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IDENTIFICATION INCERTAINE…
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942. 
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 
Oświęcim, Pologne. 
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Adrien, Jean, René, Orsal naît le 27 mai 1904 à Paris 11e (75), fils de Pierre, Jean, Orsal et de Marie, Jeanne, Rosalie, Coulet, son épouse.

Adrien Orsal est célibataire. Une fiche de police le déclare « infirme » (?) ; de la classe 1924, il a été exempté de service militaire.

Il travaille comme garçon de café (« restaurateur ») dans le restaurant tenu par son père au 119, rue Saint-Maur à Paris 11e. C’est également à cette adresse qu’il est domicilié, ayant une chambre chez ses parents.

Il adhère au Parti communiste en 1935 et y appartient jusqu’à sa dissolution. Selon la police, c’est un « militant communiste notoire », membre des Amis de l’U.R.S.S. et d’autres organisations proches du PCF.

À partir de mars 1939, Adrien Orsal passe régulièrement la nuit chez son amie Suzanne C., 31 ans, divorcée, cartonnière, domiciliée au 1, passage de la Fonderie à Paris 11e.

Il reste actif au sein du PCF clandestin après l’interdiction de celui-ci en septembre 1939.

En novembre 1940, le commissaire André Baillet, de la Brigade spéciale 1 des renseignements généraux, charge trois inspecteurs de son service « de procéder à une enquête en vue d’identifier et d’appréhender les auteurs de la propagande communiste clandestine s’exerçant dans certains arrondissements de la rive droite et plus particulièrement dans le 11e » arrondissement. « Une série d’enquêtes et de surveillances [amènent ceux-ci] à soupçonner le nommé Orsal d’en être un des auteurs ».

Le 23 novembre 1940, « de jour », les inspecteurs viennent l’arrêter au domicile de son amie, passage de la Fonderie. Au moment où il est appréhendé, Adrien Orsal est « trouvé porteur d’un tract intitulé “Pour la défense de la science française, contre la mise au pas de l’Université” », « ainsi que d’une lettre à lui adressée par l’ex-député communiste Nozeray, détenu à la Santé ». Avant que le logement de son amie soit perquisitionné, il remet « spontanément » aux policiers un rouleau déposé sur la table de nuit et comprenant quatre exemplaires de L’Humanité, trois exemplaires de La Voix de Paris, et deux tracts intitulés Lettre à un travailleur socialiste, imprimés ou ronéotypés, ainsi qu’une serviette contenant du papier pour machine à écrire et du papier carbone. Appréhendée avec lui et interrogée, son amie déclare qu’elle avait elle-même demandé ce papier « pour permettre à [sa] nièce, âgée de 10 ans, de s’amuser », alors que lui-même dit s’en servir « pour faire [ses] comptes ou diverses écritures ». Dans sa chambre, chez ses parents, seront également trouvés et saisis deux exemplaires de L’Humanité datée du 30 septembre 1940, un certain nombre de brochures (Histoire du Parti communiste et Agenda de L’Humanité), des notes et des convocations anciennes du PCF, du papier blanc et une plaque circulaire en tôle permettant de dessiner des lettres (pochoirs ?).

Le lendemain, Adrien Orsal et Suzanne C. sont tous deux inculpés d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 et conduits au dépôt de la préfecture de police, à disposition du procureur de la République.

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Palais de Justice de Paris, île de la Cité, Paris 1er. 
Tribunal correctionnel, un des porches du rez-de-chaussée. 
(montage photographique)

Deux jours plus tard, le 25 novembre, ils comparaissent devant la 12e chambre du tribunal correctionnel de la Seine qui condamne Adrien Orsal à six mois d’emprisonnement. Il est écroué à la Maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne).

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La maison d’arrêt de Fresnes après guerre. 
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

À l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré. Le 8 avril 1941, le préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant son internement administratif.

Le 21 avril, Adrien Orsal fait partie d’un groupe d’internés transférés (depuis le dépôt ?) au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Val-d’Oise – 95), créé en octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.

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Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt dans les années 1930. 
Le centre de séjour surveillé a été installé dans la longue bâtisse située au premier plan à gauche. Afin de pouvoir y entasser les détenus, il a fallu y transporter le mobilier des autres bâtiments. 
Carte postale. Collection Mémoire Vive.

Le 24 juin, Adrien Orsal fait partie d’une trentaine de « meneurs indésirables » écroués à la Maison d’arrêt de Rambouillet (Yvelines – 78), à la suite d’ « actes d’indiscipline » collectifs.

Le 27 septembre, il est parmi les 23 internés administratifs de la Seine transférés de Rambouillet au “centre d’internement administratif” (CIA) de Gaillon (Eure – 27), un château Renaissance isolé sur un promontoire surplombant la Seine et transformé en centre de détention au 19e siècle, puis en caserne. Adrien Orsal est assigné au bâtiment F, 2e étage, chambre 4, lit 46.

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Le camp de Gaillon, ancien château de l’évêque de Rouen. 
Carte postale d’après-guerre. Collection Mémoire Vive.

Le 5 mars 1942, Adrien Orsal fait partie des seize internés administratifs de Gaillon (dont neuf futurs “45000”) remis aux autorités d’occupation à la demande de celles-ci et conduits en autocar au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise – 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 -Polizeihaftlager).

Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne – sur la commune de Margny – et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

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Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Adrien Orsal est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45938, selon les listes reconstituées (la photo du détenu portant ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire – au cours duquel Adrien Orsal se déclare sans religion (Glaubenslos) -, ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.

Le 13 juillet – après cinq jours passés par l’ensemble des “45000” à Birkenau – la moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a été affecté Adrien Orsal.

Il meurt à Auschwitz le 27 octobre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp.

La mention Mort pour la France est inscrite sur les registres d’état civil.

Adrien Orsal est homologué comme “Déporté politique”.

Après la guerre, son père demeure à la Souque, sur la commune de Nayrac (Aveyron).

Sources :

- Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 150 et 153, 381 et 419. 
- Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Paris (2002), citant : BAVCC (fichier central) – Actes d’état civil de la Mairie du 11e – Liste partielle du convoi établie par le Musée d’Auschwitz. 
- Archives de la préfecture de police (Paris) site du Pré-Saint-Gervais ; cartons “Occupation allemande” BA 2374 (camps d’internement…) ; dossiers de la BS1 (GB 52), n° 39, « Affaire Orsal  et C. », 24-11-1940. 
- Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux, centre de séjour surveillé d’Aincourt ; cote 1W76. 
- Archives départementales de l’Eure, Évreux, camp de Gaillon, recherches de Ginette Petiot (messages 08-2012). 
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 889 (37600/1942). 
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen, dossier d’Adrien Orsal, cote n° 21 P 521 847, recherches de Ginette Petiot (message 09-2012).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 10-12-2014)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.