Ange-Marie Macé naît le 15 janvier 1894 au Teuil, commune de Montauban-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine), fils de Pierre Macé, 40 ans, cultivateur, et de Marie Louise Ramel, son épouse, 31 ans.
Pendant un temps, Ange-Marie Macé habite avec ses parents aux Loges (Seine-Inférieure / Seine-Maritime [1] – 76) travaille comme cantonnier.
Le 5 février 1912, à la mairie de Fécamp (76), il s’engage volontairement dans l’armée pour trois ans. Incorporé au 7e régiment de chasseurs à cheval, il rejoint cette unité trois jours plus tard. Le 12 juillet 1913, devant la sous-intendance militaire de Rouen, il se réengage pour un an au 24e régiment de dragons, à Dinan.
Le 2 août 1914, étant déjà sous les drapeaux quand est publié l’ordre de mobilisation générale, il part immédiatement « aux armées ». Le 25 juin 1916, il passe au 7e régiment d’artillerie. Deux jours plus tard, il entre à l’hôpital 104 à Rennes, pour en sortir le 16 août. Il y retourne le 25 septembre pour en sortir le 20 novembre. Le 6 décembre suivant, il est affecté au 38e R.A.
Le 16 décembre 1916, Ange-Marie Macé part à destination de Salonique/Thessalonique (Grèce, province de Macédoine), rejoindre l’armée française d’Orient engagée dans un soutien militaire à la Serbie. Le 4 janvier 1917, il passe au 115e R.A., 82e batterie. Tombé malade, il est évacué le 30 mars vers l’hôpital n° 9 de Salonique. Le 4 mai, il rejoint son unité, mais rechute et entre à l’hôpital n° 13 de Salonique le 28 mai. La veille, il a été affecté au 19e R.A. Le 8 juillet, il est rapatrié et conduit à l’hôpital 34, à Avignon. Le 1er septembre, il a droit à un congé de convalescence de vingt jours.
Le 22 novembre, Ange-Marie Macé est affecté au 252e régiment d’artillerie de campagne. Le 14 août 1918, il passe au 53e R.A. Le 30 août 1918, il est évacué malade. Le 9 octobre, il est affecté au 57e R.A.. Le 23 mai 1919, la commission de réforme du Havre propose de le mettre en réforme temporaire n° 1 pour « polyadénopathie cervicale bilatérale », imputable au service. À la même date, il est renvoyé dans ses foyers, titulaire d’un certificat de bonne conduite. En février 1928 et novembre 1930, la commission de réforme de Rouen lui attribuera une pension définitive d’invalidité de 30 % pour « adénopathie chronique cervicale et axillaire ; sclérose pulmonaire droite… »
Le 24 mai 1919 aux Loges, Ange-Marie Macé se marie avec Marthe Lassort. Ils auront quatre enfants.
En juin 1926, l’armée le classe dans la Réserve comme affecté spécial à la Compagnie des chemins de fer de l´État. En août 1927, il est plus précisément affecté spécial comme cantonnier des chemins de fer à Graville-Sainte-Honorine, ancienne commune annexée au Havre en 1919, pour en devenir un quartier (76).
En juin 1928 et jusqu’au moment de l’arrestation du chef de famille, celle-ci est domicilié au 112-bis, route (ou rue) de Louviers, à Saint-Pierre-lès-Elbeuf, 20 km au sud de Rouen (76).
Ange-Marie Macé est syndicaliste CGT, et probablement membre du Parti communiste.
Le 4 août 1941, répondant à une note du préfet de Seine-Inférieure datée du 22 juillet, le commissaire principal de police spéciale de Rouen transmet à celui-ci une liste nominative de 159 militants et militantes communistes de son secteur dont il préconise de prononcer l’internement administratif dans un camp de séjour surveillé, tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et « par tous les moyens ». Parmi eux, Ange-Marie Macé…
Le 22 octobre 1941, Ange-Marie Macé est arrêté à son domicile par le commissaire de police de Caudebec-les-Elbeuf, sur ordre du préfet de Seine-Inférieure [2].
