Yvonne Jeannine Herschtel naît le 5 novembre 1911, au domicile de ses parents, Isaac Herschtel, 28 ans, né à Odessa (Russie / Ukraine), courtier de commerce, et Andrée Mathilde Reinach, 23 ans, son épouse, une famille juive domiciliée au 39 rue Lafayette à Paris 9e. Lors de la présentation du nouveau-né à l’état civil, un des deux témoins est son grand-père (?), Adolphe Reinach, 59 ans, joaillier-expert près la cour d’appel.
Le 12 février 1919, sa mère décède au domicile familial, âgée de 31 ans ; Jeannine a 7 ans.
Ensuite, elle voyage avec son père qui, atteint de tuberculose, se soigne dans divers établissements en Suisse. À la mort de celui-ci, elle va en Angleterre terminer ses études dans un couvent.
En 1939, elle part pour les États-Unis où elle doit se marier. Mais le projet échoue : elle rentre en France à la veille de la guerre.
Sous l’occupation, munie d’un certificat de baptême, Jeannine Herschtel ne se déclare pas comme juive (et ne porte donc pas l’étoile jaune). Elle s’installe dans un studio du 16e arrondissement parisien où personne ne la connait. Les rescapés supposeront qu’elle a été dénoncée (mais probablement pas comme juive) et arrêtée au moment où elle s’apprêtait à partir. En effet, elle arrive au camp allemand du fort de Romainville le 21 janvier 1943, à la veille du départ – enregistrée sous le matricule n° 1448 – avec des bagages soigneusement faits, non pas ceux d’une personne qui a été surprise et emporte au dernier moment ce qui lui tombe sous la main.
Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22,1 Nach Compiègne uberstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »).
Le lendemain, Jeannine Herschtel fait partie du deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.
Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).
En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit.
Le lendemain matin, après avoir été brutalement descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise.
Il n’existe pas de certitude absolue concernant le numéro matricule sous lequel Jeannine Herschtel y est enregistrée.
Selon Charlotte Delbo, blonde décolorée avec des reflets roses dans les cheveux, Jeannine offre sa montre en or cloutée de diamants à une gardienne SS pour qu’on épargne ses cheveux : la SS prend la montre, plus quelques bagues… et Jeannine a les cheveux coupés ! Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.
Une fois au Block, elle vole ses chaussures à Alida Delasalle, parce qu’elle-même a reçu deux socques du même pied, ce qui manque de déclencher une bagarre entre elles.
Pendant deux semaines, toutes sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail dans les Kommandos, mais pas de corvée.
Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rang de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie : vues de trois quarts avec un couvre-chef (foulard), de face et de profil (la photo d’immatriculation de Jeannine Herschtel n’a pas été retrouvée).
Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.
Jeannine Herschtel meurt à Auschwitz dans le courant de février 1943, âgée de 31 ans.
Notes :
Sources :
Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), page 145.
Marion Quény, Un cas d’exception : (…) le convoi du 24 janvier, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Lille 3-Charles de Gaulle, juin 2004, notamment une liste réalisée à partir du registre de Romainville (copie transmise par Thomas Fontaine), pp. 197-204, et p. 114.
Archives de Paris, site internet, archives en ligne : actes d’état civil.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 22-11-2022)
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