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Auschwitz-I, le 3 février 1943
Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Oswiecim, Pologne.
Collection Mémoire Vive. Droits réservés.

Angèle, Marie Denonne, dite « Danièle », naît le 28 avril 1891, à Roubaix (Nord), fille de Hilaire Denonne, 29 ans, tisserand de nationalité belge, et de Rebecca Fresco, 37 ans, son épouse, de nationalité hollandaise.

Elle quitte l’école communale de Roubaix à douze ans, travaille ensuite, ainsi que sa sœur cadette, comme bobineuse dans l’usine où leur père est ouvrier, puis elle apprend la couture.

Au cours de la Première Guerre mondiale, Angèle Denonne passe des renseignements en franchissant les lignes allemandes. Dénoncée, elle est arrêtée et conduite pour interrogatoire devant un lieutenant allemand qui lui dit : « Nous savons que vous passez des informations : collaborez ou, sinon, nous allons vous fouillez. » Angèle nie, enlève ses gants et les jette au visage dde l’officier : « Vous ne me croyez pas et bien fouillez-moi ». Ce qui est fait. Mais les Allemands ne trouvent rien, et pour cause : les renseignements sont écrit à l’intérieur des gants.

Le 2 mars 1920, à Paris 11e, Angèle Denonne se marie avec Louis Leduc, né le 2 décembre 1881 à Paris 20e, boucher. Angèle abandonne la couture pour tenir la caisse de la boucherie – une grosse boutique de cinq ou six commis à Paris. Ils n’ont pas d’enfant. À une date restant à préciser, ils prennent en charge la nièce d’Angèle, Nadia Angèle Denone, née le 18 septembre 1917 à Roubaix.  Les affaires périclitent ; confiante dans sa perspicacité, “Danièle” Leduc se fait chiromancienne (divination à partir de la forme et des lignes de la main) et reçoit sa clientèle dans leur appartement du 41 boulevard Malesherbes.

En 1942, les Leduc, qui ont quitté Paris à l’exode, habitent place, ou rue, Glais-Bizoin à Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord / Côtes-d’Armor).

Une conviction et des actions de Résistance

Danièle Leduc écoute Radio-Londres et ne s’en cache pas, au contraire : elle répand les nouvelles dans le voisinage.

Un prétendu Anglais arrive un soir, demande asile. On l’héberge, on le réconforte, on lui prodigue en encouragement les derniers communiqués de Londres.

L’arrestation par la Gestapo

Le lendemain matin, quand les Leduc se réveillent, l’Anglais a disparu. Louis Leduc va sortir leur chien. À son retour, son épouse n’est plus à la maison : la Gestapo est passée chez eux entre-temps.

Angèle Leduc est détenue quelques jours à la prison pour femmes de Rennes. Le 30 décembre 1942, elle est transférée avec Germaine Pirou au camp allemand du Fort de Romainville, situé sur la commune des Lilas (Seine / Seine-Saint-Denis), premier élément d’infrastructure du Frontstalag 122. Enregistrée sous le matricule n° 1350, “Danièle” Leduc y est internée trois semaines [1].

Le 22 janvier 1943, cent premières femmes otages sont transférées en camions au camp de Royallieu à Compiègne (leurs fiches individuelles du Fort de Romainville indiquent « 22.1 Nach Compiègne überstellt » : « transférée à Compiègne le 22.1 »). Le lendemain, un deuxième groupe de cent-vingt-deux détenues du Fort qui les y rejoint, auquel s’ajoutent huit prisonnières extraites d’autres lieux de détention (sept de la maison d’arrêt de Fresnes et une du dépôt de la préfecture de police de Paris). À ce jour, aucun témoignage de rescapée du premier transfert n’a été publié concernant les deux nuits et la journée passées à Royallieu, et le récit éponyme de Charlotte Delbo ne commence qu’au jour de la déportation… Mais Betty Jégouzo confirme ce départ en deux convois séparés, partis un jour après l’autre du Fort de Romainville. Toutes passent la nuit du 23 janvier à Royallieu, probablement dans un bâtiment du secteur C du camp.

