Alexandre, Joseph, Guillou naît le 13 novembre 1898, sur la commune de Bannalec (Finistère – 29), chez ses parents, Yves Guillou, 36 ans, et Marie Salaün, son épouse, 31 ans, cultivateurs domiciliés au lieu-dit Livinot.
Titulaire du Certificat d’études primaires, il commence à travailler comme cultivateur.
Le 7 décembre 1916, à la mairie de Brest (29), devançant l’appel, il s’engage volontairement pour trois ans comme apprenti marin dans le corps des équipages de la Flotte, cumulant ensuite deux ans, sept mois et quinze jours de service en mer. Le 8 février 1920, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite, et se retire chez ses parents.
En décembre 1920, il est domicilié au 22, rue de Paris à Boissy-Saint-Léger (Seine-et-Oise / Val-de-Marne) [1] et travaille comme chauffeur (de véhicule ou de chaudière ?) ; début 1926, il habite au n° 20 de la même rue.
Le 17 juillet 1921, naît son fils, Roger, déclaré à la mairie de Paris 14e.
Le 9 janvier 1926 à la mairie de Boissy-Saint-Léger, Alexandre Guillou – alors électricien – se marie avec Virginie Colombani, née le 2 juillet 1897 à Sangairno, sur la commune d’Isolaccio (Corse), ouvrière raffineuse chez Say (Paris 13e). Cette année-là, ils hébergent provisoirement le frère d’Alexandre, Francis, né en 1902 à Bannalec, clerc de notaire chez Véron (?). En 1931, la famille habite toujours à cette adresse. Alexandre Guillou est alors mécanicien chez Chapel et Dumény.
En 1935, la famille a déménagé pour la commune voisine de Bonneuil-sur-Marne (Seine / Val-de-Marne) [2] ; au moment de son arrestation, Alexandre Guillou habite au 69, rue Montaigne, dans un pavillon dont il est propriétaire.
Le 12 mai 1935, Alexandre Guillou est élu conseiller municipal communiste de Bonneuil sur la liste dirigée par Henri Arlès.
En 1936, il est mécanicien aux établissements de travaux publics Darras et Jouanin de Neuilly-sur-Seine (Seine /Hauts-de-Seine). Cette année-là, son fils unique, Roger, âgé de quinze ans, est vérificateur aux magasins du Printemps.
En 1938, Alexandre Guillou est délégué titulaire aux élections sénatoriales.
En 1939, il travaillerait comme mécanicien-électricien pour la STCRP (Société des transports en commun de la région parisienne, ancêtre de la RATP), mais probablement dans une entreprise de sous-traitance.
Le 3 septembre 1939, rappelé à l’activité militaire par le décret de mobilisation générale, Alexandre Guillou rejoint le 213e régiment régional (de travailleurs ?), comme Georges Brunet, d’Arcueil.
Le 4 octobre 1939, le Président de la République – Albert Lebrun -, par décret et « sur la proposition du ministre de l’intérieur, suspend jusqu’à cessation des hostilités les Conseils municipaux » de 27 communes de la banlieue parisienne à majorité communiste, dont celui de Bonneuil, et les remplace par des Délégations spéciales composées de notables désignés.
Le 9 février 1940, sur requête du préfet de la Seine, le conseil de préfecture déchoit de leur mandat municipal huit élus de Bonneuil, dont Alexandre Guillou, pour n’avoir pas « répudié catégoriquement toute adhésion au Parti communiste » (loi du 20 janvier 1940).
Le 23 avril, « à la suite d’une information confidentielle », les inspecteurs du commissariat de police de la circonscription de Saint-Maur effectuent une perquisition de son domicile qui amène la découverte de « plusieurs brochures communistes sans intérêt », c’est-à-dire probablement datées d’avant l’interdiction des organisations communistes. (pas de main courante pour la période)
Après la signature de l’armistice, Alexandre Guillou est démobilisé à Tulle (Corrèze).
Sous l’Occupation, la police française (RG) le considère comme un « agent très actif de la propagande communiste clandestine », déployant « une grande activité dans la région de Bonneuil, où il [se fait] remarquer dans les lieux publics, notamment dans les débits de boissons et sur les chantiers, par son ardeur à propager les doctrines de la IIIe Internationale ». Après la Libération, les RG écriront « Dès août 1940, en liaison avec Dusautoy, directeur de l’école des garçons de Bonneuil, la femme Arles Sarah et le nommé Castellaz, il [entreprend], par la propagande verbale, la lutte contre l’occupant ».
