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Aimée DORIDAT, née Godefroy – 31767

Aimée DORIDAT (« Manette ») est née le 14 mars 1905 à Neuves-Maisons, près de Nancy, cinquième d’une famille de onze enfants (dont sept garçons).

Le père est contremaître à l’usine de Neuves-Maisons.

La Résistance

Deux des frères Godefroy, Louis et Jean, communistes avant la guerre, entrent dans l’action clandestine (groupe Lorraine) dès le début de l’occupation.

Manette, qui n’a jamais fait de politique, cache chez elle ce que ses frères lui confient : tracts, grenades, essence ; à l’insu de son mari, dessinateur à l’usine.

Le 11 juin 1942, Jean et Louis sont arrêtés à Nancy. Louis est relâché peu après, faute de preuves, dit-on. Par prudence, il quitte la région et sa femme, Olga.

Jean Godefroy est fusillé à La Malpierre (Nancy) le 29 juillet 1942.

Mais l’affaire n’est pas classée. Derechef, la Gestapo recherche Louis.

Le 7 août 1942, les gendarmes de Neuves-Maisons, sur ordre de Nancy, arrêtent à l’usine, en plein travail, les cinq autres frères Godefroy, puis leurs femmes chez elles.

L’un des enfants court prévenir Manette. Tout de suite, elle pense à Louis, elle envoie vite un télégramme à Louis qui est à Chaville.

Les gendarmes sont chez Manette un instant plus tard. Ils fouillent la maison, ne trouvent rien, emmènent Manette.

Tous (les cinq hommes, leurs femmes et Manette) sont transportés au fort d’Écrouves sans même être interrogés.

Au reçu du télégramme de Manette, Olga Godefroy, la femme de Louis, prend le train pour Neuves-Maisons. Elle veut savoir ce qui se passe. À peine a-t-elle mis pied à terre que le fils de Manette – un enfant de huit ans -, prévenu par un cheminot, va au-devant d’elle, la met au courant. Elle devrait rebrousser chemin. Non, elle se présente tout de suite à la gendarmerie. Les gendarmes n’ont pas de mandat d’arrêt contre elle. Qu’elle s’en aille. Elle insiste pour suivre le sort des autres.

Il faudrait avertir Louis. Le mari de Manette, le seul qui soit resté libre, s’en charge. Il téléphone à Louis, lui recommande une fois de plus de se cacher. Quand les gendarmes de Chaville se présentent chez Louis Godefroy, ils disent : « File. On ne t’a pas trouvé ». – « Non. Emmenez-moi. Je ne veux pas que mes frères soient fusillés pour moi. » D’abord emprisonné au Cherche-Midi, à Paris, Louis Godefroy est transféré à Nancy, à la prison Charles-Ill. Ses belles-sœurs sont libérées d’Écrouves quinze jours plus tard, ses cinq frères une semaine après elles.

Restent à Charles-III : Louis Godefroy, sa femme Olga, et Manette Doridat. Tous trois sont transportés à Romainville par le train, le 30 octobre 1942.

Aimée Doridat (« Manette ») est partie pour Auschwitz le 24 janvier 1943 et est entrée comme nettoyeuse au revier le 24 février 1943.

Un jour de juillet 1943 elle s’est cassé une cheville : l’escabeau à l’aide duquel elle montait sur un camion pour remplir un sceau de charbon s’est effondré. Fracture ouverte, gangrène. Erna, une Tchèque, chef du revier, qui était bien avec le médecin SS, obtient qu’on transporte Manette au camp des hommes où il y a un bloc opératoire. Manette est confiée à des chirurgiens polonais détenus qui lui ampute la jambe. »

L’amputation faite, on la reconduit au revier de Birkenau le même jour, le 20 juillet 1943. Erna, accompagnée du docteur SS va la voir, « Vous avez été courageuse, dit le SS, demandez-moi ce que vous voudrez ». Manette demande une compagne française.

Betty (Lucienne Langlois) s’installe près d’elle et passe son temps à tuer les poux dans le pansement de Manette, voir Madeleine Jégouzo alias Lucienne Langlois dite Betty :

http://dev.memoirevive.org/spip.php…

La plaie cicatrisée, on lui trouve des béquilles.

La quarantaine et Ravensbrück

Manette rejoint les camarades qui sont en quarantaine, en août 1943. Elle est transférée à Ravensbrûck avec elles le 2 août 1944, et quand la plupart sont envoyées à Mauthausen, le 2 mars 1945, Manette qui travaille au « Betrieb » (l’atelier de Ravensbrück où l’on fait des uniformes SS) et échappe au départ.

Les derniers mois, Ravensbrück devient infernal. Tous les jours on y fait des sélections parmi les vieilles, les infirmes, les malades. On les envoie au Jugendlager (« Le camp des jeunes »…) C’est un « mouroir » : on laisse les femmes sans nourriture, sans eau, jusqu’à ce qu’elles meurent. Manette, prise dans une sélection, y est envoyée.

La blockova du Jugendlager la renvoie au camp. Mais elle a perdu sa place à la couture. Toute la journée elle se tapit dans un block ici ou là.

Marie-Claude est secrétaire au revier. Chaque fois qu’elle a vent d’une sélection, elle prévient Manette pour qu’elle se cache, voir Marie-Claude Vaillant-Couturier :

http://dev.memoirevive.org/spip.php…

La libération

Manette a été libérée par la Croix-Rouge le 23 avril 1945, transportée en Suède d’où elle a été rapatriée par avion le 10 juin 1945.

Manette a retrouvé ses enfants et son mari qui n’avait pas été arrêté.

La mort de Louis

Elle a appris peu après son retour que son frère Louis, déporté à Mauthausen, était mort au commando de Gusen le 31 janvier 1944. Il avait quarante-quatre ans.

Aimée Doridat est titulaire de la Légion d’honneur.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 91-94.