Aristide, Léon, Mandron naît le 5 août 1890 à Châtel-Censoir (Yonne), chez ses parents, Paul Mandron, 27 ans, plâtrier, et Ernestine Tricardy, 26 ans, son épouse.
Aristide Mandron acquiert une formation de serrurier mécanicien ajusteur.
Le 7 octobre 1911, il est incorporé au 32e régiment d’artillerie afin d’accomplir son service militaire . Le 10 août 1912, il passe au 2e régiment d’artillerie de montagne. Le 3 novembre 1913, il est « envoyé dans la disponibilité », avec un certificat de bonne conduite.
- En février 1914, il habite au 24, rue Catulienne à Saint-Denis (Seine/Seine-Saint-Denis).
Le 22 juin 1914 à Châtel-Censoir, Aristide Mandron se marie avec Amélie Faulle, née le 6 octobre 1894 dans cette commune (ils n’auront pas d’enfant). Le 18 juillet, le couple habite au 16, rue Dezobry à Saint-Denis.
Aristide Mandron est « rappelé à l’activité » militaire par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Deux jours plus tard, il rejoint le 32e régiment d’artillerie, unité combattante. Le 12 août 1915, il est détaché du corps d’armée pour être employé par la Société anonyme des Établissements Delaunay-Belleville à Saint-Denis, une usine d’automobiles. Le 24 mai 1917, il passe brièvement à la société des moteurs Otto, rue de la Convention, à Paris. Le 4 juin suivant, il passe à la Maison Lorraine-Dietrich à Argenteuil, dont les usines fabriquent alors des moteurs d’avions. Le 1er juillet, il passe – de manière administrative ? – au 27e et 32e Dragons. En mai 1918, il est relevé d’usine. Le 21 mai, il rentre au dépôt et réendosse l’uniforme. Le 29 mai, il rejoint le 38e régiment d’artillerie lourde, de nouveau une unité combattante ; le 22 août, il passe au 22e régiment d’artillerie de campagne ; le 19 octobre, au 272e régiment d’artillerie, combattant jusqu’à l’armistice du 11 novembre. Le 10 août 1919, il est « renvoyé en congé illimité » (démobilisé) et se retire au 16, rue des Aubry, à Saint-Denis
En novembre 1936 et jusqu’au moment de son arrestation, il est domicilié au 2, rue Émile-Zola à Saint-Denis [1] (Seine / Seine-Saint-Denis).Aristide Mandron est ajusteur à la Société du gaz de Paris. Militant à la CGT, il est délégué du personnel. Il est également membre de la cellule du Landy du Parti communiste.
Le 15 juillet 1938, en tant que “réserviste”, il est sans affectation nominative, maintenu à la disposition de la Ville de Paris comme ajusteur-mécanicien.
Le 6 décembre 1940, il est arrêté à son domicile par la police française, qui le considère comme « meneur communiste très actif », et interné administrativement au “centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise), créé au début du mois d’octobre 1940 dans les bâtiments réquisitionnés d’un sanatorium isolé en forêt afin d’y enfermer des hommes connus de la police pour avoir été militants communistes avant-guerre.
Le 6 septembre 1941, il est parmi les 150 détenus d’Aincourt (dont 106 de la Seine) transférés au camp français (CSS) de Rouillé, au sud-ouest de Poitiers (Vienne), pour l’ouverture de celui-ci.
Le 22 mai 1942, il fait partie d’un groupe de 156 internés – dont 125 seront déportés avec lui – remis aux autorités d’occupation à leur demande et conduit au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 – Polizeihaftlager).
Entre fin avril et fin juin 1942, il est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler).
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits à pied sous escorte allemande à la gare de Compiègne, sur la commune de Margny, et entassés dans des wagons de marchandises. Le train part une fois les portes verrouillées, à 9 h 30.
Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Après les premières procédures (tonte, désinfection, attribution d’un uniforme rayé et photographie anthropométrique), les 1170 arrivants sont entassés pour la plupart dans deux pièces nues du Block 13 où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7 heures, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau ; alors choisi pour mettre en œuvre la « solution finale » – le génocide des Juifs européens -, ce site en construction présente un contexte plus meurtrier pour tous les concentrationnaires. À leur arrivée, les “45000” sont répartis dans les Blocks 19 et 20 du secteur B-Ib, le premier créé.
