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IDENTIFICATION INCERTAINE
Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.

Albert, Marie, Eugène, Récher, naît le 5 novembre 1893 à Elbeuf (Seine-Maritime), chez ses parents, Eugène Récher, 23 ans, dégorgeur, et Augustine Jouffroy, son épouse, 19 ans, rentreuse de lames (?), domiciliés rue Delavigne ou Jofervierne (?). Le couple divorce le 11 janvier 1906.

Pendant un temps, Albert Récher travaille comme couvreur.

Le 27 novembre 1913, il est incorporé au groupe cycliste du 26e bataillon de chasseurs à pied pour accomplir son service militaire.

Il est encore sous les drapeaux lorsque commence la Première guerre mondiale, début août 1914.

Le 25 janvier 1916, la 4e commission spéciale de réforme de la Seine classe Albert Récher au service auxiliaire pour « emphysème pulmonaire, insuffisance et rétrécissement mitral ». Le 19 mai suivant, la 5e commission spéciale de la Seine le maintien au service auxiliaire. Il est néanmoins affecté au 2e groupe d’aviation. Le 20 novembre, la 5e commission, le réforme temporairement pour « imminence sommet gauche ». Sa participation à la campagne contre l’Allemagne est d’abord comptabilisée du 31 juillet 1914 jusqu’à ce 20 novembre.

Le 24 février 1917, à Elbeuf, il se marie avec Marguerite, Mathilde, Lambert, née le 2 juin 1897 dans cette ville, fille d’un laineur et d’une épinceteuse [1].

Le 5 octobre 1917, la commission de réforme de Rouen le classe au service auxiliaire, apte à servir aux armées pour « emphysème pulmonaire ». Le 21 novembre, il est rappelé à son corps d’affectation. Le 1er décembre, il passe au 103e régiment d’artillerie. Mais, le 26 décembre, la commission de réforme d’Évreux déclare Albert Récher inapte définitivement aux armées pour « sclérose (?) sommet droit ». Pourtant, le 1er juin 1918, il passe au 26e R.A., le 9 juin, au 103e régiment d’artillerie lourde, le 1er août, au 11e régiment d’artillerie de campagne. Il est en sursis d’appel de septembre au 15 novembre 1918. En juin 1919, il est proposé pour une pension temporaire par la commission de réforme de Grand-Quevilly. Le 27 juin, il est envoyé en congé illimité de démobilisation, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire au 48, rue des Trois-Carmels à Elbeuf. Sa participation à la campagne contre l’Allemagne est comptabilisée, de façon complémentaire, du 21 novembre 1917 jusqu’au 27 juin 1919.

En juillet 1921, l’armée classe Albert Récher comme affecté spécial de la Compagnie des chemins de fer de l’État en qualité d’homme d’équipe à Oissel. En août 1925, il est encore désigné comme homme d’équipe.

Fin octobre 1937, Albert Récher habite au 14, rue de la Rigole, à Elbeuf. Il est presseur en usine.

Le 12 septembre 1939, il est rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale et affecté spécial au titre des usines à démarrage rapide aux établissements Kuhlmann à Oissel. Mais, dès le 9 octobre, il est « rayé du renforcement » et réaffecté d’office au dépôt d’artillerie 303 deux jours plus tard. Le 8 novembre, il est rattaché à la dernière classe de la deuxième réserve comme père de quatre enfants. Le 1er décembre, il est enfin « réformé définitivement n° 2 » par la commission de réforme d’Évreux pour « sclérose des sommets avec laryngite ».

En 1942, Albert Récher est domicilié au 19, rue Henry, à Elbeuf.

Il travaille alors comme manœuvre.