Le samedi 5 octobre, Alexandre Guillou est appréhendé à son domicile par les inspecteurs du commissariat de Saint-Maur lors de la grande vague d’arrestations organisée dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise par les préfets du gouvernement de Pétain contre des hommes connus avant-guerre pour être des responsables communistes (élus, cadres du PC et de la CGT), qui multiplient des arrêtés d’internement administratif pris en application du décret du 18 novembre 1939 ; action menée avec l’accord de l’occupant. Après avoir été regroupés en différents lieux, 182 militants de la Seine sont conduits le jour même en internement administratif au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé à cette occasion dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt.
Prévenue de son arrestation deux jours plus tard par la préfecture de police de Paris, la direction de la STCRP répond qu’Alexandre Guillou est inconnu de ses services (raison pour laquelle on peut penser qu’il travaillait chez un sous-traitant).
Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux d’Aincourt sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin.
En janvier 1942, Alexandre Guillou sollicite sans succès une permission de sortie exceptionnelle afin d’assister au mariage de son fils Roger, 20 ans, qui doit avoir lieu le dernier jour du mois. Le 20 janvier, celui-ci écrit au préfet de Seine-et-Oise afin de formuler la même demande, « que cette petite réunion familiale ne soit pas gâchée par l’absence de mon cher Papa ». La réponse est encore une fois négative : le jour même de la cérémonie, le préfet de Seine-et-Oise en averti le préfet de police de Paris, qui avait pris l’arrêté d’internement ; « par contre, lorsqu’il sera marié, je suis disposé à l’autoriser exceptionnellement à rendre, accompagné de sa femme, visite à son père au Centre d’Aincourt » (copie transmise au directeur du CSS d’Aincourt avec prière de bien vouloir donner suite favorablement à la demande qui pourra lui être présentée par Guillou Roger…).
Le 11 février, Alexandre Guillou fait partie des 21 militants communistes que les “autorités d’occupation” « extraient » d’Aincourt sans en indiquer les motifs ni la destination au chef de centre. Tous sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Alexandre Guillou est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Alexandre Guillou est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45645 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Alexandre Guillou est très probablement dans la moitié des déportés du convoi ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés des ouvriers ayant des qualifications utiles au camp.
En effet, peu avant sa mort, il y est assigné au Block 6.
Il meurt à Auschwitz le 4 novembre 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) et une copie du registre de la morgue (Leichenhalle) relevée par la résistance polonaise (34e sur la liste de ce jour).
Le 26 novembre 1944, Virginie Guillou écrit au préfet de police pour lui demander de « faire des recherches afin de retrouver ce qu’il est advenu de [son] mari ».
À une date restant à préciser, le Conseil municipal de Bonneuil donne le nom d’Alexandre Guillou à une rue de la commune.
Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Bonneuil, devant le cimetière.
La mention “Mort en déportation” est portée sur les actes d’état-civil (8-07-1985 ou J.O. 21-06-1994).
Notes :
[1] Boissy-Saint-Léger : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine-et-Oise (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Bonneuil-sur-Marne : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert effectif en janvier 1968).
Sources :
Claude Pennetier, notice dans le Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 356, 387 et 407.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire-Vive sur les “45000” et “31000” de Bretagne.
Jean-Marie Dubois, Malka Marcovich, Les bus de la honte, éditions Tallandier, 2016, pages 144, 145, 146 et 189.
Archives départementales du Finistère, site internet, archives en ligne : registres matricules du recrutement militaire, bureau de Quimper, classe 1918, n° 2001-2500 (1 R 1617), n° 2350 (vue 549/779).
Archives municipales de Bonneuil.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), site du Pré-Saint-Gervais : cartons “occupation allemande”, communistes fonctionnaires internés… (BA 2214) ; liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397) ; dossier collectif du cabinet du préfet Tenaille-Fuchs-Guillou-Genais, agents STCRP (1 W 1026-47787).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt (1W80), dossier individuel (1W121).
Association Mémoire et création numérique, site Les plaques commémoratives, sources de mémoire (site fermé).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrit, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 409 (38898/1942).
Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, DMPA, Caen : registre de la morgue d’Auschwitz-I, Leichenhalle (26 P 850).
Site Mémorial GenWeb, 94-Bonneuil, relevé de Bernard Laudet (06-2003).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 9-05-2019)
Cette notice biographique doit être considérée comme un document provisoire fondé sur les archives et témoignages connus à ce jour. Vous êtes invité à corriger les erreurs qui auraient pu s’y glisser et/ou à la compléter avec les informations dont vous disposez (en indiquant vos sources).
En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.