouver la liaison, rompue depuis les arrestations du 12 décembre. Les Sabourault l’ont envoyé à un certain M…, lequel, circonspect, a dit à l’inconnu : « Je ne suis pas au courant », mais qui a donné un rendez-vous à Paulette Brillouet, sœur de Marthe. L’inconnu était un policier.
Marthe et sa sœur Paulette sont arrêtées par les brigades spéciales de Bordeaux et de Poitiers.
Les deux sœurs sont transférées aussitôt à Paris, aux Renseignements Généraux. Le 10 mars, elles sont conduites au dépôt de la préfecture de police. Le 23 mars, elles sont écrouées à la Maison d’arrêt de la Santé, au secret. Le 24 août, elles sont transférées au fort de Romainville, sur la commune des Lilas.
Paulette ne sera pas déportée à Auschwitz le 24 janvier 1943. Malade, elle est envoyée à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce. Ce n’est que partie remise : elle est déportée au KL Ravensbrück en avril suivant.
Auschwitz
- Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943,
selon les trois vues anthropométriques de la police allemande.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Marthe Meynard survit à Birkenau. Après la quarantaine, elle intègre le kommando de couture.
Avec les survivantes, elle est transférée au KL Ravensbrück où elle retrouve sa sœur Paulette.
Le 2 mars 1945, elle fait partie du convoi pour le KL Mauthausen.
La déportation de son mari Gaétan
Jugé par un tribunal français, Gaétan Meynard a été condamné à sept ans d’emprisonnement. Remis aux Allemands, il est déporté le 21 mars 1944 au KL Mauthausen (matr. 60296). Affecté au Kommando de Gusen II), il y meurt le 16 avril 1945. Marthe, qui est à Mauthausen à cette époque, ne sait pas que son mari est tout proche.
Le retour
Marthe rentre à Angoulême en mai 1945.
La déportation de sa sœur Paulette
À Ravensbrück, Paulette Brioullet a été très malade. Libérée par la Croix-Rouge, elle est transportée en Suède où elle succombe le 19 juin 1945.
À une date restant à préciser, une plaque a été apposée sur la façade du n° 40 de la rue Fontchaudière : « À la mémoire de Paulette Brioullet et de Gaétan Meynard, morts en déportation. Passant, souviens-toi. »
Marthe Meynard décède le 28 mai 1977.
Notes :
[1] La papeterie Lacroix : spécialisée dans la fabrication de papier à cigarettes, il s’agit soit de l’usine fondée à Angoulême en 1863 par Léonide Lacroix, soit de celle fondée en 1880 par Lucien Lacroix à La Couronne, faubourg d’Angoulême. L’installation des moulins à papier de l’Angoumois remontaient à la Renaissance.
[2] Octave Rabaté, né le 13 mai 1899, militant du Parti communste dès 1920, est arrêté par la police française le 28 mars 1942 à Saintes (Charente-Inférieure), au domicile d’Émile Lemasson, sous le nom de Jean-Louis Deschamps. Transféré à Paris, il est incarcéré à la prison du Cherche-Midi, puis au fort de Romainville. Torturé, condamné à mort, il échappe à l’exécution et est déporté en avril 1943 au KL Mauthausen. Nommé à la tête du triangle de direction de la résistance communiste française à l’intérieur du camp, avec Maurice Lampe et Frédéric Ricol, est coopté à la direction de l’organisation de résistance internationale du camp. Rapatrié à fin avril 1945, il décède en juillet 1964, après une longue maladie.
Sources :
Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier Les Éditions de Minuit pages 199-200
Jean-Marc Berlière, Franck Liaigre, Le sang des communistes, Les Bataillons de la jeunesse dans la lutte armée, Automne 1941, collection Nouvelles études contemporaines, Fayard, février 2004, pages 205-206, note p. 358.
Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004 ; concernant Gaston Meynard, I.191. tome 2, page 302.MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 15-10-2024)
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