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Aloyse, Numa, Arblade naît le 18 août 1901, au 2 rue Condorcet à Montpellier (Hérault), fils de Jean Arblade, 30 ans, maçon, et de Léonie Dantoni, 20 ans. Ses parents décèdent prématurément…
Pendant un temps, il vit au 4 rue Legrand à Malakoff [1] (Seine / Hauts-de-Seine – 92), chez un cousin maternel, Léopold Dantoni (désigné comme tuteur ?).
Le 5 avril 1921, malgré sa myopie, il est incorporé au 136e régiment d’infanterie afin d’accomplir son service militaire. Le 18 avril 1922, il rejoint l’Armée du Rhin occupant des Pays Rhénans. Le 30 mai 1923, il est “renvoyé dans ses foyers”, titulaire d’un “certificat de bonne conduite”.
Le 22 octobre 1923, scieur de profession, il est embauché aux « usines Citroën ».
Le 4 avril 1925, à Malakoff, Aloyse Arblade épouse Germaine Guérin/Duchesne, née le 2 mai 1907 à Paris 15e, tricoteuse.
À partir de janvier 1928, le couple est domicilié au 20, avenue Augustin-Dumont à Malakoff, voie menant à la gare.
Le 1er juin 1933, ils ont un fils, André, né à Paris 15e (il sera âgé de 7 ans au moment de l’arrestation de son père).
Le 31 octobre suivant, Aloyse Arblade perd son emploi à la suite d’un accident du travail ; fin juillet 1936, la 3e commission de réforme de la Seine le réformera définitivement n° 2 pour « section de trois doigts et de la phalangette du 2e doigt de la main droite ». Pensionné à 45 %, il est contraint au chômage. Cet « excellent militant syndical » se montre particulièrement actif « pour la défense des intérêts des victimes de la crise ». Au moment de son arrestation, il est déclaré comme manœuvre.
Le 12 mai 1935, Aloyse Arblade est élu Conseiller municipal de Malakoff sur la liste du Parti communiste, dirigée par Léon Piginnier.
Le 5 octobre 1939 – comme pour toutes les villes de la “banlieue rouge” – le conseil municipal de Malakoff est dissous par décret du président de la République et remplacé par une “délégation spéciale” nommée par le préfet (malgré le reniement public par le député-maire communiste de son engagement politique antérieur). Deux jours plus tôt, Aloïse Arblade a signé le dernier compte rendu du Conseil.
Le 29 février 1940, il est déchu de son mandat par le conseil de préfecture pour son appartenance au Parti communiste.
- L’Œuvre, édition du 18 mars 1940.
Archives de la préfecture de police. Paris.
Aloyse Arblade figure en deuxième position sur une liste de “suspects” établie par le président de la délégation spéciale et transmise à la Kommandantur et/ou à la police (en mai 1942, cette délégation spéciale devient conseil municipal “nommé” par le gouvernement de Pétain). Selon la police, Aloyse Arblade « se livre à une active propagande ».
Après une distribution de tracts, et suivant la directive du préfet de police Langeron datée du 20 octobre 1940 décidant que « toute découverte de tracts clandestins sur le territoire d’une commune [du département] de la Seine, entraînerait l’internement administratif de militants communistes résidant sur son territoire », Aloyse Arblade est arrêté le matin du 26 octobre, à son domicile, en application du décret du 18 novembre 1939, et conduit en internement administratif au centre de séjour surveillé (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé en octobre 1940 dans les bâtiments désaffectés d’un sanatorium isolé en forêt.
Conçus à l’origine pour 150 malades, les locaux sont rapidement surpeuplés : en décembre 1940, on compte 524 présents, 600 en janvier 1941, et jusqu’à 667 au début de juin. Là, son épouse et son fils peuvent lui rendre au moins une visite.
La mère de son épouse Germaine étant décédée dans cette période, il sollicite une permission de sortie afin d’assister à ses obsèques, prévues le 27 décembre 1940 au cimetière de Malakoff. Sollicitée sur ce point, la direction des Renseignements généraux donne son avis deux jours auparavant : « Étant donné les risques d’incidents que comporterait la présence d’Arblade, accompagné d’inspecteurs, dans l’assistance vraisemblablement communiste, en tout cas populaire, susceptible d’être réunie à l’occasion de ces obsèques, j’estime qu’il y a lieu de refuser l’autorisation sollicitée. »
Le 11 février 1941, Aloyse Arblade signe une requête adressée au chef de camp pour demander sa libération.