Le 10 juillet, après l’appel général, ils subissent un bref interrogatoire d’identité qui parachève leur enregistrement et au cours duquel ils déclarent une profession (celle qu’ils exerçaient en dernier lieu ou une autre, supposée être plus “protectrice” dans le contexte du camp). Puis ils sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet, après l’appel du soir – l’ensemble des “45000” ayant passé cinq jours à Birkenau -, une moitié des membres du convoi est ramenée au camp principal (Auschwitz-I). Aucun document ni témoignage ne permet actuellement de préciser dans lequel des deux sous-camps du complexe concentrationnaire a alors été affecté Aristide Mandron.
Il meurt à Auschwitz le 21 août 1942, d’après l’acte de décès établi par l’administration SS du camp (Sterbebücher) [2], indiquant pour cause certainement mensongère de sa mort « asthme cardiaque » (Herzasthma).
En septembre 1942, Amélie Mandron – alors réfugiée chez sa mère (?), Madame Veuve Faulie à Châtel-Censoir – écrit au préfet de l’Yonne afin de solliciter une allocation aux familles nécessiteuses d’internés administratifs.
En 1945, des rescapés du convoi apprennent sa disparition à son épouse.
En 1952, sa veuve complète un formulaire du ministère de Anciens combattants et victimes de guerre pour demander l’attribution du titre de déporté politique à son mari.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 17-09-1991).
Notes :
[1] Saint-Denis : jusqu’à la loi du 10 juillet 1964, cette commune fait partie du département de la Seine, qui inclut Paris et de nombreuses villes de la “petite couronne”, dont la “ceinture rouge” des municipalités dirigées par des maires communistes (transfert administratif effectif en janvier 1968).
[2] Différence de date de décès avec celle inscrite sur les actes d’état civil en France : Dans les années qui ont suivi la guerre, devant l’impossibilité d’obtenir des dates précises de décès des déportés, mais soucieux d’établir les documents administratifs nécessaires pour le versement des pensions aux familles, les services français d’état civil – dont un représentant officiait au ministère des Anciens combattants en se fondant sur diverses sources, parmi lesquelles le témoignage approximatif des rescapés – ont très souvent fixé des dates fictives : le 1er, le 15, le 30, le 31 du mois, voire le jour (et le lieu !) du départ. S’agissant d’Arisitide Mandron, c’est le 15 décembre 1942 qui a été retenu pour certifier son décès. Leur inscription sur les registres d’état civil rendant ces dates officielles, certaines ont quelquefois été gravées sur les monuments aux morts.
Sources :
Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 127 et 128, 386 et 412.
Archives départementales de l’Yonne, archives en ligne : état civil de Châtel-Censoir, registre des naissances de l’année 1890 (cote 5 Mi 1266/ 1 N), acte n° 15 (vue 119/167) ; registre matricule du recrutement militaire, bureau d’Auxerre, classe 1910 (cote 1 R 715, n° 1-50), matricule 108 (vues 242-243/1115).
Musée de la Résistance nationale (MRN) Champigny-sur-Marne (94) : carton “Association nationale des familles de fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
Archives de la préfecture de police (Seine / Paris), Service de la mémoire et des affaires culturelles, Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) : cartons “occupation allemande”, (communistes fonctionnaires internés…), liste des fonctionnaires internés administrativement le 6 décembre 1940 par application de la loi du 3-09-1940 (BA 2214) ; dossier individuel au cabinet du préfet (1w514-13696).
Archives départementales des Yvelines (AD 78), Montigny-le-Bretonneux : centre de séjour surveillé d’Aincourt, relations avec les autorités allemandes (1W80), dossier individuel (1W137) ; et recherches parallèles de Claude Delesque.
Mémorial de la Shoah, Paris, archives du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) : liste XLI-42, n° 117.
Archives départementales de la Vienne : camp de Rouillé (109W75).
Témoignage de Fernand Devaux (10-2008).
Death Books from Auschwitz, Remnants, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, K.G.Saur, 1995 ; relevé des registres (incomplets) d’actes de décès du camp d’Auschwitz dans lesquels a été inscrite, du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, la mort de 68 864 détenus pour la plupart immatriculés dans le camp (sans indication du numéro attribué), tome 3, page 773 (23535/1942).
Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA), Caen : copies de pages du Sterbebücher provenant du Musée d’Auschwitz et transmises au ministères des ACVG par le Service international de recherches à Arolsen à partir du 14 février 1967, carton de L à R (26 p 842), acte n° 23535/1942.
MÉMOIRE VIVE
(dernière mise à jour, le 29-01-2024)
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En hommage à Roger Arnould (1914-1994), Résistant, rescapé de Buchenwald, documentaliste de la FNDIRP qui a initié les recherches sur le convoi du 6 juillet 1942.