À une date restant à préciser, il est interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne [3] (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, Ange Macé est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Ange Macé est enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) ; peut-être sous le numéro 45809, selon les listes reconstituées. La photo du détenu portant ce matricule n’a pas été retrouvée.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos. L’ensemble des “45000” passent ainsi cinq jours à Birkenau.
Notes :
[1] Seine-Maritime : département dénommé “Seine-Inférieure” jusqu’en janvier 1955.
[2] Le “brûlot de Rouen” et la rafle d’octobre 1941 : L’arrestation massive de plusieurs dizaines (*) de militants politiques et syndicaux – ou soupçonnés tels – a suivi de peu le déraillement d’un train de matériel militaire allemand sur la ligne Rouen-Le Havre, dans le tunnel de Pavilly, à 1500 m de la gare de Malaunay, le 19 octobre 1941 ; ce sabotage étant l’un des objectifs visés par le “brûlot” de Rouen (groupe mobile de la résistance communiste). Néanmoins, les fiches d’otages des “45000” appréhendés dans cette période mentionnent que ces arrestations mettaient en application un ordre du Commandant de la région militaire A, daté du 14 octobre 1941. Ainsi, entre le 17 et le 25 octobre, il y eut le même type de rafles de “communistes” dans sept autres départements de la zone occupée. Il est probable que ces arrestations aient été ordonnées pour assurer la saisie de communistes destinés à être placés sur les listes d’otages de cette région militaire. En effet, tous les hommes appréhendés furent remis aux allemands qui les transférèrent à Compiègne entre le 19 et le 30 octobre 1941. 44 des otages arrêtés ces jours-là dans le secteur de Rouen furent déportés dans le convoi du 6 juillet 1942. Beaucoup furent fusillés au titre de représailles dans les semaines qui suivirent.
(*) 150 selon 30 ans de luttes, brochure éditée en 1964 par la fédération du Parti Communiste de Seine-Maritime.
[3] Sous contrôle militaire allemand, le camp de Royallieu a d’abord été un camp de prisonniers de guerre (Frontstalag 122), puis, après l’invasion de l’URSS, un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs ». À partir de septembre 1941, on y prélève – comme dans les autres camps et prisons de zone occupée – des otages à fusiller. À partir du 12 décembre 1941, un secteur du sous-camp “C” est réservé aux Juifs destinés à être déportés à titre de représailles. Le camp des Juifs est supprimé le 6 juillet 1942, après le départ de la plupart de ses internés dans le convoi transportant les otages communistes vers Auschwitz. Les derniers détenus juifs sont transférés au camp de Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, Éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 377 et 412.
Cl. Cardon-Hamet, notice pour l’exposition de Mémoire Vive sur les “45000” et “31000” de Basse-Normandie (2000), citant : Liste établie par la CGT, p. 7 – Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), ministère de la Défense, Caen.
Louis Eudier (45523), listes à la fin de son livre Notre combat de classe et de patriotes (1939-1945), imprimerie Duboc, Le Havre, sans date (2-1973 ?).
Archives départementales de l’Ille-et-Vilaine, site internet, archives en ligne, état civil de Montauban-de-Bretagne, registre des naissances de l’année 1894 (10 NUM 35184 496), acte n°5 (vue 2/18).
Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen, site de l’Hôtel du Département : cabinet du préfet 1940-1946, individus arrêtés par les autorités de Vichy ou par les autorités d’occupation, dossiers individuels de Lh à Q (51 W 419), recherches conduites avec Catherine Voranger, petite-fille de Louis jouvin (“45697”).
Archives départementales de Seine-Maritime, site internet du conseil général, archives en ligne : registre matricule du recrutement militaire, bureau de ?, classe 1914 (1 R 3359), matricule 1110.
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 755 (32326/1942).
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 26-12-2020)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.