Alfred, Gabriel, Dufays naît le 29 janvier 1900 à Wassy (Haute-Marne – 52), fils d’Auguste Dufays, 27 ans, mouleur à Vaux-sur-Blaise, et de Louise Duverne, son épouse, 23 ans, couturière, domiciliés au 88, rue Mauljean. L’aîné des enfants est Roger Marcel, né le 11 août 1898. Après Alfred naissent Madeleine, en 1902, et Marceau, en 1906, tous nés à Wassy.
Début 1909, la famille habite dans les logements ouvriers installés auprès des Forges de Joinville (52), une fonderie implantée depuis le siècle précédent entre la Marne et le canal de la Marne à la Saône, où le père est employé comme mouleur. Lucienne y naît le 31 mars 1910.
Le 2 août 1914, Auguste Dufays, 42 ans, père de cinq enfants, est mobilisé comme caporal au 52e régiment d’infanterie. À compter du 16 juin 1915, il est employé comme mouleur (“affecté spécial” ?) à la Société des hauts-fourneaux de Caen (Société normande de métallurgie en 1917), produisant des obus pour la Défense nationale. Le 6 avril 1917, à l’aube, il décède de maladie en son domicile provisoire, au lieu dit Le Nouveau Monde, à Mondeville (Calvados – 14). Son beau-frère Alfred Duverne, 22 ans, mouleur lui aussi, est un des deux témoins pour la déclaration de son décès à l’état civil. Le 26 octobre 1922, suivant un jugement du tribunal civil de Wassy, ses enfants Marceau et Lucienne seront adoptés par la Nation.
Le 15 mars 1920, Alfred Dufays est appelé à accomplir son service militaire comme soldat de 2e classe au 20e escadron du train des équipages militaires automobiles.
Le 4 décembre suivant à Joinville (52), il se marie avec Louise Fosset, née le 31 décembre 1899 à Épinal (Vosges). Leur première fille, Germaine, naît à Soissons (Aisne) le 9 juillet 1921.
À Joinville, la mère, les frères et une sœur d’Alfred sont réinstallés (?) rue ou chemin de la Forge ; Marceau, 15 ans, est alors métallurgiste à la fonderie.
Le 4 mars 1922, l’armée envoie Alfred Dufays « dans la disponibilité en attendant son passage dans la réserve de l’armée active », titulaire d’un certificat de bonne conduite. Alfred, Louise et leur fille Germaine s’installent à la Fonderie/Forge, devenant voisins de sa mère. Alfred y est mouleur, comme son frère Marceau.
Alfred et Louise auront trois autres filles, nées à Joinville : Fernande, le 1er septembre 1922, Marcelle, le 22 février 1930, et Ginette, le 20 mai 1934.
En 1926, la fonderie est la propriété d’un nommé Fourneau. Sa sœur Madeleine est femme de chambre dans la maison de maître où loge le directeur, et sa mère y est la cuisinière. Mais l’entreprise fait faillite en 1933 (elle sera reprise ultérieurement par la famille Durand).
Alfred Dufays travaille ensuite à la fonderie Ferry-Capitain de Bussy, sur la commune voisine de Vecqueville ; en novembre 1933 (ou 1935), l’armée le classe dans l’affectation spéciale au titre de cette entreprise (où il se lie avec Louis Thiéry, de Donjeux).
En 1936, la famille est toujours domiciliée dans la “cité ouvrière” des Fonderies de Joinville.
Au moment de son arrestation, Alfred Dufays est domicilié au 1, cour Barbonnot à Joinville. Il est ouvrier à Saint-Dizier (52).
Le 1er juillet 1941, Alfred Dufays est arrêté en gare de Joinville par des Feldgendarmes.
D’abord détenu à la prison de Chaumont, il est transféré le 11 juillet au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Alfred Dufays est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Alfred Dufays est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45496 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée).
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photo), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I), auprès duquel fonctionnent des ateliers où sont affectés certains ouvriers qualifiés. Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Alfred Dufays.
Il meurt à Auschwitz le 16 août 1942, d’après le registre d’appel et l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) ; cinq semaines après l’arrivée de son convoi.
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Joinville.
Mesdames Dufays et Thiéry, veuves, continueront à se fréquenter après la guerre.
Sources :
Son nom (orthographié « DUFASS ») et son matricule figurent sur la Liste officielle n°3 des décédés des camps de concentration d’après les archives de Pologne, éditée le 26 septembre 1946 par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre, page 60.
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, page 367 et 402.
Archives départementales de la Haute-Marne, archives en ligne, état civil de Wassy, registre des naissances de l’année 1900, acte n°6 (cote E dépôt Wassy E 37 1893-1902, vue 125/174).
Club Mémoires 52, Déportés et internés de Haute-Marne, Bettancourt-la-Ferrée, avril 2005, p. 16.
Max Thiéry, fils de Louis Thiéry, membre du bureau de la section de Haute-Marne de l’Association des Orphelins de Déportés, Fusillés, Massacrés, victimes de la barbarie nazie : communication, 2-02-2008.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 244 (22371/1942).
Raymond Jacquot, site internet Mémorial GenWeb, 2002.
Jean-Claude Leuzy, son petit-fils (messages 11-2017).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 21-01-2021)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.