- Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.
Léonie Daubigny naît le 5 avril 1891 à Châtellerault (Vienne – 86).
À une date restant à préciser, elle épouse Jean, Victor, Bernard, Sabail, né le 20 août 1895 à Bordeaux (Gironde – 33).
Ils ont une fille déjà mariée en 1942 et un garçon alors âgé de quinze ans.
Les époux Sabail sont employés aux chemins de fer : elle, chef de bureau, lui, dessinateur ou chef de groupe.
Ils habitent au 9 rue Duffour-Dubergier, à Bordeaux, ou à Bègles, dans la banlieue sud, comme les Richon.
Pendant la “drôle de guerre”, alors que le Parti communiste est interdit, le couple Sabail héberge quelquefois Charles Tillon, ancien député communiste d’Aubervilliers entré dans la clandestinité dès le 25 août 1939 et envoyé en octobre à Bordeaux pour prendre en charge les dix départements du Sud-Ouest.
Le 15 juin, alors que le Parlement s’est replié sur Bordeaux, une délégation composée de Covelet, Sabail, Sautel et Germaine Tillon va porter une lettre rédigée par Charles Tillon au Président de la Chambre, Édouard Herriot, pour lui demandant de refuser la capitulation et de lancer un appel à la population. Menacés d’être arrêtés, les membres de la délégation échappent à la police.
En juin 1940, la maison les Sabail est bombardée et Léonie en reste très nerveuse, sursautant au moindre bruit. Le 24 juin, l’armée allemande entre dans Bordeaux.
Le 23 septembre ou le 6 octobre 1941, Jean, son mari, est arrêté par la police française (dans des conditions restant à préciser…).
Malgré tout, Léonie continue à héberger des résistants.
Le 2 septembre 1942, elle été arrêtée chez elle et emprisonnée à la caserne Boudet, rue de Pessac à Bordeaux, qui dispose d’une prison militaire utilisée comme annexe du Fort du Hâ.
Le 16 octobre 1942, Léonie Sabail est parmi les 70 hommes et femmes – dont 33 futures “31000” (les “Bordelaises” et les Charentaises) – transférés depuis le Fort du Hâ et la caserne Boudet au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas (Seine-Saint-Denis – 93), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122. Léonie Sabail y est enregistrée sous le matricule n° 971. Pendant trois semaines, les nouveaux arrivants sont isolés, sans avoir le droit d’écrire, puis ils rejoignent les autres internés (hommes et femmes étant séparés mais trouvant le moyen de communiquer). En janvier 1943, Jean Sabail, le mari de Léonie, qui a également été conduit au Fort de Romainville, dessine un portrait du fils d’Annette Épaud à partir d’une photographie qu’on lui a transmise. [1]
Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 21.1 »). Le lendemain, Léonie Sabail fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Mais Betty Jégouzo confirme ce départ en deux convois séparés, partis un jour après l’autre du Fort de Romainville. Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.
Le lendemain matin, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).
En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.
Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.
- Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises
et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.
Léonie Sabail y est enregistrée sous le matricule 31745. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.
Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.
Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois-quart, de face et de profil (la photo d’immatriculation de Léonie Sabail a été retrouvée, puis identifiée par des rescapées à l’été 1947).
Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes. Elles commencent à partir dans les Kommandos de travail.
Léonie Sabail meurt au Revier de Birkenau le 1er mars 1943, d’après l’acte de décès du camp.
Le 2 octobre 1943, Jean Sabail est fusillé au Mont-Valérien avec René Damous, Gustave Normand, Attilio Pica (?) et Roland Richon, autres époux de “31000” ; à vérifier, car il pourrait y avoir des homonymies (S. Klarsfeld cite un Georges Sabailh, ouvrier, membre du réseau gaulliste Alliance…) [2].
Dès que les déportés commencent à revenir, les enfants de Léonie Sabail vont à la gare de Bordeaux, guettant tous les revenants. C’est par l’une des rescapées du convoi qu’ils apprennent la mort de leur mère.
À une date restant à préciser, le conseil municipal de Bègles donne le nom de Louis et Jean Sabail à une rue de la commune.
Sources :
Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 258.
Charles Tillon, Les F.T.P., soldats sans uniforme, éditions Ouest-France, oct. 1991, page 14.
Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
Serge Klarsfeld, Le livre des otages, Les éditeurs français réunis, Paris 1979, pages 250-253.
Serge Klarsfeld, Les 1007 fusillés au Mont-Valérien parmi lesquels 174 Juifs, Association des fils et filles des déportés juifs de France, 1995, pages 58 et 88.
Claude Épaud, fils d’Annette Épaud : message et conversation téléphonique (05-2010).
La Vie du Rail, 4 mars 2009, pages 38 à 40.
Thomas Fontaine, Les oubliés de Romainville, un camp allemand en France (1940-1944), avec le concours du Conseil général de Seine-Saint-Denis, éditions Tallandier, 2005, pages 40, 41 et 43.
Liste des photos d’Auschwitz « identifiées de camarades non rentrées », Après Auschwitz, bulletin de l’Amicale, n°17 septembre-octobre 1947, page 3.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1055 (12145/1943).
Base de données des archives historiques SNCF ; service central du personnel, agents déportés déclarés décédés en Allemagne (en 1947), de R à W (cote 0110LM0109).
MÉMOIRE VIVE
(dernière modification, le 3-04-2013)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
[1] Le portrait du fils d’Annette Épaud par Jean Sabail a été remis au mari de celle-ci par Félicienne Bierge (31734, rescapée et remariée sous le nom de Labruyère) ; dessin qu’elle a pu conserver après la mort d’Annette – malgré les risques – pendant le reste de sa déportation. Au cours de son année de détention au Fort de Romainville, Jean Sabail dessine au moins un autre portrait (sûrement davantage…), celui d’Emmanuel Fairon, fusillé avec lui.
[2] La fusillade du 2 octobre 1943 : Depuis un an, les autorités d’occupation semblent avoir renoncé aux exécutions massives d’otages, remplacées par la déportation. Mais, le 28 septembre 1943, Julius Ritter, président du service de la main-d’œuvre en France et représentant direct de Fritz Sauckel – nommé par Hitler « plénipotentiaire au recrutement et à l’emploi de la main-d’œuvre » – est abattu rue Pétrarque à Paris par l’équipe spéciale des FTP-MOI de Marcel Rayman, dont le chef militaire est Missak Manouchian. En représailles, 50 otages choisis parmi les Sühnepersonen encore internées au fort de Romainville sont fusillés le 2 octobre 1943 au mont Valérien. Vingt s’y trouvaient depuis plus d’un an, arrivés entre août et octobre 1942 en vue des exécutions massives de cette période. Ainsi, Gustave Normand, enregistré au fort le 24 août 1942 avec près d’une soixante de camarades otages qu’il a vu partir vers la fusillade ou la déportation.