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Denise, Valérie, Cacaly naît le 5 février 1919, à Peyrat-le-Château (Haute-Vienne – 87), fille de Pierre Henry Cacaly, 35 ans, menuisier (lui-même fils d’un maçon), et de Léonie, Marguerite, Lévêque, 33 ans, couturière, son épouse, tous deux natifs de la commune, où ils se sont mariés en avril 1909.
En 1911, la famille élargie habite dans le bourg, au 45 avenue Carnot, où se trouve peut-être l’atelier de menuiserie. À cette adresse, en plus de Pierre, Léonie et leur premier fils, on trouve – outre un ouvrier menuisier – la mère et “chef de famille”, Marguerite Cacaly, née Manaud en 1862, épicière “patron“, son autre fils Léon, Jean, né en 1885, charron chez Diatte, son troisième fils, Auguste, né en 1887, patron menuisier, et enfin un quatrième fils, François, né en 1889, tailleur d’habits ; une famille d’artisans.
Réformé au moment de son service militaire, Pierre Henry, le père de Denise, n’est mobilisé sur le front de la Première guerre mondiale que de mai à août 1917 dans la 12e section d’infirmiers, bénéficiant avant et après de nombreux sursis (pour raison de santé ?). Par contre, son frère Auguste, oncle de Denise, est blessé deux fois, en juin 1916 et juillet 1917.
Denise Cacaly elle-même a six frères – Pierre, Louis, né le 7 février 1910, Aimé, Henri, né le 15 février 1912, Gérémy, né le 13 août 1917, René, né le 14 janvier 1920, Albert, né le 8 décembre 1921, et Noël, né le 16 décembre 1923 (sa mère a alors 37 ans), mais décédé dix mois plus tard – et une sœur – Marie, Louise, née le 13 décembre 1913 et décédée à l’âge de 18 ans.
Denise grandit à Peyrat-le-Château où elle va à l’école jusqu’au certificat d’études primaires.
Certains membres de la famille sont adhérents ou sympathisants communistes.
Le 10 février 1934 à Peyrat, son frère Pierre, Louis, devenu menuisier comme son père, épouse Emma Liraud. Ils s’installeront à Sauviat-sur-Vige (87).
Le 2 juin 1938, à Paris 12e, âgée de dix-neuf ans, Denise Cacaly se marie avec André, Louis, Moret, comptable. Elle même est employée dans un établissement de bains-douches. Ils habitent rue Gustave-Rouanet, à Paris 18e. En 1939, quand naît leur fille Yvette, Denise arrête de travailler.
Pendant la drôle de guerre, son mari est mobilisé. Fait prisonnier de guerre au cours de la Débâcle, il est conduit dans un Stalag en Allemagne.
Au cours de l’année 1942, son jeune frère Albert Cacaly déserte les Chantiers de jeunesse à Tronçais (Allier) et revient à Peyrat.
À l’automne 1942, convoquée à la Gestapo, rue des Saussaies, pour un motif inconnu, Denise Moret s’y rend… et personne n’a plus de ses nouvelles. Le 3 décembre 1942, elle est conduite au camp allemand du fort de Romainville, sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122, où elle est enregistrée sous le matricule n° 1305.
Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »).
Le lendemain, Denise Moret fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur “C” du camp.
Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).
En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.
Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.
Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rang de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois quarts, de face et de profil (la photo d’immatriculation de Denise Moret a été retrouvée, puis identifiée).
Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.
Peu après, Denise Moret disparaît aux yeux de ses camarades ; aucune rescapée n’a pu témoigner de son sort. Elle meurt le 24 mai 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du complexe concentrationnaire.
En septembre 1943, son frère Pierre Louis Cacaly s’engage dans la Résistance. Il devient l’un des chefs du groupe FTPF du secteur de Sauviat-sur-Vige, exerçant en particulier la fonction d’agent de liaison, peut-être sous le pseudonyme “André”. Le 25 mai 1944, il est arrêté par la Milice, avec Marie Louise “Lily” Majour, 20 ans, prise pour avoir affiché les arrêtés du « préfet du maquis », Georges Guingoin. Ils sont conduits à la caserne du Petit Séminaire à Limoges, où opère Jean Filliol, chef du service de renseignements de l’organisation paramilitaire (un des fondateurs de la Cagoule), pour y être interrogés. Dans la chambre 19, Pierre Louis Cacaly est torturé à de nombreuses reprises, sans rien livrer. La gravité des blessures que lui ont infligées les miliciens amènent ceux-ci à le conduire à l’hôpital de Limoges, où il succombe le 1er juin 1944 d’une hémorragie interne, le foie éclaté (de manière erronée, Charlotte Delbo mentionne deux frères Cacaly tués à Limoges…). Sur le monument aux morts de sa commune de naissance, le nom de Pierre Louis Cacaly n’est pas inscrit sur la plaque dédiée aux « victimes de la guerre 1939-45 résidant à Peyrat-le-Château », mais il l’est sur le Mémorial 1939-1945 de Limoges, parmi 1541 « Morts pour la Libération », dans le Jardin d’Orsay, place des Carmes. Et, depuis 1979, une rue de Sauviat-sur-Vige porte son nom.
Le 3 février 1944, son frère Albert, alors déclaré comme agriculteur, a été arrêté à son domicile de Peyrat-le-Château, où les miliciens trouvent des tracts et un pistolet. Pendant plusieurs mois, il est détenu à la centrale d’Eysses à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), matricule n° 835 ; y a-t-il été transféré avant ou après la tentative d’évasion collective du 19 février et sa répression ? Le 30 mai, plus de 1200 résistants sont conduits par une escorte SS à la gare de Penne-d’Agenais et embarqués vers Compiègne. Le 18 juin, Albert Cacaly est déporté dans le transport de 2139 hommes parti de Compiègne et arrivé deux jours plus tard au KL Dachau, où il reçoit le matricule 73190. Il est libéré au Kommando d’Allach le 30 avril 1945 – 72 % détenus de ce convoi sont rentrés de déportation (Charlotte Delbo, qui le prénomme Robert, a indiqué qu’il n’en était pas revenu…) – et rapatrié le 26 mai.
Sources :
Charlotte Delbo Le convoi du 24 janvier, pages 206-207.
Archives municipales de Peyrat-le-Château, registres d’état civil consultés sur place.
Jean-Pierre Besse, Michel Thébault, Dominique Tantin, notice de Pierre Louis Cacaly pour le Maitron en ligne.
Concernant, Albert Cacaly : Thomas Fontaine, Manuel Maris, Livre-mémorial de la déportation de répression, édité par la Fondation pour la mémoire de la Déportation, convoi I.229, tome 3, pages 895, 896 et 911.
Témoignage de Serge Cacaly, fils d‘Albert, dans La Montagne du 22 avril 2018, relatant sa découverte du site de Dachau.