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Luz (prononcer « Loutch »), Higinia (Coicohea ?), Goni naît le 11 janvier 1906 à Cirauqui, en Navarre (Espagne).

Au printemps 1939, âgée de 33 ans, elle franchit la frontière, accompagnant la débâcle des armées républicaines en Catalogne.

Réfugiée en France (veuve ?), elle se remarie avec un Français, Avestapan (?), acquérant ainsi la nationalité de son mari.

Luz Martos est concierge au 22, rue du Nord, à Paris 18e. Son mari (Joseph Martos ?) et elle sont engagés dans l’activité communiste clandestine.

Le 31 décembre 1940, elle est arrêtée une première fois, « convaincue d’avoir participé au transfert de matériel clandestin avec son mari, alors en fuite depuis un mois » (suite à vérifier…).

En août 1941, elle de nouveau arrêtée, à son domicile, puis emprisonnée à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), probablement dans le quartier allemand. Le 30 septembre 1942, elle est transférée au camp du fort de Romainville, sur la commune des Lilas [1] (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122, où elle est enregistrée sous le matricule n° 841.

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Femme vive malgré son embonpoint, gaie, très exubérante, elle danse sur les tables pour montrer des pas espagnols, chante, fait rire tout le monde dans les chambrées du fort.

Le 22 janvier 1943, Luz Martos fait partie des cent premières femmes otages transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquant « 22.1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »). Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne – sur la commune de Margny – et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

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En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL [2] Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.

 

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II) par lequel sont passés les “31000” (accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…). © Gilbert Lazaroo, février 2005.

Portail du secteur B-Ia du sous-camp de Birkenau (Auschwitz-II)
par lequel sont passés les “31000” (accès depuis la rampe de la gare de marchandises et le “camp-souche” d’Auschwitz-I…).
© Gilbert Lazaroo, février 2005.

Luz Martos y est peut-être enregistrée sous le matricule 31696, selon une correspondance possible avec l’ordre d’enregistrement au fort de Romainville. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie policière allemande : vues de trois-quart, de face et de profil (la photo d’immatriculation de Luz Martos n’a pas été retrouvée).

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz avant l’évacuation du camp en janvier 1945. Réalisé le 3 février 1943, le portrait d’immatriculation de cette détenue a disparu.

Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz avant
l’évacuation du camp en janvier 1945. Réalisé le 3 février 1943,
le portrait d’immatriculation de cette détenue a disparu.

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Dès l’arrivée à Birkenau, le froid et le paysage de glace ont immédiatement démoralisé Luz Martos. Sachant lire les lignes de la main et regardant la sienne, elle a dit : « Inutile que j’essaie, inutile que je lutte. Je n’en sortirai pas : c’est dans ma main ». Dès lors, elle n’a plus mangé.

Un jour, au travail aux côtés de Claudine Blateau, elle tombe dans la boue : « Je ne peux plus. Laissez-moi mourir ici. » Un gardien SS oblige ses compagnes à la porter au camp pour l’appel, à la fin du travail, et elle meurt presque aussitôt, le 1er mai 1945 selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp [3].

Son mari apprend sa mort quand il rentre de déportation.

Sources

– Charlotte Delbo, le convoi du 24 janvier, Éditions de Minuit, édition de 1993, pages 192-193.
– Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 784 (19374/1943).
– Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais ; dossiers de la BS1 des RG, registre des affaires traitées 1940-1941 (GB 29), 31 décembre 1940 (vue 030).
– Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, I.74, t. 1, p. 579 et 587.

MÉMOIRE VIVE
(dernière modification, le 8-07-2016)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

Notes :

[1] Les Lilas : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne” (transfert administratif effectif en janvier 1968).

[2] KL  : abréviation de Konzentrationslager (camp de concentration). Certains historiens utilise l’abréviation “KZ”.

[3] Charlotte Delbo et ses compagnes ont daté sa mort du « début février 1943 ».