Le 25 février, son épouse écrit au préfet de Seine-et-Oise pour solliciter une autorisation de visite. Le cabinet préfectoral transmet sa demande à la direction des R.G. En marge de ce courrier ont été ajoutées les mentions « Répondre : impossible » et « Fait, 21/3/41 ». Le 26 mars, Germaine Arblade reçoit du commissariat de Vanves communication de ce refus, justifié par « le règlement intérieur du camp interdisant les visites aux détenus ».
Le 11 février 1942, Aloyse Arblade fait partie des 21 militants communistes que les “autorités d’occupation” « extraient » d’Aincourt sans en indiquer les motifs ni la destination au chef de centre. Tous sont conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Aloyse Arblade est enregistré à Auschwitz sous le numéro 45176 (sa photo d’immatriculation a été retrouvée et identifiée).
- Auschwitz-I, le 8 juillet 1942.
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
Oświęcim, Pologne.
Coll. Mémoire Vive. Droits réservés.
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Le 13 juillet, après l’appel du soir, Aloyse Arblade est dans la moitié des déportés du convoi sélectionnés pour rester dans ce sous-camp, alors que les autres sont ramenés à Auschwitz-I.
Pendant ce temps, à Malakoff, son épouse Germaine Arblade fait la connaissance de Charlotte, l’épouse de Louis Girard rencontrée à la suite des arrestations de leurs maris respectifs. Ensemble, les deux femmes confient à la Croix-Rouge française des lettres qui, finalement, ne seront pas envoyées.
Le 10 janvier 1943, dans la chambre (Stube) n° 3 du Revier de Birkenau (Block n° 8, en brique), Aloyse Arblade reçoit un médicament dont la nature reste à préciser. Dans ce dispensaire, le SS-Rottenführer Franz Schulz exécute certains détenus d’une injection mortelle dans le cœur…
Il meurt – à Birkenau – le 13 janvier, selon l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher).
En juillet 1945, Lucien Monjauvis, de Paris, vient apprendre sa mort à son épouse.
Le 27 juin 1946, la municipalité de Malakoff donne le nom d’ Aloyse Arblade à l’ex-avenue du Chemin de Fer.
Son nom est inscrit (sans prénom), parmi les victimes du nazisme, sur le Monument aux morts de Malakoff, situé dans le cimetière communal, sur la plaque apposée en mairie « à la mémoire de nos martyrs victimes du nazisme, les conseillers municipaux de Malakoff morts en déportation » et sur la plaque commémorative apposée à son ancien domicile.
- Dans l’entrée de l’Hôtel de Ville de Malakoff…
André Arblade et Paulette Girard – qui s’étaient connus enfants avant l’arrestation de leurs pères respectifs – se marient en 1957.
Notes :
[1] Malakoff : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert effectif en janvier 1968).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 355, 383 et 393.
Cl. Cardon-Hamet, Mille otages pour Auschwitz, Le convoi du 6 juillet 1942 dit des “45000”, éditions Graphein, Paris nov. 2000, page 512.
Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, version CD-rom 1990-1997.
Malakoff, cent ans d’histoire, édité par le centre culturel communal, Messidor, temps actuels, 1983, page 108 et illustration pages 120 et 121 (extrait d’un bulletin de 1945).
Site internet de la Ville de Malakoff (article sur la Résistance en 2005, noms des rues).
Mary Cadras, Les enfants de la tourmente, FMD-éditions Graphein, Paris 1995, pages 60 à 65.
Archives départementales de l’Hérault, site internet : registre d’état civil de Montpellier (3 E 177/476), année 1901, acte 1079 du 20 août (p. 271).
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC), Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “Occupation allemande”, liste des internés communistes, 1939-1941 (BA 2397), chemise “liste des personnes se livrant à une activité de propagande” (BA 2447) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1 W 1114-57344).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt (1w74 (révisions trimestrielles), 1w76, 1w80, 1w85 (notice individuelle).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 31 (1570/1943).
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oświęcim, Pologne, Bureau d’information sur les anciens prisonniers (Biuro Informacji o Byłych Więźniach) ; relevé dans les archives (01-2009).
Site Mémorial GenWeb, 92-Malakoff, relevés de Philippe et Claudine Deguillien (02-2004), et de Claude Richard (02-2008).
MÉMOIRE VIVE
(Dernière mise à jour, le 30-01-2024)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.