Le 22 janvier 1942, dans la soirée, à la suite d’un attentat commis sur une sentinelle allemande la nuit précédente à Elbeuf, Albert Récher est arrêté à son domicile par la Feldgendarmerie, assistée de services de police français réquisitionnés, parmi onze otages pris dans le secteur. Le 7 février suivant, sept d’entre eux sont remis en liberté sans être autrement inquiétés. Avec Marcel Carville et René Lemonnier, d’Elbeuf, Fernand Deperrois, de Caudebec-les-Elbeuf, Albert Recher est rapidement conduit au camp allemand de Royallieu, à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager). Un document de police indique « libéré » le 7 février, mais il s’agit plus probablement de la date du transfèrement.

Récher, Carville et Lemonnier écrivent assez régulièrement à leurs familles jusqu’au début juillet.

Le camp vu depuis le mirador central. Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”) Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Le camp vu depuis le mirador central.
Les “politiques français” étaient dans le secteur constitué par la ligne de bâtiments de gauche (“camp communiste”)
Photo Hutin, Compiègne, carte postale. Droits réservés.

Entre fin avril et fin juin 1942, Albert Récher est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.

TransportAquarelle

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.

Le 8 juillet 1942, Albert Récher est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 46040, selon les listes reconstituées (la photo d’immatriculation correspondant à ce matricule a été retrouvée, mais n’a pu être identifiée à ce jour).

Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.

© Mémoire Vive 2017.

© Mémoire Vive 2017.

Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).

Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.

Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Albert Récher.

Il meurt à Auschwitz le 11 septembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp, qui indique pour cause – très probablement mensongère – de sa mort « entérite stomacale aigüe » (Akuter Magendarmkatarrh).

À la mi-juillet, les familles Carville et Récher ont reçu la carte-formulaire envoyée par l’administration militaire allemande du Frontstalag 122.

Le 4 août 1942, la Délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés transmet au préfet de Seine-Inférieure une fiche de demande de renseignements émanant de la direction des Services d’armistice concernant les onze otages d’Elbeuf.

Le 15 octobre suivant, le commissaire de police d’Elbeuf répond au préfet, concernant les quatre otages maintenus en détention : « Aucune nouvelle n’est parvenue depuis et aucun autre renseignement n’a pu être recueilli. »

Par arrêté du ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre en date du 31 janvier 1997, il est décidé d’apposer la mention « Mort en déportation » sur l’acte de décès d’Albert Récher (JORF n° 57 du 8 mars 1997) ; la date indiquée est : « fin avril 1942, en Allemagne » ; sur le registre des décès d’Elbeuf est seulement indiqué « l’an mil neuf cent quarante deux » .

Aucun “45000” ne semble avoir été inscrit sur un monument aux morts d’Elbeuf…

Notes :

 [1] Épinceteuse, épinceuse, nf, celle qui débarrasse le drap des impuretés, des grosseurs.

Sources :

- Archives départementales de Seine-Maritime (AD 76), site internet du conseil général, archives en ligne : registre des naissances d’Elbeuf, période 7-10-1893 jusqu’à la fin de l’année (4E 11937), acte n° 500 (vue 94/174) ; registre des mariages d’Elbeuf, période 20-8-1892 jusqu’à la fin de l’année (4E 11933), acte n° 500 (vue 19/175) ; registres matricules du recrutement militaire, bureau de Rouen sud, classe 1913 (1R3354), n° 811 (deux vues).
- Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département : cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de Dh à F (51 W 415) – le dossier « RECHER Albert » renvoyant à « ESTREICHER (?) Albert Pierre » -, recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis jouvin (“45697”).
- Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression…, 1940-1945, éditions Tirésias, Paris 2004, convoi I. 42, transport parti de Compiègne le 6 juillet 1942 et arrivé au KL Auschwitz le 8 juillet 1942, tome 1, page 443.
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 : relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 989.
- Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; acte de décès du camp (n° 29873/1942).
- – Service historique de la Défense, Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC), Caen : dossier individuel de Recher Albert (21 P 529 779).
- Site Mémorial GenWeb, 76-Elbeuf, relevé de Laetitia Filippi (09-2009).

MÉMOIRE VIVE

(dernière mise à jour, le 9-04-2018)

Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).

En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.