Simone Yvonne Alfrede Fougère naît le 27 octobre 1913 à Saint-Sulpice-des-Landes (Loire-Inférieure / Loire-Atlantique) [1], fille de Jean-Marie Fougère et Agnès Marie Boisteau, commerçants. Elle va à l’école communale jusqu’au certificat d’études primaires.
Simone devient employée de bureau, et se marie avec un chauffeur de taxi, secrétaire du syndicat CGT des cochers-chauffeurs à Paris.
Dès le début de l’Occupation, le couple est engagé dans l’action clandestine.
Simone Loche est arrêtée le 6 mars 1942 par les policiers des brigades spéciales qui la prennent au restaurant où elle était serveuse et qui était un nid de résistants.
Les policiers ont trouvé l’adresse sur un camarade arrêté précédemment, qui a été fusillé.
Les policiers veulent que Simone leur dise où est son mari, qui combat dans la zone sud, et qu’elle ne livre pas, bien entendu.
Après quelques jours dans les locaux des Renseignements généraux, elle passe au dépôt jusqu’au 30 avril 1942, à la Santé, an secret, jusqu’au 24 août 1942, à Romainville jusqu’au départ.
Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne : leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » (transférée à Compiègne le 22.1). Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Mais Betty Jégouzo confirme ce départ en deux convois séparés, partis un jour après l’autre du Fort de Romainville. Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.
Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).
En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.
Simone Loche y est enregistrée sous le matricule 31672. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.
Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.
Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie allemande : vues de trois quarts avec un couvre-chef (foulard), de face et de profil (la photo d’immatriculation de Simone Loche a été retrouvée, puis identifiée par des rescapées à l’été 1947).
Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” [2] du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.
Le 24 février 1943, Simone Loche entre au revier [3] comme nettoyeuse.
Elle contracte la dysenterie, puis le typhus exanthématique. Elle y survit et bénéficie de la quarantaine le 3 août 1943.
Simone Loche arrive à Ravensbrück le 4 août 1944. Elle travaille au revier, mais tombe gravement malade et y passe tout le reste de sa captivité, soignée avec infiniment de dévouement et bien peu de moyens par les détenues, infirmières ou médecins.
À la libération de Ravensbrück, Antonina Nikiforova (médecin soviétique) l’opère presque in extremis (résection costale).
Le 25 juin 1945, Simone Loche est rapatriée de Suède à Paris par avion, puis est hospitalisée plusieurs mois à Créteil.
Simone Loche retrouve son mari, qui n’avait jamais cessé de lutter dans la clandestinité et qui n’avait pas été arrêté, son fils, qu’elle avait laissé à quatre ans et qu’une grand-mère avait recueilli. Sa famille l’a soignée, entourée, réconfortée. Elle a repris goût à la vie mais elle est restée de santé très précaire et devait mesurer ses forces, constamment sous surveillance médicale.
Après la guerre, Simone travaille dans la maternité “Les Bleuets”, puis comme gardienne dans une école à Montreuil. Elle y était très appréciée pour sa gentillesse, son dévouement, sa sensibilité, et regrettée quand a sonné l’heure de la retraite.
Leur retraite, Simone et son mari envisagent de la passer dans le Massif Central. Mais, fatigué, Lucien ne supporte pas le climat et tous deux s’installés au bord de la Méditerranée, à Hyères.
Membre de la FNDIRP et de Mémoire Vive, Simone est homologuée Soldat de 2e classe dans la R.I.F., titulaire de la Médaille Militaire, la Croix de Guerre 1939-45, la Médaille de Combattant Volontaire de la Résistance, la Médaille de Déportés de la Résistance et celle des Grands Invalides de Guerre.
Simone Loche décède le 15 janvier 2004.
Notes :
[1] Saint-Sulpice-des-Landes : le 1er janvier 2018, elle devient une commune déléguée de la commune nouvelle de Vallons-de-l’Erdre.
[2] La « course » par Charlotte Delbo : Après l’appel du matin, qui avait duré comme tous les jours de 4 heures à 8 heures, les SS ont fait sortir en colonnes toutes les détenues, dix mille femmes, déjà transies par l’immobilité de l’appel. Il faisait -18. Un thermomètre, à l’entrée du camp, permettait de lire la température, au passage. Rangées en carrés, dans un champ situé de l’autre côté de la route, face à l’entrée du camp, les femmes sont restées debout immobiles jusqu’à la tombée du jour, sans recevoir ni boisson ni nourriture. Les SS, postés derrière des mitrailleuses, gardaient les bords du champ. Le commandant, Hoess, est venu à cheval faire le tour des carrés, vérifier leur alignement et, dès qu’il a surgi, tous les SS ont hurlé des ordres, incompréhensibles. Des femmes tombaient dans la neige et mouraient. Les autres, qui tapaient des pieds, se frottaient réciproquement le dos, battaient des bras pour ne pas geler, regardaient passer les camions chargés de cadavres et de vivantes qui sortaient du camp, où l’on vidait le Block 25, pour porter leur chargement au crématoire.
Vers 5 heures du soir, coup de sifflet. Ordre de rentrer. Les rangs se sont reformés sur cinq. « En arrivant à la porte, il faudra courir. » L’ordre se transmettait des premiers rangs. Oui, II fallait courir. De chaque côté de la Lagerstrasse, en haie serrée, se tenaient tous les SS mâles et femelles, toutes les kapos, toutes les polizeis, tout ce qui portait brassard de grade. Armés de bâtons, de lanières, de cannes, de ceinturons, ils battaient toutes les femmes au passage. Il fallait courir jusqu’au bout du camp. Engourdies par le froid, titubantes de fatigue, il fallait courir sous les coups. Celles qui ne couraient pas assez vite, qui trébuchaient, qui tombaient, étaient tirées hors du rang, saisies au col par la poignée recourbée d’une canne, jetées de côté. Quand la course a été finie, c’est-à-dire quand toutes les détenues sont entrées dans les Blocks, celles qui avaient été tirées de côté ont été emmenées au Block 25. Quatorze des nôtres ont été prises ce jour-là.
Au Block 25, on ne donnait presque rien à boire, presque rien à manger. On y mourait en quelques jours. Celles qui n’étaient pas mortes quand le “Kommando du ciel” (les prisonniers qui travaillaient au crématoire) venait vider le Block 25, partaient à la chambre à gaz dans les camions, avec les cadavres à verser au crématoire. La course – c’est ainsi que nous avons appelé cette journée – a eu lieu le 10 février 1943, deux semaines exactement après notre arrivée à Birkenau. On a dit que c’était pour nous faire expier Stalingrad. (Le convoi du 24 janvier, pp. 37-38)
[3] Revier , selon Charlotte Delbo : « abréviation de Krakenrevier, quartier des malades dans une enceinte militaire. Nous ne traduisons pas ce mot que les Français prononçaient révir, car ce n’est ni hôpital, ni ambulance, ni infirmerie. C’est un lieu infect où les malades pourrissaient sur trois étages. ». In Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1967, p. 24. Le terme officiel est pourtant “hôpital” ; en allemand Häftlingskrakenbau (HKB), hôpital des détenus ou Krakenbau (KB). Dans Si c’est un Homme, Primo Lévi utilise l’abréviation “KB”.
Sources :
Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 182.
Le Maitron en ligne, notices de Loche Simone et de Loche Raymond, par René Lemarquis, Claude Pennetier, https://maitron.fr/spip.php?article140559, https://maitron.fr/spip.php?article50092
MÉMOIRE VIVE
(dernière modification, le 29-08-2024)
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