Marie-Louise MORIN, née Cribier et sa fille, Madeleine MORIN
- Marie-Louise MORIN – 31710
Une mère et sa fille
Marie-Louise Morin est née le 18 août 1888 en Mayenne où elle se marie à Henri Morin, un menuisier de son état.
Madeleine Morin est née le 9 juillet 1922 à Paris.
Marie-Louise Morin, veuve depuis 1933, a acheté un fonds à Madeleine lorsqu’elle a fini son apprentissage de coiffure. Elles habitent ensemble rue de Charenton et tiennent le salon de coiffure.
Madeleine est la fiancée à un certain « Pierrot ».
Une filière d’évasion pour les juifs
En juillet 1942, les rafles de juifs dans le quartier du Père-Lachaise bouleversent et indignent. Des camions arrivent, des feldgendarmes en descendent ; ils cernent les rues, les pâtés de maisons et, par centaines, poussent sur les camions les hommes, les femmes, les enfants. Les enfants crient.
Ceux qui assistent à ces scènes-là se disent qu’on ne peut pas laisser faire. Un groupe de jeunes gens met sur pied une chaîne d’évasion pour les Juifs. Cette organisation, spontanée en quelque sorte, n’est reliée à aucun réseau reconnu.
L’animateur du groupe est « Pierrot », le fiancé de Madeleine, il est camionneur et, à chaque voyage, il emporte, cachés des juifs : hommes, femmes ou enfants. Le groupe se débrouille pour procurer des cartes d’identité (on connaît quelqu’un au commissariat) à ceux qui veulent partir. Autre voie, le train jusqu’à un point de la ligne de démarcation où un passeur les attend. Et voilà la chaîne en place.
Le salon de coiffure de Madeleine et de sa mère est la plaque tournante de la filière, c’est là que les juifs viennent chercher carte d’identité et billet de chemin de fer, les allées et venues semblent passer inaperçues.
L’arrestation des deux femmes
Le 6 septembre 1942, rafle à la gare de Lyon. La felgendarmerie arrête tout un groupe de voyageurs dont les cartes n’ont pas leur double au fichier de la préfecture. la Gestapo arrive rue des Amandiers, au salon de coiffure de Madeleine Morin.
De la rue des Saussaies, Madeleine et sa mère sortent tard dans la soirée, Madeleine est bleue des coups qu’elle a reçus. « Pierrot », le fiancé de Madeleine qui est venu les chercher, leur propose de les emmener dans la Mayenne, le pays natal de Madame Morin.
Les deux femmes protestent et n’en font rien, elles reprennent leur vie normalement.
La Gestapo vient les arrêter à leur salon de coiffure deux semaines plus tard, le 24 septembre 1942.
Elles ont passé quelques jours à la Santé et sont arrivées à Romainville au début d’octobre 1942.
Auschwitz N° 31710.
Marie-Louise Morin est morte à fin février 1943. Aucun témoignage. Fernande Laurent l’avait aidée à marcher jusqu’à son entrée au Revier [selon le Livre des Morts d’Auschwitz, elle est décédée le 20 mars].
En avril 1943, un inconnu est allé rue de Charenton, là où habitaient madame Morin et sa fille. Il a dit à la concierge : « Prévenez la famille que madame Morin est morte en mars dans un camp de concentration ».
Auschwitz N° 31…
Madeleine Morin est morte du typhus à fin avril 1943. Elle n’avait pas vingt-et-un ans. C’est Fernande Laurent qui, au retour, l’a annoncé à sa sœur.
Source :
« Le convoi du 24 janvier » de Charlotte Delbo, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 207.