Le matin suivant, 24 janvier, les deux-cent-trente femmes sont conduites à la gare de marchandises de Compiègne et montent dans les quatre derniers wagons (à bestiaux) d’un convoi dans lequel plus de 1450 détenus hommes ont été entassés la veille. Comme les autres déportés, la plupart d’entre elles jettent sur les voies des messages à destination de leurs proches, rédigés la veille ou à la hâte, dans l’entassement du wagon et les secousses des boggies (ces mots ne sont pas toujours parvenus à leur destinataire).

En gare de Halle (Allemagne), le train se divise et les wagons des hommes sont dirigés sur le KL Sachsenhausen, tandis que les femmes arrivent en gare d’Auschwitz le 26 janvier au soir. Le train y stationne toute la nuit. Le lendemain matin, après avoir été descendues et alignées sur un quai de débarquement de la gare de marchandises, elles sont conduites à pied au camp de femmes de Birkenau (B-Ia) où elles entrent en chantant La Marseillaise. Angèle Leduc y est enregistrée sous le matricule 31841. Le numéro de chacune est immédiatement tatoué sur son avant-bras gauche.

Pendant deux semaines, elles sont en quarantaine au Block n° 14, sans contact avec les autres détenues, donc provisoirement exemptées de travail.

Le 3 février, la plupart des “31000” sont amenées à pied, par rangs de cinq, à Auschwitz-I, le camp-souche où se trouve l’administration, pour y être photographiées selon les principes de l’anthropométrie de la police allemande : vues de trois-quart, de face et de profil (la photo d’immatriculation d’Angèle Leduc a été retrouvée, puis identifiée par des rescapées à l’été 1947).

Le 12 février, les “31000” sont assignées au Block 26, entassées à mille détenues avec des Polonaises. Les “soupiraux” de leur bâtiment de briques donnent sur la cour du Block 25, le “mouroir” du camp des femmes où sont enfermées leurs compagnes prises à la “course” du 10 février (une sélection punitive). Les “31000” commencent à partir dans les Kommandos de travail.

Angèle Leduc meurt à Birkenau le 7 mars 1943, selon l’acte de décès du camp (Sterbebücher), au Revier où elle avait été admise à cause d’un œdème : elle avait les jambes si enflées qu’elle ne pouvait plus du tout marcher.

Son mari et sa nièce – qu’elle avait élevée et qu’elle considérait comme sa fille – apprennent sa mort au retour des rescapées. Ses proches sont en effet convoqués à l’Amicale d’Auschwitz, rue Leroux à Paris, par Madeleine Dechavassine pour y recevoir certaines informations.

Le 27 septembre 1945, Adélaïde Hautval écrit à un de ses proches (sa nièce ?), précisant que Danièle Leduc était sa voisine de lit au fort de Romainville, où elle avait été malade et lui avait souvent parlé de sa sœur, personne à prévenir de son sort.

Note :

[1] Au fort de Romainville… : Ayant put entrer en contact avec “Danièle” Leduc – directement ou non – sa nièce, rapportera plus tard dans le cercle familial que celle-ci lui aurait confié alors qu’elle avait subit avec d’autres plusieurs fois des simulacres d’exécution dans l’enceinte du fort, dos au mur face à un peloton d’exécution, un bandeau sur les yeux (« En joue, feu » …tir à coté) ; il s’agit probablement d’une confusion avec d’autres récits, car aucune épreuve aussi traumatisante n’a été rapportée par les rescapées, dont certaines étaient internées au fort depuis août 1942.

Sources :

- Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Les Éditions de Minuit, 1965 (réédition 1998), pages 175-176.
- Pascal Trécourt, fils de la nièce d’Angèle Leduc, messages (09-2015, 03-2018, 04-2020).
- Archives départementales du Nord (AD 59), site internet, archives en ligne : registre des naissances de Roubaix, année 1891 (cote 1 Mi EC 512 R 060), acte n° 1330 (vue 358/553).
- Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 2, page 703 (14029/1943).

MÉMOIRE VIVE

(dernière modification, le 30-04-2020)

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