- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
Albert, Léon, ROBERT naît le 28 septembre 1900 à Régeat, commune de Saint-Bonnet-de-Condat (Cantal), chez ses parents, Guillaume Robert, menuisier, 37 ans, et Victorine Vigouroux, 36 ans, son épouse. Il a au moins trois sœurs, Marie-Antoinette, née le 6 février 1895, Jeanne, née le 19 août 1898, Antoinette, née le 10 septembre 1899, et un frère, Antoine, né le 24 janvier 1897.
Pendant un temps, il travaille à Saint-Bonnet comme agriculteur.
Le 18 octobre 1920, il arrive au 6e régiment de chasseurs d’Afrique, afin d’y accomplir son service militaire. Il est envoyé en campagne en Algérie jusqu’au 21 juin 1922. Du 16 au 26 janvier 1921, il est soigné dans un hôpital. Du 22 juin 1922 au 3 octobre 1922, il est considéré comme étant en territoire civil, toujours en Algérie. Le 4 novembre 1922, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite.
En février 1926, il habite rue Pinard-Pinon à Valençay (Indre). Il est alors patron d’un atelier de chaudronnerie, et est marié à Renée, née en 1903 à Varennes-sur-Fouzon. Ils ont une fille Lucienne, née en 1924 à Valençay. En janvier 1929, Albert Robert demeure au lieu-dit le Grand Cimetière, toujours dans cette commune.
Du 4 au 28 août 1927, il effectue une période d’exercice de réserve militaire au 3e régiment de chasseurs d’Afrique.
Le 13 août 1938 à Selles-sur-Cher, quinze kilomètres à l’ouest de Romorantin (Loir-et-Cher), Albert Robert – alors âgé de presque 38 ans – épouse Marie Chaput.
Au moment de son arrestation, il est domicilié à Selles-sur-Cher.
Albert Robert est alors cheminot, auxiliaire (chaudronnier) ; dans quel atelier ?
Le 30 avril 1942, à Romorantin, cinq résistants communistes sont découverts par des soldats allemands alors qu’ils distribuent des tracts. Armés, ils ne se laissent pas arrêter et blessent les soldats dont un sous-officier qui succombe à ses blessures. Les mesures de représailles prévoient l’exécution immédiate de dix communistes, Juifs et de proches des auteurs présumés. Vingt autres personnes doivent être exécutées si au bout de huit jours les « malfaiteurs » ne sont pas arrêtés. Des rafles sont opérées dans la ville et dans le département afin de pouvoir « transférer d’autres personnes vers l’Est, dans les camps de travaux forcés. »
Le lendemain 1er mai, Albert Robert est arrêté comme otage. D’abord détenu à Orléans, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Tergnier, Laon, Reims… Châlons-sur-Marne : le train se dirige vers l’Allemagne. Ayant passé la nouvelle frontière, il s’arrête à Metz vers 17 heures, y stationne plusieurs heures puis repart à la nuit tombée : Francfort-sur-le-Main (Frankfurt am Main), Iéna, Halle, Leipzig, Dresde, Gorlitz, Breslau… puis la Pologne occupée. Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Albert Robert est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 46063 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée [1]).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib (le premier créé).
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des déportés du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp. Aucun document ni témoignage connu ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Albert Robert.
Il meurt à Auschwitz le 11 août 1942, selon un registre d’appel (Stärkebuch) et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; un mois après l’arrivée du convoi [2].
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Selles-sur-Cher, devant la Mairie, place du Marché, et sur la plaque apposée dans l’église abbatiale, ainsi que celui de Denis Robert, mort prisonnier : un parent ?
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 14-12-1997).
Notes :
[1] Sa photographie d’immatriculation à Auschwitz a été reconnue par des rescapés lors de la séance d’identification organisée à l’Amicale d’Auschwitz le 10 avril 1948 (bulletin Après Auschwitz, n°21 de mai-juin 1948).
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. Ainsi, concernant Albert Robert, c’est le 6 juillet 1942, mais « à Auschwitz », qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 365 et 419.
Archives départementales du Cantal, site internet du Conseil du département, archives en ligne : registre des naissances de Saint-Bonnet 1868-1906 (5 Mi 313/4), année 1900, acte n° 15 (vue 272/318) ; registres du recrutement militaire, classe 1920, bureau d’Aurillac, matricules de 1001 à 1500 (1 R 1751), n° 1370 (vue 479/640).
Archives départementales de l’Indre site internet du Conseil du département, archives en ligne : recensement de la population de Valençay en 1926 (M 4989 – vue 11/98).
Archives départementales du Loir-et-Cher : fiche d’arrestation d’Albert Robert, dossier 889 (1375 W 64), fichier alphabétique des déportés du CRSGM (56 J 5).
Mémorial de la Shoah, Paris, site internet, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) : XLIII-89 (télégramme non daté du Militärbefehlshaber in Frankreich (MbF), signé par Carl Heinrich von Stülpnagel).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 1008 (19558/1942).
Site Mémorial GenWeb, 41-Romorantin, relevé de Monique Diot Oury (2007).
Cheminots victimes de la répression 1940-1945, mémorial, ouvrage collectif sous la direction de Thomas Fontaine, éd. Perrin/SNCF, Paris, mars 2017, page 1282.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 30-11-2023)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.