Germaine, Emma, Marie Girard, naît le 30 janvier 1904 à Saint-Cloud (Seine / Hauts-de-Seine – 92), chez ses parents, Alexandre Girard, 34 ans, tailleur, et Méline Mainfroid, 33 ans, repasseuse, son épouse, domiciliés au 14, rue de l’Église. À sa naissance, Germaine a un frère de sept ans, Charles. Deux ans plus tard naît sa sœur cadette Marie.
En 1921, les deux sœurs vivent encore chez leurs parents.En 1926, Germaine a quitté le foyer parental, où ne reste que la cadette. Aux recensements de 1931 et 1936, leurs parents habitent toujours – alors seuls – à la même adresse.

Au moment de son arrestation, Germaine Girard habite à Paris 11e.

Le 8 octobre 1942, Germaine Girard est conduite au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas [1] (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122. Le même jour y sont internées – pour des démêlés avec les autorités d’occupations qui ne sont pas directement de nature politique – dix autres femmes qui seront déportées avec elle. Germaine Girard y est enregistrée sous le matricule n° 879.
L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122), surplombée par un mirador. © Musée de la résistance nationale (MRN), Champigny-sur-Marne (94).

L’unique entrée du Fort de Romainville (Haftlager 122), surplombée par un mirador.
© Musée de la résistance nationale (MRN),
Champigny-sur-Marne (94).

Le 22 janvier 1943, Germaine Girard fait partie des cent premières femmes otages transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne ; leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » (transférée à Compiègne le 21.1). Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police).

Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le lendemain matin, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne, installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation. Cliché Mémoire Vive 2011.

Les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne,
installés sur une voie de la gare de marchandise d’où sont partis les convois de déportation.
Cliché Mémoire Vive 2011.

Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.
Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.
Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000” (accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…). © Gilbert Lazaroo, février 2005.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000”
(accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Le 27 janvier 1943, Germaine Girard est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le matricule 31706, selon une correspondance établie avec le registre des internés du Fort de Romainville [2]. D’après Charlotte Delbo, les survivantes ne l’ont pas identifiée parmi les photographies d’immatriculation d’Auschwitz à cause de l’autre Girard – celle qui se faisait appeler Renée – et ont manqué l’oublier en reconstituant leur liste.

IDENTIFICATION INCERTAINE… Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943, une femme qui paraît jeune. Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

IDENTIFICATION INCERTAINE…
Photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943, une femme qui paraît jeune.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne. Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Pendant deux semaines, les “31000” sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart d’entre elles sont amenées à pied, par rang de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois-quart, de face et de profil.

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où se trouvent des compagnes prises à la “course” du 10 février. Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Le Block 26, en briques, dans le sous-camp B-Ia de Birkenau ; perspective entre les châlits. La partie inférieure, au ras du sol, est aussi une “couchette” où doivent s’entasser huit détenues. Les plus jeunes montent à l’étage supérieur, où il est possible de s’assoir. Photo © Mémoire Vive.

Le Block 26, en briques, dans le sous-camp B-Ia de Birkenau ; perspective entre les châlits.
La partie inférieure, au ras du sol, est aussi une “couchette” où doivent s’entasser huit détenues.
Les plus jeunes montent à l’étage supérieur, où il est possible de s’assoir.
Photo © Mémoire Vive.

Germaine Girard meurt au Revier le 24 mai 1943, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (alors que les rescapées estimaient que c’était en mars).

Au retour, Fernande Laurent (31748), de Nantes, qui avait couché un temps sur le même carré, s’est chargée d’annoncer sa mort à une parente habitant rue Basfroid, dans le 11e,  et qui est décédée dans les années 1960.

Notes :

[1] Les Lilas : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] Photo et matricule… : L’essai d’identification est à prendre comme une hypothèse ; à son arrivée à Auschwitz, Germaine Girard a 39 ans.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 130.
- Archives départementales des Hauts-de-Seine (AD 92), site internet, archives en ligne : registre des naissances de Saint-Cloud, année 1904 (E NUM SCL N1904), acte n° 7 (vue 4/61).
- Marion Queny, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
- Thomas Fontaine, Les oubliés de Romainville, un camp allemand en France (1940-1944), avec le concours du Conseil général de Seine-Saint-Denis, éditions Tallandier, 2005, pages 74 à 86.
MÉMOIRE VIVE
(dernière modification, le 28-05-2024)
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